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Afin de déterminer l’amplitude de saturation des rides et donc de connaitre un peu mieux le type de bifurcation que suit la piste lorsqu’elle est instable, nous avons réalisé diverses expériences. L’idée la plus simple consiste à partir d’une piste lisse et de laisser tourner la plaque à une certaine vitesse jusqu’à ce que le piste atteigne un état stationnaire. Cependant, comme pour les expériences représentées sur la figure 2.5, il n’est pas certain d’atteindre des états stationnaires avec une même longueur d’onde. Nous avons alors réalisé des rampes de vitesse depuis une vitesse supérieure à la vitesse critique. Ainsi, en partant d’une piste contenant déjà des rides, on contraint le système à rester dans cet état tout au long de l’expérience. Il est également possible de faire une rampe de vitesse croissante. On constate alors une hystérésis assez importante sur la vitesse d’apparition des rides. La figure 2.9 présente le diagramme de bifurcation ainsi obtenu. Les ronds bleus représentent l’amplitude des rides mesurée sur les 100 derniers tours précédant chaque changement de vitesse et ce, pour deux rampes de vitesse successives, l’une croissante et l’autre décroissante. Dans les deux cas la vitesse est incrémentée (ou décrémentée) de 0.0125 m.s−1 tous les 2000 tours, une telle expérience dure donc une soixantaine d’heures. On constate que la transition ne se produit pas à la même vitesse pour les deux rampes. On observe une hystérésis. Nous avons alors voulu savoir comment se comportait le système à l’intérieur de ce cycle d’hystérésis. Pour cela, nous avons créé des rides avec une amplitude bien définie et avons regardé leur comportement pour des vitesses comprises dans le cycle. Les carrés bleus de la figure 2.9 représentent donc les amplitudes et vitesses pour lesquelles la piste est redevenue lisse, alors que les carrés rouges symbolisent les amplitudes et vitesses qui ont conduit à une croissance des rides. On peut alors tracer la frontière entre les zones stables et instables, celle-ci est symbolisée par les traits noirs de la figure 2.9. Le diagramme de bifurcation ainsi obtenu ressemble fortement au diagramme de bifurcation d’une instabilité fourche sous-critique (Manneville [2004]).

2.3. TYPE DE BIFURCATION 75 0.840 0.86 0.88 0.9 0.92 0.94 0.96 0.98 2 4 6 8 10 v (m s−1) A (m )

Figure 2.9 – Diagramme de bifurcation obtenu lors de deux rampes de vitesse

croissante et décroissante. Les points bleus correspondent à l’amplitude des rides mesurée sur les 100 tours précédant un changement de vitesse. On observe alors un phénomène d’hys-térésis. Les carrés bleus correspondent à des amplitudes de rides et vitesses du patin pour lesquelles la piste est stable, et les carrés rouges pour lesquelles la piste est instable. Les traits noirs délimitent alors deux zones de stabilité et d’instabilité dans le plan (A, v).

d’instabilités obéissant à une bifurcation sous-critique. Toutefois, la méthode utilisée est sujette à caution. En effet, lors de la rampe de vitesse, il n’est pas certain que le système ait le temps d’atteindre un régime stationnaire, ce qui pourrait expliquer l’hystérésis. De plus, après avoir réalisé la rampe de vitesse, nous nous sommes aperçus que le patin n’était pas parfaitement tiré selon un axe perpendiculaire au rayon de la piste. Nous avons dès lors réaligné le patin et choisi de réaliser des trempes de vitesse depuis un état contenant des rides. Le protocole suivi étant :

– N tours à une vitesse vinit> vc

– N tours à une vitesse vinit− δv – de nouveau N tours à la vitesse vinit

– puis on continue avec une vitesse vinit− 2δv.

L’avantage de ce mode opératoire est de partir toujours du même état, celui obtenu à la vitesse vinit, dans lequel le système reste frustré tout au long de l’expérience. De plus, en réalisant des trempes il est possible de mesurer le temps mis par le système pour atteindre son nouveau point d’équilibre. On peut aussi et surtout vérifier que ce point d’équilibre est atteint. La figure 2.10 présente un exemple de trempe et la figure 2.11 présente les résultats obtenus par cette méthode.

