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Types d’iconicité dans le langage

Dans le document Iconicité dans la grammaire du chinois (Page 79-85)

CHAPITRE II. ICONICITE

2.3 Iconicité dans le langage

2.3.1 Types d’iconicité dans le langage

Peirce a proposé la notion d’hypoicône dans la sémiotique comme sous-type de l’icône, selon sa trichotomie de la logique. L’emploi de la notion d’iconicité dans le langage exige une classification plus explicite, sur laquelle des linguistes du dernier

siècle ont fait une série des efforts. Dans les années 1980, Haiman a fait ses recherches principalement sur l’iconicité diagrammatique en proposant deux propriétés indépendantes : l’isomorphisme et la motivation. Grâce à ses travaux, les études sur l’iconicité ont resurgi pendant les vingt dernières années du XXème Siècle. Puis c’étaient Fischer et Nänny (1999 : xxii) qui ont établi un paradigme de l’iconicité dans le langage que l’on perçoit comme classique, soulignant la différence entre l’iconicité d’image et l’iconicité diagrammatique :

Schéma 4 : différence entre l’iconicité d’image et l’iconicité diagrammatique :

Les recherches sur l’iconicité dans le langage ont été entreprises d’abord en l’anglais et puis dans d’autres langues indo-européennes et non-indo-européennes qui concernent maintenant presque tous les aspects linguistiques possibles, par exemple, la phonétique, l’écriture chinoise, le syntaxe etc. C’est une propriété qui est impliquée très largement dans le langage oral ainsi que dans le langage des signes. Le schéma de Fischer et Nänny nous présente diverses formes d’iconicité existant dans le langage d’une façon claire et organisée. Donnons ici des analyses approfondies pour clarifier la notion d’iconicité.

2.3.1.1 Iconicité d’image dans le langage

Malgré sa position sur l’arbitraire des signes, Saussure (1916 :101) a admis que « le choix du signifiant n’est pas toujours arbitraire » en s’appuyant sur les onomatopées. L’iconicité d’image dans le langage, qui indique une ressemblance directe entre le signe et l’objet qu’il dénote, est facile à comprendre. Si l’on prend les onomatopées comme un exemple d’iconicité d’image oral et auditive, les aspects d’iconicité d’image visuelle se sont manifestés notamment dans la langue littéraire ainsi que dans la langue des signes.

La langue des signes, utilisée principalement par les personnes sourdes ou malentendantes pour communiquer, fonctionne généralement selon une modalité visuelle, où l’on s’exprime « au moyen de signes et/ou de marqueurs non-manuels : expression du visage et mouvement de la tête » (Schwartz, 2006). Des signes iconiques, qui consistent en des éléments mimaux, se présentent massivement dans la langue des signes. Reprenons la notion donnée par Cuxac (1993) d’un transfert situationnel dans la langue des signes : « le locuteur vise à reproduire iconiquement dans l’espace situé devant lui des scènes en quelque sorte vues de loin et qui figure généralement un déplacement spatial d’un actant du procès de l’énoncé par rapport à un locatif stable ». Des signes iconiques sont employés plus couramment que des signes « phonologique » dans la langue des signes, grâce à son efficacité de communication de façon iconique. En effet, la communication gestuelle iconique n’est pas restreinte dans la langue des signes. Le geste iconique nous aide aussi à la compréhension dans un contexte normal de communication, par exemple, nous pouvons faire mieux comprendre l’expression « une boule grande comme ça », en présentant la taille avec les mains. L’iconicité est manifestée dans le langage verbal d’une façon plus implicite, qui est reliée souvent avec la poétique dans les recherches occidentales. Cependant, dans cette thèse, nous étudierons un exemple plus représentatif : les caractères chinois que nous allons analyser dans le quatrième chapitre, contiennent le pictogramme, l’idéogramme etc.

phonologie, qui est exploité surtout dans les recherches de Fónagy. Le mouvement de la langue et la tension musculaire labiale et pharyngée pourrait être l’image des émotions. Dans le chapitre III, nous développerons les recherches sur cet aspect tactile d’iconicité en analysant la phonétique du chinois.

2.3.1.2 Iconicité diagrammatique dans le langage

Comme un élément complexe, l’iconicité diagrammatique dans le langage intéresse les linguistes dans une grande mesure. Selon Fischer et Nänny, dans les deux types d’iconicité diagrammatique – structural et sémantique – la correspondance iconique suit dans la plupart du temps l’ordre du sens et de la forme, c’est-à-dire, l’emploi de deux formes semblables se base sur la ressemblance de la relation perçue dans les sens de deux concepts.

Dans les recherches sur l’isomorphisme, Haiman a nié l’existence de synonymie et d’homonymie pure au niveau lexical, selon le principe de correspondance « une forme – un sens ». Ce principe d’isomorphisme est aussi appliqué à la syntaxe par Haiman en proposant la correspondance « une structure – un sens ». Autrement dit, la ressemblance des structures représente la ressemblance des sens. Par exemple, les recherches linguistiques inter-langues de Haiman (2009 : 44-70) montrent que la structure de coordination de la forme « S1 and S2 » a souvent le même sens d’une structure conditionnelle (if S1, S2), quand les deux structures coexistent dans une même langue. L’autre type d’iconicité - la motivation - est plus visible dans la syntaxe de sorte à attirer plus d’attention des linguistes. Selon Haiman, la motivation est initialement interprétée comme l’ordre des mots [qui] correspond à l’ordre des événements60. En effet, dans les recherches ultérieures, on trouve que cette iconicité de relation peut se présenter sous de multiples formes : l’iconicité temporelle, l’iconicité spatiale, l’iconicité quantitative etc. Nous développerons ce dernier point dans le dernier chapitre de cette thèse.

