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Chapitre III- Épistémologie et méthodologie

3) Analyse des données

L'analyse des documents a été menée par thématiques. Au cours de la lecture des documents, plusieurs enjeux ont émergé, dont il a été possible de suivre l'évolution au cours du temps. Ainsi, un intérêt particulier a été porté sur le cas des termes et de leurs définitions. Les termes homophobie et

transphobie, ainsi que leurs interactions respectives constitue l'une de nos thématiques et a permis

d'enrichir la grille de questions d'entrevues. Le nombre ainsi que la nature des participant.es constituent une seconde thématique facile à identifier dans les documents officiels. Enfin, la reproduction des recommandations d'un document à l'autre au cours du processus de formulation permet de témoigner de la continuité des enjeux, de leurs transformations autant dans les documents officiels que dans d'autres types de documentation, notamment la presse écrite. L'analyse documentaire a permis de faire émerger de nouvelles préoccupations chez le chercheur et lui a fourni des informations le rendant crédible auprès des répondant.es Il est cependant impossible de procéder à une analyse du rôle des groupes communautaires en se basant uniquement sur des documents, ceux- ci ne pouvant ni rendre compte des interactions formelles et informelles ni être complète comme en témoigne la forme des procès-verbaux que nous avons pu consulter (absence de verbatim).

4). Limites éthiques de la recherche

À la suite de cette présentation de notre méthodologie et de notre positionnement épistémologique, il s'agit maintenant de discuter des enjeux éthiques liés à un tel travail de recherche. Dans cette section, nous reviendrons brièvement sur l'absence d'un droit à la recherche (4.1), suivi d'une discussion sur l'homogénie sociale du chercheur (4.2). Nous discutons finalement du potentiel de généralisation qui permet de compléter la réflexion épistémologique entamée au début du chapitre (4.3).

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4.1 Un droit à la recherche ?

Premièrement, il n'y a pas de « droit à la recherche ». Bien entendu, beaucoup de facteurs peuvent venir interférer, nous pensons ici à l'attitude du chercheur qui se doit d'être irréprochable. Une mauvaise impression dans un tel milieu peut avoir des conséquences dramatiques sur la poursuite de la recherche. Le chercheur doit avant tout éviter de se voir accoler une « mauvaise réputation » et prendre le risque de « brûler » un terrain. Si la recherche s'intéresse depuis longtemps maintenant aux populations LGBT*, il s'agit de conserver cette entrée en maintenant une relation de confiance entre le chercheur et les acteurs. Au terme de la collecte de données, nous pouvons dire que la relation a été suffisamment bonne pour obtenir des confidences sur le milieu et ne pas créer de conflits au sein de celui-ci. L'attitude du chercheur et son appartenance à la « communauté » ont été des facteurs déterminants. Ce qui nous amène à parler de l'engagement de celui-ci.

4.2 L'homogénie sociale dans l'entrée sur le terrain

Une recherche avec des êtres humains implique un impératif d'empathie. Celui-ci peut être facilité – mais ce n'est pas le seul moyen – par le partage d'une identité et de pratiques communes entre acteurs et chercheur. À ce titre, le chercheur justifie ses actions, de son choix d'objet à son implication au CCGLM, au nom du concept d'homogénie sociale proposé par Pierre Bourdieu dans Misère du monde (1993). Ainsi, le chercheur et auteur de ce rapport ne cache pas son orientation sexuelle et l'étiquette « gaie » qui l'accompagne. De même, son implication militante dans le milieu étudiant, tout comme sa relation avec un conjoint ayant des contacts de longue date (dû à sa participation à Jeunesse

Lambda) ont permis de construire la confiance avec certains acteurs et de faciliter la visibilité dans

les événements de réseautage en perspective d’obtenir des entrevues. Bien que cette implication ne soit pas nécessaire à l'étude de l'objet, elle constitue selon nous un atout en permettant de multiples interactions avec les acteurs contemporains du milieu communautaire LGBT, qui héritent des dynamiques, pertes et gains de la période 2000-2011. Ces interactions et partages d'expériences permettent principalement de comprendre les implicites durant les entrevues et gagner ainsi en temps et en précision au cours de ces dernières. Cependant, l'expérience du militantisme ou de la minorité sexuelle ne suffit pas à justifier une empathie totale et un partage intégral de l'expérience comme a

80 pu le rechercher Pierre Bourdieu. Confronter des personnes militantes de minorités sexuelles nécessite une préparation à se confronter à une large gamme d'origines, de parcours, et donc d'expériences humaines, qui permettent ici au lecteur d'appréhender partiellement les défis qu'implique l'ambition de capter les sens de cette diversité d'expériences significatives. Cette empathie est également limitée par le statut d'expert que nous reconnaissons aux répondant.es et qui a déjà été discuté plus haut.

4.3 Potentiels de généralisation tirée de l'épistémologie

De manière tout à fait honnête, le présent travail hésite à généraliser les observations et les analyses menées ici. Comme nous l'avons annoncé au début du chapitre, notre objectif premier est de rendre compte des phénomènes politiques que sont les stratégies d'influences des groupes communautaires LGBT*. Cette analyse s'inscrit dans un contexte temporel et culturel extrêmement précis. Les concepts utilisés renvoient cependant à la littérature sur les groupes d'intérêts, celle sur les politiques publiques et plus généralement sur les enjeux des personnes LGBT*. Ainsi, si le cas reste singulier, la « boîte à outils » que nous mobilisons dispose d'une capacité de reproductibilité que nous aurions aimé pouvoir appliquer à d'autres cas au Canada ou dans le monde. Le processus observé s'illustre notamment par son originalité et nous espérons que cette recherche saura attirer l'attention des pouvoirs publics sur l'importance de la consultation et du partenariat entre les groupes victimes d'oppressions systémiques (ici l'hétérosexisme et son corollaire : le cisgenrisme) et l'État régulateur contemporain. Ainsi, il convient de conserver une posture épistémologique humble, tout en restant inspirante.

Conclusion du troisième chapitre :

Pour conclure ce troisième chapitre, nous avons vu que notre démarche s'inscrit dans une dimension précise du constructivisme épistémologique. Cette ontologie favorise la recherche qualitative que nous avons décidé de mener au travers du recours à une méthode de collecte de données qui croise les témoignages captés en entrevues avec les informations obtenues par l'analyse de documents. Ce sont donc ces données analysées qui seront présentées au chapitre V. Ces choix épistémologiques et

81 méthodologiques impliquent de la part du chercheur un contact direct avec son objet, ce qui n'est pas sans poser des questions éthiques. Nous espérons avoir dissipé les craintes et les ambiguïtés en discutant brièvement de différents aspects de cette problématique importante pour les sciences sociales, et la Recherche en général. Comme toute recherche, la nôtre présente des limites évidentes, cependant nos propositions n'ont pas d'ambitions trop larges, ce qui permet de limiter les risques de généralisations abusives.

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