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Trichotomies du signe de Peirce

Dans le document Iconicité dans la grammaire du chinois (Page 64-69)

CHAPITRE II. ICONICITE

2.1 La signe chez Saussure et Peirce

2.1.2 Trichotomies du signe de Peirce

Dans la lettre qu’il a écrite à Madame Welby52 le 12 octobre 1904, Peirce a proposé que « le plus haut degré de réalité n’est atteint que par les signes ». C’est pourquoi la plupart de ses recherches sont consacrées au domaine sémiotique. Comme le père de la sémiotique moderne, Peirce donne la définition du signe comme suit :

Un signe, ou representamen, est quelque chose qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre. Il s’adresse à quelqu’un, c’est-à-dire crée dans l’esprit de cette personne un signe équivalent ou peut-être un signe plus développé. Ce signe qu’il crée, je l’appelle l’interprétant du premier signe. Ce signe tient lieu de quelque chose : de son objet. Il tient lieu de cet objet, non sous tous rapports, mais par référence à une sorte d’idée que j’ai appelée quelquefois le

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Victoria, Madame Welby (1837-1912) était une philosophe anglaise, qui s’était attaché à l’étude des signes et des significations. En rendant compte d’une œuvre de Madame Welby, Peirce entretint une correspondance avec elle et commença à clarifier ses idées sur la sémiotique.

fondement du representamen.53

Ainsi, le signe de Peirce est évidemment une relation triadique qui peut être représentée sous forme d’un schéma figuratif à droite. Comme nous l’avons souligné, le signe dichotomique Saussurienne a été

considéré comme insuffisant et a reçu une série de critiques, faute d’élément de « réalité ». Ici, la théorie de Peirce l’a améliorée en introduisant un troisième terme – l’objet.

Selon Peirce, il y a trois trichotomies

des signes suivant de différents critères. Puisque la sémiotique de Peirce se base sur la catégorie de sa phanéroscopie, reprenons ici d’abord la catégorie de la phanéroscopie de Peirce avant d’introduire les trois trichotomies du signe qu’il propose. D’après Peirce (1894 : 69), il y a trois modes d’être : « l’être de la possibilité qualitative, l’être du fait actuel et l’être de la loi qui gouvernera le fait dans le futur ». Il a expliqué ces trois idées d’une manière plus approfondie et a défini la Priméité, la Secondéité et la Tiercéité comme suit (Peirce, 1894 : 22) :

La Priméité est le mode d’être de ce qui est tel qu’il est, positivement et sans référence à quoi que ce soit d’autre.

La Secondéité est le mode d’être de ce qui est tel qu’il est par rapport à un second, mais sans considération d’un troisième quel qu’il soit.

La Tiercéité est le mode d’être de ce qui est tel en mettant en relation réciproque un second et un troisème.

Peirce considère la Priméité comme la catégorie du sentiment et de la qualité. Il considère la Secondéité comme la catégorie de l’expérience, de la lutte et du fait, et la Tiercéité comme la catégorie de la pensée et de la loi.

2.1.2.1 Trichotomie du representamen

Correspondant à sa théorie de trois catégories, Peirce a proposé une première

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Toute citation de Peirce est traduite par Gérard Deledalle (1978).

trichotomie, dans laquelle les signes étaient divisés en trois types selon leur propriété interne : qualisigne, sinsigne et légisigne. En mot simple, un qualisigne (Priméité) est une simple qualité, un sinsigne (Secondéité) est un existant réel et un légisigne (Tiercéité) est une loi générale.

Donnons ici encore des exemples pour mieux comprendre ces trois notions abstraites. Un qualisigne, qui est une qualité, « ne peut pas réellement agir comme signe avant de se matérialiser » (Peirce, 1894 : 139). Par exemple, le couleur ou le sentiment. Un sinsigne, qui est un événement existant réel, « ne peut l’être que par ses qualités » (Peirce, 1894 : 139). Par exemple, le portrait d’une personne. Un légisigne, qui est une loi, « est d’ordinaire établie par les hommes » (Peirce, 1894 : 139). Par exemple, les signaux du code de la route ou l’article « the » dans la langue anglaise.

