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2 Appréhender la compétence bilingue bimodale comme une compétence de communication

Les termesbilinguisme sourd,bilinguisme LS/LVoubilinguisme bimodalseront utilisés dans la suite du texte de façon interchangeables dans l’acception que nous venons de définir, incluant toutes les formes de compétences qui se construisent au contact d’une LS et d’une LV. Notre acception du bilinguisme sourd ainsi posée, il convient de situer, à la lumière des concepts existant dans les recherches sur le bilinguisme, la compétence bilingue bimodale comme une compétence individuelle qui se construit et se transforme dynamiquement dans et par la communication, et non comme une compétence statique, pré-destinée par la surdité, identitairement marquée, assignant le sourd à une réalité langagière de groupe à laquelle il se doit de correspondre.

2 Appréhender la compétence bilingue bimodale comme une compétence

de communication

L’acception du bilinguisme sourd comme un bilinguisme LS/LV écrit commence à être plus nuancée par les chercheurs qui – et ce, à l’échelle internationale – reconnaissent la nécessité d’intégrer la variation dans leur prise en compte des bilinguismes des sourds [Baker & Van den Bogaerde, 2008; Bishopet al., 2006; Plaza-Pust & Morales-Lopez, 2008; Vonen, 2007]13. La prise en compte des parcours langagiers et

12. Nous n’avons pu, en effet, recueillir d’informations suffisamment précises sur l’environnement familial des enfants de notre corpus pour pouvoir traiter ces variables. Il nous aurait fallu, outre des informations sur les langues parlées à la maison, avoir accès aux pratiques familiales afin de pouvoir analyser la façon dont l’enfant sourd est exposé à d’autres langues et les effets éventuels de cette exposition sur le développement de son oralité.

13. On soulignera que certains des premiers travaux de description du bilinguisme en contexte de surdité introduisaient déjà des positions nuancées [Dunant-Sauvin & Chavaillaz, 1993; Grosjean, 1993b; Vonen, 1996].

identitaires divers vient, en effet, redéfinir les contours du bilinguisme sourd dans la communauté sourde au-delà de la figure du sourd bilingue idéal – le "vrai Sourd", de parents sourds, natif de la LS – qui a longtemps entretenu chez les sourds de parents entendants, la plus grande majorité donc, une perception fautive de leur compétence en LS, et donc plus largement de leur légitimité de locuteurs bilingues [Millet

et al., 2008; Millet & Estève, à paraître a].

Nous proposons donc, en suivant les mouvements amorcés en ce sens par quelques travaux récents, d’intégrer l’hétérogénéité linguistique dans la description, en considérant que les compétences que les locuteurs sourds ont développées dans chacune des langues s’inscrivent toutes légitimement sous le terme générique de compétence bilingue bimodale. Nous discuterons ici les concepts et approches descriptives existant pour le bilinguisme de deux langues vocales afin de présenter l’ancrage de notre ap-proche du bilinguisme sourd dans le panorama des recherches concernant les manifestations du contact de langues. Nous prendrons appui sur le concept derépertoire verbalproposé par Gumperz [1971] pour définir la compétence bilingue bimodale comme un potentiel communicatif individuel qui se construit autour de deux langues de modalités différentes. Nous préciserons la manière dont notre approche des-criptive s’inspire des perspectives ouvertes par les théories récemment proposées pour rendre compte du

parler bilingue dans ses aspects expressifs et cognitifs. L’analyse du bilinguisme bimodal nous ayant amenée à sortir de la perspective de description linguistico-centrée adoptée par les études sur le bilin-guisme de deux langues vocales pour appréhender les aspects plus largement langagiers du contact de langues, la compétence bilingue bimodale – telle que nous l’envisageons – intègre le concept de com-pétence de communicationtel que proposé par [Hymes, 1984]. Les éléments de réflexions proposés ici visent ainsi à présenter les prémisses des concepts utilisés. Les aménagements conceptuels et terminolo-giques que nous proposons, à la croisée des perspectives offertes par les recherches sur le bilinguisme et les recherches sur la multimodalité, seront développés dans la section suivante (cf. section 3).

