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3 Typologie discursive des pratiques bilingues bimodales : proposition d’un modèle théorique hiérarchisé

Comme nous l’avons vu (voir section 1.3.1), dans les premiers outils descriptifs développés durant nos travaux de master, nous avions proposé une première typologie en croisant les critères de mode (mo-nomodalvsbimodal) et de nature de chacun des messages (verbal, non-verbal, quasi-linguistique) ; les énoncés étaient ainsi distingués comme monomodal verbal, monomodal non-verbal, bimodal verbal/non-verbal, bimodal verbal/verbal/non-verbal, etc... Il nous est toutefois vite apparu que les interactions observées entre ces deux niveaux (énoncé et messages) excédaient de par leur diversité, cette première catégorisation, qui, si elle permet d’étiqueter la nature des combinaisons, n’autorise pas une description suffisamment fine de la manière dont intervient chaque élément dans la structure des énoncés. En effet, si le critère de mode ne

permet pas à lui seul de déterminer la nature de la combinaison des messages, puisqu’un énoncé bimo-dal, par exemple, peut être monolingue (français/gestes ou LSF/onomatopées), bilingue (français/LSF) ou non-verbal (onomatopées/gestes), la combinaison des critères de mode et de la nature de la combi-naison ne suffit pas non plus à distinguer les différentes structures des énoncés qui se manifestent au sein de chacune de ces combinaisons, et notamment dans les énoncés bilingues. Les combinaisons bi-modales verbal/verbal (français/LSF) peuvent, en effet, apparaître dans des énoncés aux structures très différentes : les deux langues peuvent être exploitées simultanément de façon ponctuelle ou de manière continue durant toute la durée de l’énoncé, et peuvent répondre d’une structure qui peut être déterminée par une langue ou par les deux langues, ce dont il faut bien rendre compte.

Dans cette gestion des langues, nous discuterons tout d’abord la question de l’oralisation continue afin de pouvoir mieux définir ensuite les pratiques à base français.

3.1 Utilisation continue de la voix : la LV est-elle nécessairement langue de base ? Il existe, nous semble-t-il, un présupposé largement partagé, à savoir que les pratiques bilingues mar-quées par la présence continue de la langue vocale dans sa réalisation sonore (vocalisations) dénote une prédominance de l’ordre de cette langue sur la production globale. Ce présupposé est bien explicité dans cette citation de Capirciet al.[2002], extraite d’une étude menée sur le développement d’un jeune en-fant entendant de parents sourds, où les auteurs distinguent trois types de pratiques : la langue de signes italiennes, l’italien et l’utilisation simultanée de ces deux langues sous le terme decommunication bimo-dale, dont la définition assimile clairement le fait que la LV soit utilisée en continu à la prédominance syntaxique de cette langue.

« By bimodal communication, we mean that LIS signs were used simultaneously with spoken Italian. The grammatical structure of these bimodal utterances followed the rules of spoken Italian. Thus, only lexical items from LIS were combined with speech, not its syntactic structure ».89

[Capirciet al., 2002, 27].

Ce présupposé auquel nous avons nous-mêmes succombé90est, à notre sens, très intimement lié avec le fait qu’on associe les énoncés bilingues où le français et les signes sont utilisés en continu à la pratique de français signé, très largement utilisée dans le milieu scolaire comme nous l’avons déjà mentionné,

89. « Sous le terme de communication bimodale, nous désignons l’utilisation simultanée de signes de la LIS (langue des signes italiennes) et de mots de l’italien. La structure grammaticale de ces énoncés bimodaux suit les règles syntaxiques de l’italien. Aussi, seuls les items lexicaux de la LIS sont combinés avec la parole, ces combinaisons ne respectant pas leur structure syntaxique. » (notre traduction)

90. Nous pouvons juger de sa persistance dans nos propres écrits : « nous avons pris le parti de considérer, à l’échelle de notre unité de description, que lorsqu’il y a utilisation de la voix pour une expression en français, de manière continue sur une unité, l’énoncé était à « base français » » [Millet & Estève, 2009, 6]

