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1 P ARTIE T HEORIQUE

1.6 Adolescence, entre addiction et culture vidéoludique

1.6.1.4 Typologie des jeux

Afin de poursuivre notre présentation des jeux vidéo, il paraît intéressant de se référer à une typologie. Elle permet de faire l’état des lieux des différentes propositions vidéoludiques et de rendre compte de leur variété. Au début des années 1990, une classification des jeux vidéo proposait une catégorisation en neuf genres de jeux vidéo : Simulation sportive, guerre, combat, aventure, réflexion, gestion, rôle, simulateur et plateforme (Bruno, 1993). Dans les années 2000, l’apparition de nouveaux genres jeux comme les MMORPG (Massively

Multiplayer Online Role Playing Game ou en français les jeux de rôle en ligne massivement

multi-joueurs) ou des jeux de simulations avancées amènent à revoir cette catégorisation. L’absence de classification officielle s’explique par le fait qu’un jeu vidéo puisse avoir un gameplay principal tout en intégrant d’autres règles de jeu, des univers appartenant à d’autres genres de jeux. Nous proposons d’utiliser une typologie des jeux vidéo rendant compte des caractéristiques ludiques à titre référentiel dans le tableau 3 ci-dessous (CNRS, 2012).

Tableau 3: Typologie des jeux vidéo

Type de jeux Gameplay ou Jouabilité

Jeux d’action (combat, plates-formes, tirs FPS

First Person Shooter)

Leur gameplay sollicite essentiellement l’habileté, la réactivité du joueur en termes de rapidité et dextérité. La réalisation des actions est souvent en temps réel et le joueur voit directement les actions qu’ils effectuent.

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Jeux d’aventure (aventure graphique,

fiction interactive, simulation de drague, visual novel)

La jouabilité repose sur la résolution d’énigmes, de sollicitation d’aide par des dialogues et par le recueil d’indices/objets. Le joueur doit explorer l’univers du jeu pour avancer. Le jeu relate une histoire dont le schéma narratif s’apparente à celui d’un film ou d’un roman.

Ex : Danganronpa, Webtoon

Jeux d’action-aventure

Il s’agit d’un mixte entre les jeux d’action et d’aventure. Combat + exploration + résolution de problèmes

Ex : Assassin’s creed, GTA, Zelda, Whatchdog

Jeux de rôle (MMORPG,

action-RPG…)

Ces jeux sont l’adaptation numérique des jeux de rôle traditionnel (ex : Donjon et dragons). Le personnage (avatar) est central puisque son évolution dans le jeu dépend de ses actions, de ses choix et des points qu’il acquiert par ses réussites. Le personnage perd ou acquiert des compétences et des pouvoirs au fil du jeu. La collaboration avec son équipe est souvent essentielle.

Ex : League Of Legend, Overwatch (LOL), World of Warcraft (WOW)

Jeux de réflexion (labyrinthes, objets

cachés, puzzles)

Résoudre des énigmes, sortir d’un labyrinthe ou autres casse-têtes. Nous y retrouvons les jeux traditionnels de puzzles et autres jeux de réflexions et de logique.

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Ex : Among us, Plato

Jeux de simulation,

Comme son nom l’indique, le jeu propose de simuler une activité de la vie quotidienne et proche de la réalité. Il permet de se familiariser avec des activités qui pourraient se produire dans la vie du joueur (S’occuper d’un animal, gérer une entreprise, une ville, conduire des véhicules…)

Ex : Animal crossing, Sims 4

Jeux de stratégie

La stratégie vise à développer ses ressources, agrandir son territoire, détruire ses ennemis. Ils sont souvent dans des contextes de guerre ou de colonisation. Ils sont l’adaptation numérique des jeux de guerre traditionnels (Wargames). Le joueur doit faire des choix stratégiques.

Ex : Clash of clans, Rome total war

Autres types de jeux : casse-briques,

course, rythme, Party game, sport.

Ce genre regroupe les pratiques sportives (danse, football, courses automobiles). Un système de récompense survient lorsque les objectifs sont atteints. Nous retrouvons également les jeux de danse avec tapis numérique ou de musique avec instrument (Guitar Hero).

Ex : Rocket League, Fifa, NBA

Serious game Ils sont qualifiés de sérieux du fait de leur création et application à but éducatif ou thérapeutique.

