CHAPITRE III. ICONICITE DANS LA PHONETIQUE DU CHINOIS
3.2 Symbolisme tonique
3.2.1 Evolution du système des tons
3.2.1.2 Les tons en chinois contemporain
Avec le développement social et l’enrichissement des connaissances, des mots monosyllabiques ne pouvaient plus satisfaire les besoins de communication de la vie quotidienne, donc il est apparu de plus en plus de mots composés dissyllabiques, qui ont promu fortement le développement de la phonétique chinoise. D’un côté, le problème d’« homonymie » a été effectivement résolu. D’un autre côté, l’émergence des mots dissyllabiques a généré la demande interne d’un haut débit de paroles. Dans ce cas, les
mots de ton rù dont l’essence était des mots dissyllabiques contractés, ont commencé à disparaitre, à cause de leur difficile prononciation. Aujourd’hui, le ton « rù » n’existe que dans quelques dialectes. D’autres tons du chinois moyen ont connu également une série d’évolutions74.
3.2.1.2.1 Changement des tons a. píng se divise en yin et yang
Le ton píng du chinois moyen se divise en chinois moderne en deux tons : yīn píng (signe : ˉ) et yáng píng (signe :ˊ). Les consonnes occlusives voisées ont
disparu dans la plupart des dialectes chinois, et ont été remplacées par les consonnes sourdes correspondantes. Pour marquer une distinction entre ces deux types de consonnes différentes dans le chinois moyen, le ton est devenu un moyen pratique. Les syllabes ayant une consonne sonore (occlusive, nasale et liquide) du ton píng portent le ton yáng píng dans le chinois contemporain, et les syllabes ayant une consonne sourde du ton píng portent le ton yīn píng. Examinons ici quelques exemples :
Tableau 14 : Changement du ton píng
mot consonne en chinois moyen pinyin du chinois contemporain
公 masculin [k] (consonne occlusive sourde) gōng [kuŋ]
多 beaucoup [t] (consonne occlusive sourde) duō [two]
明 clair [m] (nasale voisée) míng [miŋ]
驼 chameau [d] (consonne occlusive voisée) tuó [two] b. shàng ayant la consonne sonore → qù
Toutes les syllabes du ton shàng dont la consonne est occlusive/fricative voisée porte le ton qù dans le chinois contemporain, lorsque les syllabes du ton shàng dont
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Voir les analyses détaillées sur ce sujet dans Li R. (2005), « Introduction du changement des tons du chinois ancien au chinois contemporain ».
la consonne est sourde ne change pas. Prenons ici deux sinogrammes en pinyin « du » comme exemple : 杜(prévenir) et赌(boucher) sont tous les syllabes du ton shàng dans le chinois moyen. La consonne de 杜(prévenir) était la consonne occlusive voisée [d], ce sinogramme porte le ton qù dans le chinois contemporain. Le sinogramme赌(boucher) ayant une consonne occlusive sourde [t] grade son ton shàng.
c. rù → píng et qù
En raison de la facilité de prononciation, le ton rù a disparu dans le chinois contemporain. Les syllabes ayant une consonne occlusive voisée du ton qù portent le ton yáng píng dans le chinois contemporain, par exemple, la consonne de蝶(le papillon) était [d] dans le chinois moyen, donc ce sinogramme est prononcé comme [tjɛ] portant le ton yáng píng. Les syllabes du ton rù dont la consonne était nasale ou liquide portent le ton qù dans le chinois contemporain. Par exemple, 力(la force) se prononce comme [li] du ton qù, car sa consonne est la liquide.
En mandarin, le changement des tons des syllabes dont la consonne est sonore correspond toujours aux lois proposées ci-dessus, mais il est difficile pour nous de définir les lois du changement des tons des syllabes ayant la consonne sourde. Évidemment, il existe encore plusieurs dialectes en Chine dans lesquelles le ton rù est conservé, qui peuvent servir d’objets d’étude dans les recherches phonétiques.
3.2.1.2.2 Système tonique dans le mandarin
Afin de garantir une bonne communication entre l’Occident et l’Orient, la latinisation de la langue chinoise est devenue une disposition nécessaire. Dans les dynasties des Ming et Qing, les missionnaires catholiques ont commencé à latiniser certains noms. Par exemple, ils ont crée le mot « Confucius » pour référer à « kǒng fū zi ». En 1954, le Premier Ministre Zhou a proposé de créer la « Comité de Réforme de la Langue Chinoise» afin de favoriser la latinisation des caractères chinois, en y ajoutant les quatre tons. Après des années d’efforts, le programme de pinyin a été établi et
annoncé officiellement en 1958.
Le système tonique du mandarin garde le système des quatre tons en chinois moyen, malgré quelques changements. On appelle le ton yīn píng le premier ton (signe : ˉ), le ton yáng píng le deuxième ton (signe : ˊ), le ton shàng le troisième ton (signe : ˇ), et le ton qù le quatrième ton (signe :ˋ). Le signe de ton est mis toujours sur la voyelle principale.
En s’appuyant sur les analyses de Lu et les théories occidentales de la phonétique, Zhao75 a proposé une méthode de « cinq degré » pour marquer la hauteur et la modulation de chaque ton dans le mandarin au début du XXème Siècle, qui est généralement considérée comme scientifique pour analyser le pinyin.
Schéma 12 : Tons du chinois moderne
En mandarin, il existe aussi un ton spécial – le ton zéro (en pinyin, qīng shēng), qui correspond à l’absence du ton. Au sens strict, ce n’est pas un vrai ton. Malgré sa fonction de distinction sémantique des mots, il n’est pas inclu dans les tons chinois, car il manque la modulation de hauteur au ton zéro et sa prononciation est relativement courte.
Nous développerons les analyses sur l’iconicité tonique surtout dans le cardre du mandarin contemporain. A cause des changements de ton, le degré de l’iconicité tonique peut être atténué, mais nous croyons toujours en l’existence de ce fait linguistique dans
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ZHAO Yuanren (1892-1982), un des plus grands linguistes et philosophes chinois du XXème Siècle, a étudié la phonétique à l’Université de Harvard.
le chinois.