3. Typologie discursive des pratiques bilingues bimodales : proposition d’un modèle théorique hiérarchisé dans laquelle la structure du français prédomine sur la structure de la LS. Or, nos observations nous ont amenée à rendre compte du fait que l’utilisation continue de la voix n’implique pas nécessairement une prédominance de la langue vocale dans la structure globale de l’énoncé, de même que les études précédentes ont pu l’attester chez les CODAS ou chez les sourds, comme nous avons pu le mettre en évidence dans les études présentées dans la section précédente. L’utilisation continue de signes et de mots peut certes contribuer à construire des énoncés dont la structure peut être attribuée au français – les signes et les mots produits simultanément suivant la structure du français – mais cette configuration représente une gestion parmi d’autres structures attestées de l’utilisation simultanée et continue des langues. En effet, l’utilisation continue de mots et de signes peut également donner lieu à des énoncés où la structure peut être attribuée à la LSF, les mots suivant l’ordre des signes. On peut trouver aussi des énoncés bilingues continus dont la structure ne peut être attribuée à l’une ou l’autre langue en particulier – nous en donnerons des exemples dans les sections suivantes.

Le critère de langue matrice, proposé par Myers-Scotton, s’est donc imposé comme entrée de notre typologie. Toutefois, nous utiliserons la notion de base – l’entrée par la langue n’étant pas toujours effective –, ce critère s’ajoutant, par combinaison, aux deux autres critères que nous avions identifiés dans nos premiers outils descriptifs :

– le choix de la base : la langue ou la modalité organisatrice du discours ; – le choix du mode : monomodalvsbimodal ;

– le choix de la nature de la combinaison : monolingue, bilingue, non-verbal.

Nous avons pu identifier, sur la base des pratiques observées, 4 bases discursives : les pratiques où la langue de base est le français (à base français), les pratiques où la LSF est langue de base (à base LSF), les pratiques où aucune langue en particulier ne peut être identifiée comme langue de base tant l’inter-action des deux langues est importante (à base bilingue) et les pratiques où la structure de l’énoncé est déterminée par des éléments non-verbaux (à base non-verbal). Les différentes pratiques discursives que nous avons identifiées se déclinent ainsi sous la forme d’un continuum allant des pratiques monolingues en français aux pratiques monolingues en LSF, en passant par toutes les pratiques intermédiaires, qui s’inscrivent dans les mouvements de convergence et d’ajustement des ressources langagières, émergeant de la rencontre discursive de la LSF et du français : les pratiques monolingues bimodales (à base français ou à base LSF), les pratiques bilingues (à base français, LSF ou bilingue) et les pratiques non-verbales monomodales ou bimodales à base non-verbal.

Nous présentons dans les sections suivantes le détail des catégories déclinées sous les différentes types de pratiques en illustrant les dynamiques par des exemples empruntés aux sujets adultes de notre

étude de master.

3.2 Pratiques à base français

Les pratiques discursives à base français regroupent tous les énoncés structurés par la langue fran-çaise dans sa réalisation sonore. On trouve dans ces pratiques une utilisation variable de la modalité gestuelle : gestes, insertions ponctuelles de LSF, insertion continue de LSF. Ces différentes utilisations de la gestualité sont particulièrement bien illustrées dans les adaptations de Tim, Léa et Eva à l’adresse d’interlocuteurs entendants monolingues ou perçus comme tels.

3.2.1 Tensions de la gestualité : entre verbal et non-verbal

On remarque, en effet, que le recours à la bimodalité est adaptée aux compétences de l’interlocu-teur : le français est adopté comme langue de base, pourtant l’utilisation de la gestualité porte les traces de procédés spécifiques de la LSF. En témoigne l’apparition de quelques signes isolés, énumératifs no-tamment, et plus significativement l’utilisation de gestes reprenant des procédés typiques de la LSF : pointés, gestes spatiographiques utilisant l’espace pour représenter l’agencement des référents dans le monde réel, gestes illustratifs, reprenant par configuration manuelle les caractéristiques du référent, entre autres91. Cet ajustement discursif entre une utilisation co-verbale et une utilisation linguistique de la ges-tualité – que nous avons caractérisé comme étant en tension vers une dimensionquasi-linguistique(voir sur ce point, section 1.2.4) – est particulièrement manifeste dans les stratégies de Tim à l’adresse d’un interlocuteur entendant ne maîtrisant pas la LSF, comme le montre l’exemple que nous avons donné pour illustrer la notion de complémentarité (ex. 6 page 108) –, ou encore dans l’exemple suivant produit par Léa à l’adresse de son père entendant pour décrire le lieu où elle va passer le permis de conduire.