2.1 Intégrer l’hétérogénité linguistique dans la description

Avant d’entrer plus en détail dans la description des outils descriptifs, il nous semble nécessaire de resituer les contours des variations inter-individuelles existant en contexte de surdité comme résultant de multiples facteurs sociolinguistiques.

Précisons, en premier lieu, que si la compétence LS/LV écrite est à appréhender comme une ma-nifestation du bilinguisme sourd, elle est avant tout à considérer comme une possibilité parmi diverses configurations possibles. Nous rejoignons ici la définition de MacNamara [citée par Hamers & Blanc, 1983, 22], à ceci près que « langue maternelle » est à comprendre ici comme langue naturelle –i.e.langue

2. Appréhender la compétence bilingue bimodale comme une compétence de communication gestuelle – :

« [...] le bilingue est quelqu’un qui possède une des quatre habiletés linguistiques, à savoir com-prendre, parler, lire et écrire dans une langue autre que sa langue maternelle ».

Dans la mesure où le bilinguisme naît avant tout, comme le définit Grosjean [1984], d’un besoin de com-muniquer dans plusieurs langues, il n’est pas à exclure que le locuteur sourd ait besoin de développer des compétences en LSF et en français oral pour communiquer dans ses interactions quotidiennes. Re-connaître cette diversité linguistique ne remet en rien en cause le fondement même d’une communauté sourde, bien au contraire :

« [...] le fait que les membres d’une communauté soient reliés entre eux par leur activité langagière n’implique nullement qu’ils soient tous reliés de la même façon ; il peut exister un « organisation de la diversité » au sein de ce qui est possédé en commun. » [Hymes, 1984, 42]

Ainsi, de même qu’on peut l’observer chez les bilingues entendants, les compétences développées par les locuteurs sourds peuvent présenter une forte diversité inter-individuelle qui peut être en partie dépendante de différents critères, comme entre autres : l’âge auquel l’enfant est devenu sourd, le degré de surdité, l’âge d’exposition aux langues, les choix éducatifs des parents, les réseaux sociaux fréquen-tés durant l’enfance, à l’âge adulte (école, travail, etc...) [Dunant-Sauvin & Chavaillaz, 1993; Grosjean, 1993b; Plaza-Pust & Morales-Lopez, 2008]. Il nous faut donc reconnaître qu’en contexte de surdité, comme dans toutes situations de contact de langues,« Une compétence plurilingue résulte [...] de pro-cessus d’acquisition et d’apprentissage variés et multiples. »[Lüdi, 2004, 127].

Intégrer l’hétérogénéité linguistique dans la description des compétences des locuteurs sourds, dans l’acception sociolinguistique où nous l’entendons, amène à élargir le regard posé sur les facteurs de variations habituellement pris pour base pour expliquer les différences observées entre les sourds. En effet, la place centrale accordée au degré de surdité comme facteur porteur des principales distinctions, comme dans cette citation de Lucas & Valli, initiateurs des premiers travaux sociolinguistiques dans la communauté sourde, demande à être nuancée :

« [...] while people in spoken language situations may have varying competence in the majority language due to a variety of sociolinguistic factors [...] a key factor in a sign language situation may be simply physiological. [...] a deaf adult may not have competence in the spoken language simply because he cannot hear it and not because sociolinguistic factors are restricting access. » [Lucas & Valli, 1992, 17-18]14

14. « [..] alors que les locuteurs de langues vocales peuvent avoir des compétences variées dans la langue majoritaire en raison d’une multitude de facteurs sociolinguistiques [...] dans la situation de la langue signée un facteur explicatif central peut être simplement relié aux aspects physiologiques [...] un adulte sourd peut ne pas avoir de compétence en langue vocale simplement parce qu’il ne peut pas l’entendre et non à cause de facteurs sociolinguistiques qui restreignent son accès. » (notre traduction)