2.1.2.2 Trichotomie de l’objet

Tout comme la première trichotomie, les signes peuvent aussi être divisés en trois types selon la manière qu’il renvoie à l’objet qu’il dénote, correspondant à la Priméité, la Secondéité et la Tiercéité : icône, indice et symbole. Autrement dit, une icône renvoie à l’objet de ressemblance, un indice renvoie à l’objet de contiguïté contextuelle et un symbole renvoie à l’objet de loi.

Peirce a défini l’ « icône » comme « un signe [qui] renvoie à l’objet qu’il dénote simplement en vertu des caractères qu’il possède, que cet objet existe réellement ou non » (Peirce, 1894 : 140). Nous observons donc la nécessaire et impérieuse focalisation de Peirce sur la ressemblance entre le representamen et son objet dans ce type de signe, soit une relation d’analogie qu’on appelle iconicité, d’où les recherches sur la comparaison entre l’iconicité et l’analogie linguistique54. L’icône peut être qualisigne, sinsigne ou légisigne, pourvu qu’il ressemble à son objet. Par exemple, une odeur de rose (qualisigne) est l’icône de cette odeur de rose, un portrait d’une personne (sinsigne)

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On confronte les deux notions quelques fois. Les études sur la relation de ces deux notions seront exploitées dans le sous-chapitre 2.3.

est l’icône de cette personne, un pictogramme (légisigne) est l’icône d’une situation à communiquer etc.

Un indice est « un signe qui renvoie à l’objet qu’il dénote parce qu’il est réellement affecté par cet objet » (Peirce, 1894 : 140). Au travers de cette définition, déduisons qu’un indice ne peut pas être un qualisigne, qui est une simple qualité. En revanche, il est plus souvent un sinsigne. Par exemple, une sonnerie de carillon de porte est l’indice d’une visite. Un indice peut aussi être un légisigne, comme par exemple, un démonstratif de la langue.

Un symbole est « un signe qui renvoie à l’objet qu’il dénote en vertu d’une loi, d’ordinaire une association d’idées générales, qui détermine l’interprétation du symbole par référence à cet objet » (Peirce, 1894 :140). Un symbole est obligatoirement un légisigne.

2.1.2.3 Trichotomie de l’interprétant

Suivant la relation entre le signe et l’interprétant, Peirce a divisé les signes selon la troisième trichotomie en: rhème, dicisigne et argument. Cette troisième trichotomie est vue dans une dimension pragmatique. Selon la définition de Peirce, un rhème est un signe de possibilité qualitative pour son interprétant ; un dicisigne ou un signe dicent est un signe d’existence réelle pour son interprétant ; et un argument est un signe de loi pour son interprétant (Peirce, 1894 : 141).

Le rhème présente quelques caractéristiques de l’objet, mais il n’a pas de valeur de vérité, car ces caractéristiques peuvent être les qualités de toute classe d’objets possibles. Par exemple, le nom commun « table » est un rhème, parce qu’il peut renvoyer à tout objet à plateau sur des pieds, mais pas à telle table singulière.

Un dicisigne fonctionne comme une proposition, qui peut être vrai ou faux, par exemple, une girouette avec une orientation indiquant la direction d’où vient le vent. L’interprétant de ce signe correspond à la proposition « Le vent vient de telle

direction. »

Un argument présente la loi établie entre le representamen et son objet, correspondant à la tiercéité de la phanéroscopie. L’argument peut aussi être vrai ou faux, et à la différence de dicisigne, il fournit un processus logique. Nous distinguons trois types d’argument : déduction, induction et abduction. Dans le classement de « déduction », la règle est imposée aux faits, par exemple, le feu rouge signifie « s’arrêter ». Ainsi, l’argument déductif prouve sa vérité. Dans le classement de « induction », la règle résulte des faits, par exemple, « tous les corbeaux sont noirs ». L’argument inductif est probablement vrai, puisqu’il s’appuie sur les faits observables. Dans le classement de « déduction », la règle existe sous forme d’une hypothèse, qui peut être vraie ou fausse.

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