Léa-Papa

frs : y en a le permis de conduire le tram il est après gestes : localisation à droite geste vague qui part loin du point localisé frs : le rond point après l’hôpital puis encore plus loin gestes : geste de dépassement geste de dépassement déictique vague

Exemple 8 – Adaptation de la gestualité co-verbale dans une pratique à base français

Dans cette succession d’énoncés, Léa construit simultanément à la description qu’elle fait en français, une mise en espace de l’univers référentiel de sa description en recourant à des gestes qui représentent

91. Nos observations rejoignent ainsi les observations de Bishopet al.[2006] sur les stratégies adaptatives de CODAS face à des interlocuteurs entendants monolingues, comme nous l’avons mentionné précédemment, et qu’elles considèrent comme une reprise des outils discursifs de la LS.

3. Typologie discursive des pratiques bilingues bimodales : proposition d’un modèle théorique hiérarchisé les caractéristiques formelles des référents, l’agencement dans l’espace, etc.

Par ailleurs, l’énoncé produit par Eva, à l’adresse de son grand-père entendant ne maîtrisant pas la LSF, semble exprimer davantage les traces résiduelles d’une compétence disponible en l’absence de mouvement de convergence vers la compétence de l’interlocuteur. En effet, les signes utilisés n’ont ici aucune utilité linguistique, puisque son interlocuteur n’a aucune connaissance de la LSF. Ils ne peuvent donc avoir pour l’interlocuteur une valeur co-verbale et/ou identitaire.

Eva-famille

frs : on peut pas te voir on peut pas te voir LSF : pte-2 voir pas voir pte-2

Exemple 9 – Utilisation de la LSF dans une pratique à base français

A travers ces quelques exemples, nous pouvons donc observer que s’exprime au sein des pratiques à base français, une tension entre l’utilisation non-verbale et l’utilisation linguistique de la gestualité, une tension qui témoigne, selon nous, des mouvements d’ajustement de la modalité gestuelle, de convergence ou de divergence, nécessités par des compétences en LSF non partagées.

3.2.2 Les types de pratiques à base français

Pour rendre compte de ces dynamiques, nous distinguons au sein des pratiques à base français, les sous-catégories suivantes qui déclinent le recours à la modalité gestuelle sous un continuum :

– français monolingue monomodal: énoncés mobilisant exclusivement le français, sans recours aux gestes ;

– français monolingue bimodal: énoncés combinant la mobilisation des deux modalités, l’utilisa-tion de la langue française, dans la modalité vocale, et la mobilisal’utilisa-tion d’une gestualité non verbale, dans la modalité gestuelle ;

– français bilingue avec insertions ponctuelles de LSF: énoncés combinant une utilisation conti-nue du français accompagnée de quelques signes ponctuels de la LSF ;

– français bilingue bimodal : énoncés combinant le français et la LSF de manière continue. Le français agissant toujours comme langue de base, les signes de la LSF suivant la structure de la langue française.

3.3 Pratiques à base LSF

A l’autre pôle du continuum se trouvent les pratiques à « base LSF », regroupant les énoncés dont la structure relève de la LSF. On trouve dans ces pratiques une utilisation variable de la modalité vocale : onomatopées, insertions ponctuelles de français, insertion continue de français. En outre, le recours aux labialisations modifie quelque peu l’orientation du continuum d’utilisation de la bimodalité dans les pratiques à base LSF.