En premier lieu, la corrélation univoque sous-entendue entre degré de surdité et compétence en LV nous semble aujourd’hui largement réductrice, ne serait-ce qu’au regard des avancées techniques ré-centes en matière d’appareillage et d’implants15. Ceci nous donne plus largement à souligner que les distinctions linguistiques souvent opérées sur la base du degré de surdité dans les travaux entre les mal-entendants et les sourds – et notamment dans les travaux anglo-saxons entredeaf ethard-of-hearing–, concernant les compétences en LV, ou entre les sourds profonds et les autres types de surdité, concernant les compétences en LS, ne sont, à notre sens, que trop ancrées dans des considérations statiques et pré-déterminées de la variation linguistique existant en contexte de surdité. En effet, à notre sens, les profils de compétence – en LV comme en LS – observés dans la communauté sourde sont bien plus le fait de multiples facteurs sociolinguistiques restreignant ou favorisant l’exposition à chacune des langues – et notamment la scolarisation – que du seul facteur physiologique.

En outre, Lucas & Valli envisagent seulement la variation au regard des compétences dans la langue majoritaire. Or, à notre sens, c’est bien dans des compétences variées tant dans la langue minoritaire (ici, la LSF) – en fonction par exemple, de l’âge d’acquisition de la LS, l’importance de cette langue dans la famille, à l’école, la fréquentation de pairs sourds, etc... – que dans la langue majoritaire (ici, le français) que doivent être appréhendées les différentes configurations possibles de la compétence du locuteur sourd. En effet, les sourds qui acquièrent la LS tardivement n’en sont pas moins représentatifs du bilinguisme des sourds – l’ancienne génération est constituée en grande partie de signeurs tardifs – au même titre que ceux qui développent au fil du temps une compétence en français oral. Il s’agit à notre sens d’accueillir l’hétérogénéité linguistique comme autant de trajectoires langagières et identitaires possibles en contexte de surdité.

Il nous faut par ailleurs ajouter aux remarques que nous venons de faire que le parcours d’apprentis-sage et d’acquisition des langues n’est pas uniquement conditionné par le parcours scolaire, d’une part, et ne s’arrête pas à l’enfance, d’autre part. En effet, les distinctions effectuées entresourd oraletsourd gestuel [Millet, 2003], qui consistent en une vision dichotomique et monolingue de la variation inter-individuelle sur la base du projet éducatif – projet éducatif privilégiant la langue vocalevsprojet éducatif privilégiant la langue gestuelle – sont bien loin de rendre compte de la multiplicité des configurations possibles de la compétence linguistique de l’enfant sourd en développement – nous y reviendrons dans la Partie 3 Chap. 2. Si les attitudes et représentations sociales sur les langues et la surdité des parents et des professionnels qui gravitent autour de l’enfant sourd agissent comme des facteurs importants dans le

15. La surdité totale, cophose, étant très rare, la plupart des enfants sourds (voir la quasi-totalité) bénéficient de contours d’oreille ou d’implants, leur permettant un accès variable au "monde sonore".

2. Appréhender la compétence bilingue bimodale comme une compétence de communication développement des compétences durant l’enfance, il nous semble important d’entrevoir, au-delà du pro-jet éducatif dans lequel l’enfant a été propulsé, le parcours de l’individu. La trajectoire sociolangagière individuelle de l’enfant dans son devenir adulte est à notre sens partie prenante du devenir bilingue : les représentations sur les langues du locuteur lui-même, des groupes de pairs dans lesquels il évolue, et celles qu’il construit en progressant vers l’âge adulte conditionneront sans aucun doute les contours de sa compétence bilingue et la représentation qu’il s’en fait.

L’hétérogénéité linguistique présente parmi les sourds est donc bien, à notre sens, le fait de multiples facteurs sociolinguistiques qui conditionnent fortement les processus de transmission, d’acquisition et d’apprentissage des langues et que nous devons accueillir comme des compétences variées dans chacune des langues, et non en termes de présence ou d’absence. Les descriptions faites des compétences des locuteurs sourds ne font cependant que très peu état de cette hétérogénéité linguistique, l’idéologisa-tion des débats occultant très fortement une prise en compte individuelle des compétences des locuteurs sourds au-delà de ce qui est possédé en commun (les compétences en LS), voire même de ce dont ils sont dépossédés (les compétences en LV). La parution récente de deux ouvrages concernant distinctement, l’un, les avancées récentes sur le développement des compétences en LS [Schicket al., 2005], et l’autre, les avancées récentes sur le développement des compétences en LV [Spencer & Marschark, 2006], té-moigne, à notre sens, de la réalité encore très actuelle de l’appréhension "duelliste" et monolingue des compétences des enfants sourds.

