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Chapitre III- Épistémologie et méthodologie

1) Épistémologie

2.2 Méthode par entrevues

2.2.2 Type d'entrevues

Pour cette recherche, nous avons rencontré six répondant.es lors d’entrevues en face à face. Les répondant.es ont été contactés à l’avance par courriel, certain.es ont pu être approchés de manière informelle au travers d'activités de réseautage organisées au sein du milieu communautaire LGBT*. L'entrée sur le terrain a permis de participer à de nombreuses activités de ce type, qui ont permis de prendre connaissance de nombreux acteurs et dynamiques propres à ce milieu. Il a donc été possible d'identifier rapidement des répondant.es aux caractéristiques recherchées par notre méthode de recherche et disposant d'expériences significatives en lien avec notre objet de recherche, soit la PLH. Les caractéristiques recherchées en priorité chez les répondants sont au nombre de trois :

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2.2.2.1 La diversité des répondant.e.s

Si la représentativité ne peut être atteinte par les méthodes qualitatives, la valeur de ces méthodes repose sur la diversité des cas et la saisie d'un sens qui reflète les effets du contexte socioculturel. Le postulat de ces méthodes étant que les sujets partagent un contexte et des connaissances socioculturelles communs. Ainsi, à l’inverse d'autres méthodes de collecte de données comme le sondage, la méthode par entrevue partage avec l'observation (participante ou non participante) et les

focus group, l'atteinte un point de saturation qui apparaît lorsque des récurrences font jour. Ici, les

hommes et les femmes interrogées sont des représentant.es d'organismes ou des fonctionnaires ayant vécu chacun l'expérience du Groupe de travail mixte ou des autres comités de travail selon l'angle et les intérêts propres à leurs organisations.

2.2.2.2 Une expérience partagée au sein du processus de consultation

Le recrutement des personnes interrogées, dans le cadre des entrevues, s'est effectué sur la base de leur implication passée au sein du Groupe de travail mixte contre l'homophobie et de leurs implications significatives dans le milieu communautaire LGBT*.

Si ces personnes n'ont pas pu toutes être jointes ou n'ont pas souhaité participer, nous avons pu rencontrer 6 répondant.e.s sur la dizaine de personnes ciblées. Toutes ces personnes ont joué un rôle important et sont des figures reconnues du milieu LGBT* au Québec. Chacun.e de nos répondant.e.s nous a accordé une entrevue allant de 90 à 140 minutes. Cette sélection a été possible par le suivi d'une méthode dite de « boule de neige ». Nous comptions sur les liens d'amitié qui unissent le groupe de personnes ciblées et sur la relation de confiance que nous avons instaurée auprès d'elles pour joindre le plus grand nombre de personnes indiquées sur notre liste. À cette liste s'ajoutent d'autres personnes désignées comme ayant un « profil significatif ». Ce second cercle regroupe les fonctionnaires du Bureau de lutte contre l'homophobie (BLH) et de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse (CDPDJ) et les éventuels autres acteurs du milieu communautaires qui entretiennent des liens avec les autorités publiques.

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2.2.2.3 Expertise et rôle d'élite politique.

Du fait du rôle joué par nos répondant.e.s, notre démarche méthodologique implique le recours à un type particulier d'entrevues : les entrevues avec des élites. Selon Halperin et Heath, cette méthode particulière de recherche est toute désignée lorsqu'il s'agit d'étudier des institutions politiques et les processus de prise de décision. S’appuyant sur la definition de Pierce (2008. p.119): «Political elites

are people '' who exercice disproportionately high influence on the outcome of events or policies in your research area'' ». Cette définition convient parfaitement à nos répondant.es. En effet, dans le

cadre de notre recherche sur les stratégies d'influence dans le processus de création de la PLH, ces personnes ont fait partie d'un groupe restreint, agissant à titre d'expert.e.s des enjeux LGBT* auprès du gouvernement. Bien que leur statut d'élite et d'expert.e.s soit très localisé, il n'en demeure pas moins que ces répondant.e.s nécessitent une certaine préparation dans les entrevues, à laquelle nous invite Halperin et Health lorsqu'ils traitent de ce modèle particulier d'entrevues.