3.3.1 Tensions entre labialisations et vocalisations

En effet, rappelons que, comme nous l’avons déjà mentionné, nous prenons le parti de placer les labialisations dans la modalité gestuelle et, par ailleurs, ces éléments qui proviennent du français sont, à notre sens,quasi-linguistiques– un statut intermédiaire entre une valeur non-verbal et verbal (cf. les discussions menées dans la section 1.2.4). Les types d’énoncés qui combinent des signes et des labialisa-tions restent donc fondamentalement des énoncés bilingues, bien que marqués par l’absence d’utilisation de la voix, et représentent donc, à notre sens, des pratiques sensiblement différentes des combinaisons signes/mots. Nous trouvons, dans notre corpus, comme l’ont distingué Lucas & Valli [1992] sous les termes deASL mouthing,reduced English mouthingetEnglish mouthing, des réalisations labialisées qui s’inscrivent sur un continuum allant d’une utilisation figée qui n’a plus rien à voir avec le français – ex. "pi" associé au signe [SPÉCIFIQUE] –, pouvant davantage s’apparenter à des onomatopées labialisées, à des labialisations qui intègrent des caractéristiques morpho-syntaxiques du français (pronom, préposi-tions, etc...), comme en donne un aperçu l’exemple donné ici. Notre parti pris de considérer les labiali-sations comme relevant de pratiques bilingues monomodales ne permet certes pas de mettre en valeur ces différents recours et ne règle certes pas non plus toutes les questions théoriques que les labialisations et leurs différentes réalisations soulèvent, mais présente néanmoins l’avantage d’opérer une distinction entre vocalisations et labialisations. Que l’on soit d’accord ou non avec le fait qu’elles soient bilingues, il nous semble que labialisations et vocalisations représentent pour tous les chercheurs des phénomènes à différencier. On soulignera que dans la perspective sociolinguistique qui est la nôtre, les mouvements de convergence ou de divergence qu’on retrouve entre labialisations et vocalisations traduisent, de façon manifeste, les dynamiques qui s’opèrent entre les langues et les modalités dans le répertoire langagier bimodal de chaque locuteur.

Parmi les pratiques à base LSF, nous distinguons donc les combinaisons signes/ vocalisations (pro-duction de mots du français avec émission sonore) que nous classons comme despratiques bilingues

3. Typologie discursive des pratiques bilingues bimodales : proposition d’un modèle théorique hiérarchisé

bimodales, des combinaisons signes/labialisations (production uniquement labialisée) qui font émerger une catégorie de pratiques qui n’a pas d’équivalent dans le continuum des pratiques à base français :

pratiques bilingues monomodales.

L’exemple suivant issu des stratégies adaptatives mises en œuvre par Léa face à l’enquêtrice enten-dante maîtrisant la LSF et en présence d’une interlocutrice sourde (Zoé) nous semble particulièrement caractéristique des dynamiques qui peuvent se manifester entre ces deux types de pratiques à base LSF et qui marquent, ici, un mouvement de convergence progressive vers la langue de l’interlocuteur entendant (le français).

Léa-Entretien

lab./frs : avant moi problème... j’ai problèmeniveau français LSF : avant pte-1 probleme probleme niveau français

Exemple 10 – Alternance des labialisations et des vocalisations dans les pratiques à base LSF

Dans cet énoncé à base LSF, les labialisations sont tout d’abord redondantes par rapport aux signes (traduction terme à terme), puis sont porteuses d’un élément propre au français – « j’ai » – et, enfin, alternent avec des vocalisations. Cette progression vers l’émergence progressive de la voix témoigne de la mise en œuvre progressive d’un message en français et dénote les multiples combinaisons et variations possibles à l’intérieur d’une même pratique et d’une même catégorie. La tension entre labialisations et français se manifeste ici par une progression qui peut ainsi être placée dans le passage de la monomodalité (gestuelle) à la bimodalité (vocale et gestuelle).