En marge de la majorité des travaux, et notamment de ceux menés dans le contexte scolaire – les adultes sourds étant par ailleurs quasi-exclusivement sujets d’études pour les seuls travaux de description des LS –, il nous semble nécessaire, à la lumière des propositions théoriques effectuées dans le champ de la recherche sur le bilinguisme, de proposer une appréhension globale de la compétence bilingue bimodale, comme potentiel communicatif unique composé de deux langues de modalités différentes.

2.1.1 Un potentiel communicatif individuel : le répertoire verbal

Comme c’est souvent le cas en matière de bilinguisme, les compétences orales du locuteur sourd sont encore bien trop souvent considérées séparément, comme deux compétences monolingues distinctes et, bien trop souvent, dans le contexte scolaire, au profit de la seule évaluation du français – la LSF bénéficiant encore d’une place peu claire, dont les outils d’évaluation sont quasi-inexistants en l’état actuel des descriptions16.

16. Face à cette absence d’outils adéquats, les recherches se multiplient à l’échelle internationale pour mettre en place des tests pour évaluer les compétences en LS – nous y reviendrons dans la Partie 3 Chap. 1 section 2.2 page 334

Cette perspective d’évaluation monolingue, très largement pratiquée pour le bilinguisme entendant et que les chercheurs dénoncent depuis déjà plus de 20 ans [Grosjean [1984] – voir pour une revue de questions Gadet & Varro [2006]] –, est renforcée ici par le fait que les deux langues peuvent être utilisées simultanément dans deux modalités différentes. Compte tenu de la configuration articulatoire des deux langues – la langue gestuelle et la langue vocale investissant des articulateurs différents : articulateurs buccaux pour l’une, articulateurs manuels, et plus largement corporels pour l’autre –, le locuteur a la possibilité de parler et de signer en même temps. Ces pratiques simultanées entretiennent, et encore plus que les autres pratiques bilingues, cette illusion de deux langues distinctes évoluant parallèlement dans la compétence du bilingue.

Or, à notre sens, ces pratiques simultanées offrent un aperçu unique du contact de langues, tel qu’il se manifeste dans la compétence du locuteur bilingue, dans la mesure où les deux langues peuvent être actualisées/mises en contact directement dans les productions du locuteur à travers la bimodalité – nous reviendrons dans le chapitre suivant sur les utilisations effectives et variées de la simultanéité par les locuteurs sourds (cf. Partie 1 Chap. 2 ). Les possibilités amenées par la configuration articulatoire des deux langues en présence rend donc encore plus prégnante la conception des compétences du locuteur bilingue comme un tout, un potentiel communicatif unique, dont les contours sont ici spécifiquement bimodaux :

« Ce potentiel communicatif ne doit pas être évalué au moyen d’une seule langue cependant, car le bilingue est un tout. La coexistence et l’interaction de deux langues ont créé en lui un ensemble linguistique qui est difficilement décomposable en deux monolinguismes. » [Grosjean, 1993a, 14]

Nous extrayant ainsi d’une référence trop présente à la norme linguistique et monolingue dans la descrip-tion des pratiques des locuteurs sourds, nous proposons de considérer que les compétences linguistiques du locuteur en langue gestuelle et en langue vocale, loin de pouvoir être appréhendées comme la juxtapo-sition de deux compétences monolingues monomodales distinctes, contribuent à former conjointement les contours d’une compétence bilingue bimodale unique.

Nous rejoignons ainsi les propositions de Gumperz, pour définir ce "potentiel communicatif" via la notion de répertoire verbalpermettant de référer à la compétence du bilingue comme un ensemble de moyens linguistiques disponibles pour communiquer : « [...] the totality of linguistic forms regularly employed in the course of socially significant interaction.[...] »[Gumperz, 1971, 152].