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Aux côtés de ces catégories, nous pourrions évoquer l’apparition depuis quelques années de jeux visant davantage la dimension sociale (Social Games). Ils sont issus des réseaux sociaux et permettent d’expérimenter l’aspect social dans un contexte ludique (Bitmoji Party sur Snapchat par exemple).

Cette diversité de jeux vidéo explique la pratique répandue de ce média vidéoludique. Il est à préciser que l’âge et le genre définissent les choix de type de jeux (CNC, 2014). À cette typologie s’ajoute des repères conseillés à l’utilisation de certains jeux par les enfants et les adolescents. D’un point de vue européen, les jeux vidéo font l’objet d’un système de classification par âge selon les contenus. La référence PEGI11 déconseille certains contenus pour les âges suivants : 3ans, 7ans, 12ans, 16ans et 18ans. Cette référence, soutenue par l’Union Européenne dans le cadre de la protection de l’enfance, fournit des conseils concernant le jeu et l’âge adapté pour y jouer.

Les critères d’analyse des contenus sont les suivants :

La grossièreté du langage (sexuel et/ou blasphématoire

La discrimination et toute représentation ethnique ou stéréotypée favorisant des discours de rejet et de haine

La consommation de substances addictives ou drogues (alcool, tabac…)

Les contenus pouvant effrayer par des images horrifiantes et des sons angoissants Les jeux favorisant une habituation aux jeux d’argent (Gambling)

Le sexe se traduisant par des positions, insinuations sexuelle ou des scènes de nudité à valeur sexuelle. Le nu n’y est pas interdit mais doit être neutralisé d’intention sexuelle La violence à travers des scènes réalistes et touchant l’intégrité de corps humain. Le risque de dépenses d’argent pour l’achat d’accessoires, d’argent virtuel.

Cette classification n’a qu’une valeur de référence et ne fait pas office d’une loi ou d’un décret d’application. La liberté d’achat revient aux parents. Cette prise en considération des âges de développement rend compte de l’impact que peut avoir certains jeux vidéo sur le bien-être des enfants. Certains jeux vidéo sont souvent cités pour dénoncer la violence des jeux vidéo (GTA par exemple) et favorisent les discours d’inquiétudes médiatiques et

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parentaux. Au-delà des contenus, il paraît important de s’interroger sur les mésusages de ces jeux et du caractère pathologique de certaines utilisations. Nous proposons alors d’aborder l’état de la question de l’usage des jeux vidéo dans la littérature scientifique.

1.6.2 Usage des jeux vidéo : entre objet d’addiction et objet thérapeutique

Avant que le terme d’addiction apparaisse dans les classifications nosographiques pour parler de l’usage des jeux vidéo, les pratiques vidéoludiques ont fait l’objet de nombreux débats concernant leur contenu violent, leurs conséquences sur le traitement de la réalité (confusion réel/virtuel) et sur le développement des phobies scolaires. En 2014, l’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies révélait qu’un élève sur huit avait un usage problématique des jeux vidéo (Obradovic et al. 2014, p.4). La prévalence de l’usage problématique chez les enfants et les adolescents serait dans un intervalle de 2 à 12% selon les pays et les échantillons (Inserm, 2014, p.13).

La précaution prise dans la terminologie d’« usage problématique » ne se retrouve pas forcément dans les discours médiatiques ou de l’État français. Ce dernier a intégré la question des jeux vidéo au Plan National de Mobilisation contre les addictions (2018-2022). Le flou s’accentue avec l’emploi d’une addiction aux écrans. Les deux termes « addiction » et « écran » recouvrent une variété de pratiques vidéoludiques et de supports de contenus nombreux et disparates.

Notons que le consensus sur la notion d’addiction est difficile à obtenir du fait des pluralités méthodologiques pour recueillir les données et selon les définitions adoptées à l’usage problématique des jeux vidéo (Valleur, 2009, p.10, Inserm, 2014, p.13). Une méta-analyse regroupant 63 études sur le sujet utilisant 18 instruments différents de mesure met en valeur l’absence de cohérence entre les échelles utilisées et les mesures psychométriques (King et al. 2013). Les critères diagnostiques diffèrent selon les articles et les approches théoriques. Par ailleurs, la différence entre les échantillons de sujets (âge, genre, culture par exemple) couvre un spectre large d’usage préoccupant des jeux vidéo et trouve une simplification pragmatique dans le terme d’addiction. Avant d’évoquer l’état de la littérature scientifique sur l’usage des jeux vidéo aux finalités thérapeutiques, nous décrirons l’apport des approches nosographiques syndromiques.

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