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II. REVUE DE LITTÉRATURE

1. Streptococcus suis

1.4. Typage

Deux grandes approches de typage sont couramment utilisées pour caractériser les souches de S. suis, soit le typage sérologique, qui permet de différencier les souches selon l’antigénicité de leur CPS, et le typage allélique par « multilocus sequence typing » (MLST) permettant de suivre l’évolution phylogénétique de différentes souches (ARTICLE I).

1.4.1. Tests sérologiques et sérotypes décrits

Plusieurs tests peuvent être employés en laboratoire pour observer la reconnaissance d’une souche donnée par un antisérum de référence (15). De par sa simplicité et son aisance à lire les résultats à l’œil (sans instrument requis tel qu’un microscope), la majorité des laboratoires diagnostiques préfèrent le test sérologique de coagglutination (12). Le principe derrière ce test repose sur la protéine A, exprimée à la surface de Staphylococcus aureus et capable de lier la portion « Crystallizable fragment » (Fc) d’une immunoglobuline de classe G (IgG), laissant sa portion « antigen-binding fragment » (Fab) libre de lier l’antigène spécifique

(16). Ainsi, pour préparer le réactif de coagglutination, un antisérum de référence de lapin (préparé par hyperimmunisation avec la souche de référence pour le sérotype voulu) sera au préalable mélangé avec une culture tuée de S. aureus, ce qui permettra aux IgGs de s’adsorber à la surface de S. aureus (grâce à la protéine A). Un réactif de coagglutination doit être préparé pour les antisérums spécifiques pour chaque sérotype. Enfin, pour sérotyper une souche, il suffit de mélanger ensemble une goutte de culture tuée de S. suis avec une goutte du réactif de coagglutination, et d’attendre jusqu’à 1–2 minutes. Si la réaction est positive, des aggrégats apparaîtront puisque les bactéries de S. suis et de S. aureus (avec IgG anti-CPS de S. suis adsorbés à sa surface) auront agglutinés ensembles (16).

À ce jour, 35 sérotypes différents de S. suis ont été établis en fonction de l’antigénicité de la CPS, soit les sérotypes 1 à 34 et le sérotype 1/2 (15, 17-20). Bien que cette méthode soit relativement fiable, le sérotypage comporte certaines limites, dont la présence de réactions croisées (Tableau I) et l’existence de souches non typables ou auto-agglutinantes (12, 21-24). De plus, les avancées en génétique et biologie moléculaire ont permis de démontrer que les sérotypes 20, 22, 26, 32, 33 et 34 appartiennent à des espèces autres que S. suis (25-28). Ainsi, les sérotypes 20, 22 et 26 appartiendraient à Streptococcus parasuis (29), le sérotype 33 à Streptococcus ruminantium (30) et les sérotypes 32 et 34 à Streptococcus orisratti (31). Au commencement de ce projet de doctorat, seule la structure de la CPS du sérotype 2 avait été déterminée (voir plus loin). De ce fait, aucune information n’était encore disponible pour expliquer les différentes réactions croisées observées en sérotypie.

Tableau 1I. Sérotypes de S. suis produisant des réactions croisées lors de la sérotypie (15, 17). Sérotypes 1 14 1/2 1 1/2 2 2 22 6 16 1.4.2. Sérotypage moléculaire

Afin de contourner les inconvénients des tests sérologiques, dont l’utilisation d’animaux pour préparer les antisérums, des tests moléculaires basés sur l’amplification de gènes spécifiques au sérotype ont été développés (28). Pour chacun des sérotypes, une séquence unique située soit dans le gène codant pour la polymérase (Wzy) impliquée dans la biosynthèse de la CPS ou dans une glycosyltransférase est ciblée, à l’exception des sérotypes 1 et 14 et les sérotypes 1/2 et 2, qui ne peuvent pas être différenciés à l’aide de cette méthode (32, 33). Toutefois, certaines souches non sérotypables demeurent non typables par ces techniques d’identification moléculaires. Ce phénomène est normalement indicateur de nouveaux sérotypes jusqu’alors non décrits : depuis 2015, il a été proposé le nouveau sérotype Chz (34) en plus de 17 « Novel CPS loci » définis suite au séquençage des locus capsulaires de souches non sérotypables (24, 35, 36) (voir plus loin).

1.4.3. Typage allélique par « multilocus sequence typing »

Le typage moléculaire allélique ou « multitlocus sequence typing » (MLST) est une technique permettant la caractérisation de souches au sein d’une espèce bactérienne en se basant sur la séquence interne de sept gènes hautement conservés (gènes de ménage) (37).

Pour S. suis, le MLST se base sur des variations dans les gènes aroA (gène codant pour la 5- énolpyruvylshikimate-3-phosphate synthétase), cpn60 (gène codant pour une chaperonne de 60 kDa), dpr (gène codant pour une protéine putative de résistance au peroxyde), gki (gène codant pour une glucose kinase), mutS (gène codant pour une enzyme de réparation des erreurs dans l’acide désoxyribonucléique [ADN]), recA (gène codant pour un facteur de recombinaison homologue) et thrA (gène codant pour une aspartokinase/homosérine déshydrogénase). Chaque séquence interne des gènes, appelée allèle, est associée à un numéro afin de créer un profil composé des sept allèles des gènes cibles. Ce profil est ensuite associé à une séquence type allélique (ST) précise (38).

Cette technique ne considère pas l’ensemble des polymorphismes nucléotidiques de la séquence, mais cible plutôt quelques variations précises au sein de la séquence (37). Elle permet d’avoir une vue d’ensemble de l’évolution de la bactérie et de mieux comprendre l’évolution phylogénétique de S. suis (38). Cette méthode a suscité beaucoup d’intérêt au cours des dernières années et est fréquemment utilisée depuis la disponibilité des technologies de séquençage, ainsi que de l’accessibilité de la banque d’allèles et de profils en ligne (12). Néanmoins, le MLST comporte certaines limitations. Entre autres, l’utilisation de gènes de ménage peut masquer des différences génotypiques, et par conséquent phénotypiques, importantes entre les souches. L’acquisition récente d’ADN exogène de phages, d’îlots génomiques, d’éléments intégratifs et conjugatifs ou des phénomènes de recombinaison homologue pourraient ainsi passer inaperçus (37).

À ce jour, 1 096 différentes STs de S. suis ont été rapportés. Cependant, plusieurs STs sont étroitement reliés, suggérant un ancêtre commun (12). Il est suggéré qu’une association entre la virulence d’une souche et la ST pourrait exister, du moins pour le sérotype 2 (39). En effet, la ST1a (prédominante en Europe, en Asie et en Amérique du Sud) et la ST7 (présente en Chine et responsable des éclosions humaines de 1998 et 2005) est fortement associé aux cas d’infections sévères caractérisées par le sepsis, la méningite ou l’arthrite (12). Au contraire, la ST25 et la ST28, fréquemment retrouvées en Amérique du Nord, sont associées avec une virulence intermédiaire et faible, respectivement (39). De plus, certaines STs sont

suilysine (sly), la « muraminidase-released protein » (MRP) (mrp) et le facteur extracellulaire (EF) (epf) (39). Les souches appartenant au ST1 et au ST7 possèdent les marqueurs de virulence sly, mrp et epf alors que les ST25 et ST28 sont négatives pour sly et epf, avec la présence ou l’absence de mrp permettant de distinguer entre ces deux STs (39). Curieusement, les souches d’un même sérotype peuvent être regroupées en plusieurs STs, de même qu’une ST particulière peut être composée de souches de sérotypes différents (12).