60

L’explication d’iconicité donnée par Haiman dans The encyclopedia of language and linguistics, Vol. 3, p. 1630.

Indiqué dans le diagramme de Fischer et Männy, l’iconicité sémantique qu’est la métaphore appartient aussi à la catégorie diagrammatique, qui se différencie des hypoicônes de Peirce. Si l’on prend la relation dans l’iconicité structurale comme « interne », l’analogie présentée dans la métaphore serait une relation « externe », qui implique que l’iconicité métaphorique devrait se former à la faveur d’autre éléments ; Ainsi, nous semble-t-il raisonnable de considérer que la métaphore soit classifiée dans l’iconicité diagrammatique. La métaphore basée sur une analogie proportionnelle est un moyen important dans la compréhension d’un domaine de cible selon sa correspondance dans un domaine de source (le processus analogique).

2.3.1.3 Analogie linguistique et iconicité

Le terme d’ « analogie » est plus difficile à définir qu’à comprendre, malgré son emploi dans le domaine de la linguistique depuis longtemps. Tout au début, il a été considéré comme un moyen d’introduire de nouveaux éléments dans un système de langue, surtout en lexique. Il est définitivement impossible que la méthode analogique soit dans le processus de l’invention des mots ou dans le développement d’une langue. Un des meilleurs exemples de ce fait dans les langues romaines serait la dérivation des mots, qui est un des moyens les plus importants d’introduire de nouveaux éléments dans une langue. Il nous semble que l’analogie linguistique est un certain type d’iconicité dans le langage. Par la suite, avec l’évolution phonétique, c’est aux dernières années du XIXème siècle que l’analogie a acquis un emploi important au sein de la réflexion linguistique. Aujourd’hui, les recherches sur l’analogie linguistique sont surtout développées dans le domaine cognitif.

Dans la phanéroscopie de Peirce, il a privilégié une « relation analogue » dans la définition du diagramme comme la secondéité des hypoicônes, supposant qu’il y ait une relation simple d’inclusion entre l’iconicité et l’analogie linguistique. Or, en analysant le diagramme de Fischer et Männy ci-dessus, nous constatons que la métaphore se base aussi sur l’analogie linguistique. Ainsi, est-il nécessaire pour nous de réexaminer la

relation entre l’iconicité et l’analogie linguistique.

Nous savons maintenant que le diagramme ainsi que la métaphore est une forme d’analogie dans la linguistique, il nous reste la relation entre l’image et l’analogie linguistique. D’un côté, la définition de l’analogie binaire signifie une similitude entre deux entités, c’est-à-dire, « une similitude entre deux choses » est une condition suffisante pour construire une analogie entre les deux. D’un autre côté, l’iconicité d’image dans le langage indique une ressemblance directe entre le signe et l’objet, qui implique deux conditions nécessaires : une relation de ressemblance et une relation de représentation (l’image comme signe qui renvoie à son objet). Il en résulte que l’iconicité d’image doit être une analogie linguistique binaire.

À travers les analyses établies précédemment, nous pouvons déduire que toute iconicité dans le langage est définitivement une analogie linguistique, mais une interrogation demeure : est-ce que l’analogie linguistique peut-elle exister sous d’autres formes en plus de l’iconicité ? La réponse est évidemment « oui ». Nous nous proposons d’analyser la relation entre l’iconicité et l’analogie linguistique en s’appuyant sur le diagramme proposé par Monneret (2004 : 70) pour rendre compte de l’analogie linguistique :

Tableau 4 : Analogie linguistique et iconicité

analogies d’essence analogie binaire analogie imaginale infra-conceptuelle iconicité tactile iconicité visuelle analogie

sémiotique iconicité orale/auditif analogie proportionnelle iconicité diagrammatique

de Peirce

analogies de représentation

remotivation analogique

analogie rhétorique métaphore

analogie exologique

des iconicités dans le langage, comme la remotivation analogique, l’analogie exolgogique et aussi quelques rhétoriques fondées sur une relation analogique, par exemple, la comparaison. Ainsi peut-on retirer la conclusion que l’iconicité dans le langage est inclue dans l’analogie linguistique.

L’iconicité diagrammatique correspond à l’identité « de la relation existant entre plusieurs signifiants avec celle qui existe entre les signifiés qui leur sont associés », Monneret (2014) privilégie le terme d’ « analogie » dans la définition de l’iconicité. Il a expliqué l’iconicité d’image comme « une analogie impliquant des qualités » et l’iconicité diagrammatique comme « une analogie impliquant n’importe quel type d’entité linguistique, à l’exception des signifiants comme tels ».

Dans le document Iconicité dans la grammaire du chinois (Page 79-85)