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2 M ETHODOLOGIE

2.1 Phase exploratoire

2.1.4.2 Échelle d’évaluation des facteurs anxieux et dépressifs

Cette échelle est une adaptation française (Bouvard, Dacquin, Denis. 2012) de la Revised Child Anxiety and Depression Scale (Chorpita et al. 2005). Cette échelle de cotation en quatre points 0 (jamais) à 3 (toujours) permet d’évaluer la présence d’une symptomatologie anxieuse et/ou dépressive à travers 46 items. Elle présente l’intérêt d’être composite de six facteurs :

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anxiété de séparation, phobie sociale, troubles obsessionnels compulsifs, trouble panique, trouble anxieux généralisé, dépression majeure. Chacun de ces facteurs répond à la nosographie du DSM 5. Ils présentent un intérêt descriptif de la symptomatologie.

Anxiété de séparation

Items concernés 5. J’aurais peur d’être livré à moi-même

9. Je m’inquiète à propos d’être loin de mes parents

17. Je me sens effrayé(e) si je dois dormir tout(e) seul(e)

18. J’ai du mal à aller à l’école le matin car je me sens nerveux (se) ou effrayé(e)

33. Je suis effrayé(e) à l’idée d’être dans des endroits plein de monde (comme les centres commerciaux, les cinémas, les cours d’école bondées)

45. Je m’inquiète quand je vais au lit le soir

46. Je me sentirai effrayé(e) si je devais rester loin de la maison pour la nuit

Aspects cliniques

Ce facteur peut s’entendre comme la difficulté à se séparer de ses figures d’attachements (les parents). À l’adolescence, cette anxiété de séparation peut signer un processus d’autonomisation, de seconde différenciation mis à mal. L’adolescent ne peut traiter la perte de ses investissements œdipiens puisqu’il n’accède pas à de nouveaux objets identificatoires (groupe de pairs par exemple). Elle peut rendre compte d’un défaut d’intériorisation des bons objets et de la nécessité de la présence réelle des parents pour se rassurer face aux angoisses de perte. Toute séparation représente un risque de perte des objets œdipiens et de débordement pulsionnel faute de digues identificatoires solides.

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La phobie sociale

Items concernés

4. Je m’inquiète quand je pense que j’ai fait quelque chose avec médiocrité

7. Je me sens effrayé(e) quand je dois faire un test

8. Je me sens inquiet(ète) quand je pense que quelqu’un est fâché contre moi 12. Je m’inquiète de mal faire mon travail à l’école

20. Je m’inquiète d’avoir l’air bête 30. Je m’inquiète de faire des erreurs

32. Je m’inquiète de ce que les autres pensent de moi

38. Je me sens effrayé(e) quand je dois parler face à ma classe

43. Je me sens effrayé(e) à l’idée d’avoir l’air bête devant les gens

Aspects cliniques

Ce facteur présente un intérêt important puisqu’il renvoie à la question du narcissisme et du risque dans l’intersubjectivité. Les fragilités narcissiques adolescentes peuvent se traduire par des conduites d’évitement des objets phobogènes que pourraient être le groupe de pairs. Cette phobie sociale peut être spécifique à l’école qui est le prototype de l’expérience de séparation. Par ailleurs, la structure phobique (Birraux, 1994) met en perspective les traductions comportementales par l’évitement des situations relationnelles afin d’éviter d’être confronté à ses propres excitations internes. Nous retrouvons également dans ces items la qualité du

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narcissisme en lien avec l’Idéal du Moi. La blessure narcissique est un danger émergeant du contexte intersubjectif et pourrait favoriser un affect de honte, affect excluant.

Troubles obsessionnels compulsifs (TOC)

Items concernés

10. Je suis tracassé(e) par des pensées ou des images mauvaises ou idiotes dans mon esprit

16. Je dois tout le temps vérifier que j’ai fait les choses correctement (comme vérifier si la lumière est éteinte ou la porte fermée à clé)

23. J’ai l’impression de ne pas pouvoir sortir des pensées mauvaises ou idiotes de ma tête

31. Je dois réfléchir à des pensées spéciales (comme des nombres ou des mots) pour empêcher que de mauvaises choses m’arrivent

42. Je dois faire certaines choses juste comme il faut pour empêcher que de mauvaises choses arrivent

44. J’ai à faire certaines choses juste comme il faut pour empêcher que de mauvaises choses arrivent

Aspects cliniques

Les troubles obsessionnels compulsifs relèvent du registre de l’analité. La fragilisation des limites à l’adolescence et l’émergence pubertaire peut trouver une solution symptomatique du contrôle excessif de la réalité externe par des ruminations anxieuses apaisées par des rituels. Relevant de la pensée magique ou de répétitions comportementales de vérification, les TOC visent à étouffer l’émergence des différentes angoisses de perte en lien avec la réalisation des vœux œdipiens. Ils signent un défaut de symbolisation et peuvent s’ancrer dans un investissement excessif des activités scolaires dont la motion pulsionnelle est l’emprise. Dès

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lors, il ne s’agit pas d’apprendre mais surtout d’obtenir d’excellents résultats scolaires. L’affect prédominant dans une configuration névrotique est la culpabilité qui se déplace d’une faute à ne pas être suffisamment performant scolairement afin de mettre un masque sur le risque du désir génital et de son corolaire d’angoisse : la perte de l’autre.