Les précisions que donne Gumperz sur la manière dont se construit et s’utilise lerépertoire verbal

nous donnent à concevoir encore plus précisément la variation inter-individuelle. En effet, en faisant de ce répertoire une arme face à la communication de tous les jours – « It [the verbal repertoire] provides the weapons of everyday communciation.[Gumperz, 1971, 152] – Gumperz nous permet d’entrevoir la

2. Appréhender la compétence bilingue bimodale comme une compétence de communication manière dynamique dont se construit ce potentiel communicatif dans les interactions de chaque locuteur. Par le biais de cette métaphore de l’"arme communicative" – à concevoir non comme un système de défense développé en milieu hostile, mais comme une adaptation aux défis langagiers quotidiens – , la variation inter-individuelle s’explique d’autant mieux que ce bagage communicatif se construit dans une réalité individuelle. D’une part, face aux interactions quotidiennes particulières auxquelles il est confronté, chaque individu doit développer des munitions langagières spécifiques et, d’autre part, face à un contexte interactionnel similaire, chacun, compte tenu de sa stratégie personnelle de réponse, construit un bagage qui lui est propre. Ainsi, cette "arme communicative" qu’est le répertoire verbal n’est pas un concept abstrait, dont la configuration et l’utilisation serait aléatoire, mais a une réalité pragmatique concrète, puisqu’elle se construit dans et par l’interaction.

De même que le peintre choisit, en fonction de la manière dont il veut rendre les contrastes de détails du paysage qu’il peint, une teinte (ou un mélange de teintes) parmi sa palette de couleurs disponibles, les actualisations du répertoire verbal répondent à des stratégies particulières motivées par l’intention communicative du locuteur : « Speaker choose among this arsenal in accordance with the meanings they wish to convey. »[Gumperz, 1971, 152]. L’actualisation des moyens linguistiques disponibles au locuteur s’observe donc dans la diversité des stratégies communicatives qu’il met en œuvre aux cours des interactions de communications auxquelles il est confronté. L’actualisation simultanée de deux sys-tèmes linguistiques n’est ainsi qu’une manifestation particulière, parmi d’autres, du répertoire verbal de l’individu.

A la lumière des propositions de Gumperz, la compétence bilingue bimodale, telle que nous l’avons définie sous sa forme générique, peut donc être appréhendée à l’échelle de l’individu comme la construc-tion individuelle d’un ensemble de ressources en français et en LSF en réponse aux interacconstruc-tions aux-quelles chaque locuteur est confronté quotidiennement. Sous le termecompétence bilingue bimodale, nous proposons donc d’accueillir toutes les configurations individuelles durépertoire verbal bimodal, en incluant tous les contours possibles qu’il peut revêtir chez les individus sourds – et entendants – et toutes les formes sous lesquelles ce potentiel communicatif se manifeste dans les pratiques d’un même individu.

Envisager la compétence bilingue bimodale non plus en terme de maîtrise idéale à atteindre, mais en terme de potentiel communicatif individuel, nous impose dès lors de nous défaire d’une définition théorique pré-existant à la description de ce que doit être la compétence du locuteur sourd, et exige de se pencher sur ses manifestations communicatives effectives pour étudier et comprendre la manière dont chaque individu construit et exploite son répertoire verbal dans et par la communication.

Nous reviendrons sur les implications langagières de la spécificité bimodale du répertoire verbal des locuteurs sourds et les adaptations théoriques et conceptuelles nécessaires qui en découlent (voir sections 3.2 à 3.3 pages 44–47). Pour le moment, penchons-nous sur les réflexions existant dans le champ des recherches sur le bi-plurilinguisme pour rendre compte de la spécificité/des spécificités de la compétence bilingue au regard de la communication.

2.2 Adaptation communicative et choix de langue : parler bilingue

Gumperz, comme nous venons de le souligner, met en effet au centre de l’actualisation/des actualisa-tions du répertoire verbal l’intention communicative du locuteur. Il convient de s’arrêter plus précisément