3.3.2 Les types de pratiques à base LSF

Ainsi, afin de différencier toutes les variations et dynamiques possibles, parmi les pratiques à base LSF, nous distinguons une utilisation variable du recours à la bimodalité au moyen des distinctions suivantes :

– LSF monolingue monomodal : énoncé où seule la LSF est mobilisée, sans recours à d’autres ressources que ce soit les labialisations ou le français ;

– LSF monolingue bimodal: énoncés combinant une utilisation de deux modalités : la LSF, dans la modalité gestuelle, et le recours à des vocalisations non-verbales, s’apparentant à des onomato-pées, dans la modalité vocale ;

– LSF bilingue monomodal: énoncés combinant une utilisation de la LSF et de labialisations ; – LSF bilingue avec insertions ponctuelles de français: énoncés combinant une utilisation

– LSF bilingue bimodal: énoncés recourant aux deux modalités de manière continue : une utili-sation de la LSF avec une utiliutili-sation continue du français. On peut trouver dans ces énoncés une alternance entre labialisations et vocalisations.

Tous ces types de pratiques, quel que soit le recours au français, sont structurées par la syntaxe de la LSF, ce qui n’est pas le cas des pratiques à base bilingue.

3.4 Pratiques à base bilingue

Les pratiques à base bilingue correspondent aux pratiques dont la structure n’est pas attribuable à une langue en particulier, mais à l’interaction des deux langues. Nous avions initialement caractérisé ces pratiques commecode-blend intégraux[Millet, 2007; Millet & Estève, 2008] en reprenant la notion de code-blendproposée par Emmoreyet al.[2005]. Nous avons toutefois rapidement abandonné cette notion du fait de ses connotations sémantiques – comme nous l’avons déjà mentionné le code-blend étant fortement connoté comme désignant des pratiques où les messages sont équivalents. Il nous a donc fallu adopter une notion plus à même de laisser place à la diversité des relations sémantiques qu’entretiennent les langues et les modalités dans les exemples attestés tant dans les corpus, enfantin qu’adulte. Les pratiques à base bilingue témoignent de dynamiques entre les langues qui s’instaurent dans des rapports beaucoup plus diversifiés que ne le décrivent les études menées sur les CODAS présentées précédemment.

3.4.1 Dynamiques des tensions linguistiques

On trouve, certes, dans les pratiques des adultes sourds observés, comme chez les CODAS, des pratiques à base bilingue où les deux messages sont conformes à chacune des langues, comme dans l’exemple suivant issu des stratégies de Nina en entretien.

Nina-Entretien

frs : je voudrais... assistance sociale LSF : avenir vouloir assistance-sociale

Exemple 11 – Maintien de l’équivalence syntaxique dans les pratiques à base bilingue

Dans cet énoncé, Nina parvient à négocier le maintien de l’équivalence syntaxique sur l’expression du futur – et notamment par une asynchronie des messages – et parvient donc à produire deux messages qui peuvent être considérés strictement comme sémantiquement équivalents. Toutefois, cette stratégie d’équivalence, comme nous l’avons déjà mentionné, ne constitue pas la plus caractéristique des pratiques à base bilingue observée chez les adultes sourds.

3. Typologie discursive des pratiques bilingues bimodales : proposition d’un modèle théorique hiérarchisé L’énoncé suivant issu des stratégies d’Alix en entretien, témoigne du fait que la gestion parallèle des langues peut amener un changement de la langue de base au cours de la production de l’énoncé.

Alix-Entretien

frs : ça va mieux tout sauf le niveau français onom. : pffff

LSF : mieux tout evolution sauf niveau français

Exemple 12 – Alternance de la langue de base dans les pratiques à base bilingue

Dans cet exemple, on observe, en effet, une alternance de la base de la langue au cours de l’énoncé : la langue support est tout d’abord le français, amorçant l’énoncé, puis ponctuellement la LSF pour une entité particulière ([EVOLUTION]). Cette association ponctuelle signe/onomatopée, où l’onomatopée sert à appuyer l’intensité de l’action, peut être interprétée, entre autres, comme répondant à un besoin expres-sif particulier qui n’aurait pas, pour cette locutrice, de réel équivalent en français. Cette stratégie bilingue mise en œuvre par Alix ne fait qu’attester de la complémentarité que représentent la LSF et le français dans le répertoire d’un locuteur sourd bilingue.

Par ailleurs, un autre énoncé produit par cette locutrice, énoncé que nous avons déjà mentionné pour illustrer laredondance, témoigne du fait que la gestion parallèle des langues amène la création d’une structure unique gouvernant les deux messages et qui ne peut être attribuée à aucune des deux langues,