Trouble panique

Items concernés

3. Quand j’ai un problème, j’ai un drôle de sensation dans l’estomac

14. Je me sens subitement si je ne pouvais plus respirer quand il n’y a aucune raison pour ça

24. Quand j’ai un problème, mon cœur bat vraiment vite

26. Je me mets subitement à trembler quand il n’y a aucune raison pour ça

28. Quand j’ai un problème, je me sens tremblant(e) 34. Tout d’un coup, je me sens apeuré(e) sans raison

36. Je deviens subitement pris(e) de vertige ou d’évanouissement quand il n’y a aucune raison pour ça

39. Mon cœur se met subitement à battre trop rapidement pour aucune raison

41. Je m’inquiète d’avoir subitement une sensation effrayante quand il n’y a rien à craindre

Aspects cliniques

Ce facteur traduit les excitations internes de l’adolescent et de la fragilité de ses enveloppes pour les contenir face aux ébranlements pubertaires. Nous considérons qu’il renvoie aux

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traductions des sensations ne pouvant emprunter la voie de la canalisation affective. La représentation d’affect fait défaut et le corps est lui-même expression du mal être. Ces symptômes physiques alertent de la détresse psychique de l’adolescent dans son impossibilité à reconnaître ses angoisses et ses affects. C’est comme si il y avait trop de corps pour l’adolescent.

Trouble Anxieux Généralisé (TAG)

Items concernés 1. Je m’inquiète sur les choses

13. Je m’inquiète que quelque chose d’affreux arrive à quelqu’un dans ma famille 22. Je m’inquiète que de mauvaises choses m’arrivent

27. Je m’inquiète que quelque chose de mauvais m’arrive 35. Je m’inquiète à propos de ce qui va se passer

37. Je pense à la mort

Aspects cliniques

Ce facteur s’ancre dans une temporalité particulière, celle du futur. L’adolescent est en proie à différents changements dont la métamorphose finale représente un risque d’effondrement de lui-même et de son environnement. Les scénarios pessimistes sont infinis puisqu’ils trouvent dans tout changement le risque d’une perte dont la plus extrême est la mort. D’ailleurs, l’item ne précise pas s’il s’agit de sa propre mort ou celle de ses proches. L’affect d’inquiétude se déploie dans la pensée et ne trouve que peu de canalisation par le corps. Il apparait trop de pensée et peu de corps dans cette symptomatologie. Nous pouvons y attribuer une fonction phobique des ressentis corporels au profit d’anticipation dystopique.

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Items concernés 2. Je me sens triste ou vide

6. Rien n’est plus très amusant 11. J’ai du mal à dormir

15. J’ai des problèmes d’appétit

19. Je n’ai aucune énergie pour les choses

21. Je suis énormément fatigué(e)

25. Je ne peux pas penser clairement

29. Je me sens sans valeur

40. J’ai l’impression que je ne veux pas bouger

47. Je me sens agité(e)

Aspects cliniques

Ce facteur reprend la symptomatologique dépressive commune aux différentes classifications (DSM 5, CIM 11, CFTMEA). Toutefois, il ne comprend pas certains autres signes de souffrance dépressive (irritabilité par exemple). Nous supposons que les scores hauts à ce facteur attestent d’un échec de la dépressivité. Les différents symptômes dépressifs marquent un désinvestissement massif de la réalité externe du fait du risque majeur de l’angoisse de perte.

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Caractéristiques psychométriques

En dépit de ses bonnes qualités psychométriques (cohérence interne .93), ce test n’a pas fait l’objet de normes de groupe par âge. Nous avons donc choisi d’établir un score pathologique pour chaque facteur à partir duquel nous supposons des symptômes suffisamment marqués pour constituer un groupe. Chaque score pathologique est défini par la fréquence des réponses « souvent » (2 points) et « toujours (3 points) aux différents items constituant le facteur évalué. Nous proposons de le visualiser dans le tableau suivant :

Tableau 10: Repères des scores aux facteurs de la RCADS

Anxiété de séparation Phobie sociale TOC Trouble panique Trouble anxieux généralisé Dépression majeure Score minimum 0 0 0 0 0 0 Score maximum 21 27 18 27 18 30 Score pathologique 14 18 12 18 12 19 Avantage de l’outil

Il met en lumière différents symptômes de la dépression et de l’anxiété. L’ajout de l’anxiété est en lien avec les hypothèses de recherche centrées sur les stimulations sensorielles. Par ailleurs, la littérature fait état d’une comorbidité avérée des troubles anxieux et dépressifs. Cette échelle permet également de repérer des adolescents non consultants qui pourraient présenter une symptomatologie anxio-dépressive. La lecture clinique et qualitative de ces facteurs rend compte de la dynamique défensive présente à l’adolescence face aux angoisses pubertaires.

Enfin, le questionnaire est rédigé avec un vocabulaire accessible à la population de recherche. Le temps de passation est acceptable puisqu’il est compris entre 20 et 30 minutes.

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