En effet, l'entrevue avec des élites constitue en un certain sens un « cas limite » où un seul individu se trouve à être une source immense de données. L'objectif du chercheur est alors de parvenir à en extraire le maximum par le biais de l'interaction directe. Par définition, les élites mais aussi les expert.e.s disposent d'un accès privilégié aux informations, que celles-ci soient des données présentes auxquelles le chercheur ne peut avoir accès pour diverses raisons (chronologiques, absence de traces écrites, accès limité au personnel gouvernemental, etc.). Cependant, le chercheur doit accumuler une certaine quantité de connaissances sur le sujet, qui doit lui permettre de dialoguer efficacement avec le/la répondant.e. Ainsi, une recherche documentaire préliminaire est requise. L'entrevue permet alors de « [to] confirm the accuracy of information that has previously been collected from other sources » (Halperin et Health p.272) . Confronter ces sources avec les réponses de la personne répondante permet alors de vérifier leur validité par triangulation.

Dans le cadre de cette méthode, il a été tout d'abord essentiel d'évaluer la qualité de l’interlocuteur, soit de se poser la question de la représentativité de son opinion afin d'en évaluer la validité. Dans ce type de situation, il est bon de comparer et de croiser plusieurs entrevues d'experts afin de voir s'il y a des recoupements. Dans le cas qui nous préoccupe ici, la participation à un groupe restreint de

69 personnes ressources révèle à la fois une force de notre approche, à savoir la facilité d'identification des répondant.e.s, leur accessibilité et la possibilité de croiser leurs témoignages, mais c'est aussi paradoxalement une forme de faiblesse. Ainsi, une première limite est à trouver dans le fait que les expert.e.s sont, par définition en petit nombre et donc nous avons affaire à une diversité limitée. Cette limite se traduit directement par la difficulté de formuler des généralisations sur la population dont est issu.e le/la répondant.e (ici, une élite propre au milieu communautaire LGBT* montréalais). À cette première limite, il faut ajouter la nécessité d'évaluer la position de la personne répondante. Cette position va influencer la nature de ses réponses, comme peuvent le faire ses opinions politiques, son rôle dans l'organisation, etc. On cite souvent l'exemple du fonctionnaire en fonction, celui-ci est tenu à de nombreuses obligations et peut vouloir ne pas divulguer de l'information pourtant essentielle. On pense ici également aux leaders de groupes qui travaillent dans une logique d'amélioration de la qualité de vie de leurs communautés et qui ne se conçoivent pas comme les défenseurs d'intérêts qui, bien que collectifs, usent des mêmes stratégies que les groupes d'intérêts privés aux réputations plus écorchées. Cette situation donne un sens péjoratif aux termes lobby,

lobbyisme, lobbyiste, etc. (Boivin 1984). Dans l'optique d'obtenir une entrevue, il s'agit donc de ne

pas insister sur ce dernier point, mais de miser plutôt sur d'autres aspects pouvant être des motivations qui invitent les répondants à témoigner. Halperin et Health citent notamment l'importance perçue de la recherche, le sentiment de devoir qui peut exister lorsque l'on occupe un rôle de leadership ou encore l'opportunité que constitue la recherche pour « [to] set the record straight » (p.273) ou « mettre les points sur les ''i'' » concernant les événements passés. Ces raisons citées par les auteurs ne constituent que des exemples, néanmoins certain.e.s répondant.e.s se sentent très fortement lié.e.s à la PLH et peuvent exprimer une forme de fierté à avoir contribué à cette avancée pour les communautés LGBT* au Québec. De plus, cette recherche reçoit un soutien bénévole, du Centre communautaire des gais et lesbiennes de Montréal et de sa bibliothèque, qui souhaite voir plus d'intérêts portés sur les enjeux politiques contemporains liés aux communautés LGBT* québécoises. Par notre travail inédit sur la PLH, nous contribuons à notre manière à un « patrimoine » LGBT* québécois qui valorise une période historique, des acteurs spécifiques, des relations entre la diversité sexuelle au Québec et les autorités publiques, etc.

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