On constate qu’avec ce protocole la bifurcation suivi par la piste ressemble à une bifurcation super-critique (Manneville [2004]). L’amplitude des rides évolue en racine de l’écart au seuil pour des vitesses supérieures à la vitesse critique. En fait, la loi de puissance de l’amplitude vis-à-vis de l’écart au seuil dépend fortement de la définition de la vitesse critique. Un moyen de définir celle-ci avec précision est justement de

76 CHAPITRE 2. CARACTÉRISTIQUES DE LA TÔLE ONDULÉE 0 100 200 300 400 500 600 700 9 10 11 12 13 14 15 n A (m m ) τ

Figure 2.10 – Exemple d’une trempe depuis une vitesse vinit = 1.175 m.s−1 vers une vitesse v = 1.1 m.s−1. L’amplitude des rides évolue jusqu’à atteindre un état stationnaire, on peut alors définir un temps de réponse à 50% τ.

0.8 0.85 0.9 0.95 1 1.05 0 1 2 3 4 5 6 v (m.s−1) A (m m ) 10−2 100 100 101 v−vc vc A (m m )

Figure 2.11 –Diagramme de bifurcation obtenu par des trempes de vitesse depuis

une vitesse vinit> vc. On observe une bifurcation semblable à une bifurcation super-critique, où l’amplitude des rides suit une loi en racine de l’écart au seuil (courbe en trait noir). Le graphe dans l’encadré, correspond à l’amplitude des rides en fonction de l’écart au seuil en échelle logarithmique. Cette amplitude peut être modélisée par une droite de pente 1/2 symbolisée par la courbe en trait noir.

2.3. TYPE DE BIFURCATION 77

prendre la vitesse pour laquelle on obtient une loi de puissance en racine carrée. La figure 2.12 représente le temps de réponse à 50% du système τ (voir figure 2.10) qui est le nombre de tours nécessaire pour que l’amplitude atteigne la moitié de sa valeur finale. On remarque que ce temps de réponse augmente fortement (et semble diverger) à mesure que la vitesse se rapproche du seuil. Ce temps passe d’une dizaine de tours pour les vitesses éloignées du seuil à quasiment cent tours pour les vitesses les plus proches du seuil. De manière plus quantitative, si l’on trace ce temps de réponse en fonction de l’écart au seuil v−vc

vc (encart de la figure 2.11), on s’aperçoit que pour les vitesses inférieures au seuil le temps de réponse suit une loi de puissance de pente -0.5. Ce type de divergence du temps de réponse est également une caractéristique des bifurcations super-critiques comme les transitions de phase du second ordre.

0.6 0.7 0.8 0.9 0 20 40 60 80 100 v (m.s−1) τ vc 10−2 10−1 100 101 102 vc−v vc τ

Figure 2.12 – Temps de réponse à 50% en fonction de la vitesse du patin. On

observe que celui-ci augmente à mesure que l’on se rapproche de la vitesse critique. Le graphe dans l’encadré représente τ en fonction de l’écart au seuil (pour des vitesses inférieures à la vitesse critique) en échelle logarithmique. On observe que τ obéit à une loi de puissance en (vc− v)12.

Concernant le phénomène d’hystérésis, nous avons réalisé des expériences de trempe en partant d’une vitesse nulle. Nous avons alors observé que si l’on brasse le sable de la piste entre chaque mesure et qu’on la lisse en passant un patin à altitude constante, l’hystérésis disparaissait. Le brassage du sable permet d’une part d’effacer le motif de ride en profondeur et d’autre part de décompacter légèrement le lit de grains. Ainsi, si le patin effectue de nombreuses rotations sur la piste (typiquement plus d’une centaine) à une vitesse inférieure à la vitesse critique, alors le lit de sable se compacte légèrement et se lisse presque parfaitement. Si bien que lorsque l’on impose une vitesse supérieure au seuil la piste reste dans un état métastable.

L’amplitude des rides en fonction de la vitesse a également été mesurée dans les simulations numériques. Pour cela, nous avons réalisé une simulation pour chaque vi-tesse. Partant d’un même état initial, dans lequel le patin est à quelques diamètres de

78 CHAPITRE 2. CARACTÉRISTIQUES DE LA TÔLE ONDULÉE

grains au dessus de la piste on impose une vitesse horizontale v au patin. Après typi-quement une trentaine de tours l’amplitude des rides sature. La figure 2.13 présente alors l’amplitude finale des rides en fonction de la vitesse du patin. Nous avons vérifié que la longueur d’onde des rides était la même entre chaque simulation. Même si les données sont un peu plus bruitées que dans les expériences, il est possible de modéliser l’amplitude des rides par une loi en racine carrée comme précédemment.

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