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II. REVUE DE LITTÉRATURE

2. La capsule polysaccharidique (structure, locus capsulaires et biosynthèse)

2.2. Locus capsulaires

Le locus de la CPS de S. suis a été caractérisé en premier chez le sérotype 2 par Smith et al. en 1999 (156). Il a fallu cependant attendre en 2013 afin que l’ensemble des différents locus capsulaires correspondant aux 35 sérotypes de S. suis soient caractérisés par Okura et al. (157).

2.2.1. Organisation génétique du locus capsulaire

Il est proposé que les gènes présents dans le locus de la CPS soient transcrits sous un même acide ribonucléique (ARN) polycistronique et régulés sous un seul même promoteur situé en amont du gène cpsA (Annexes, ARTICLE XIII). La taille des locus de la CPS varie en fonction du sérotype. Les gènes codants pour la biosynthèse, l’exportation et la polymérisation de la CPS se retrouvent chez la plupart des sérotypes entre les gènes orfZ et aroA. Néanmoins, pour d’autres sérotypes, le locus chromosomique codant pour les gènes de la CPS se retrouve ailleurs dans le génome. Basé sur les différents emplacements du locus de la CPS dans le génome, cinq grands patrons de locus chromosomiques ont été observés à partir des 35 sérotypes, soit les patrons Ia, Ib, II, III et IV. Le patron le plus commun est le patron Ia comprenant notamment les sérotypes 1, 1/2, 2, 3, 7, 8, 14 et 18. Le second patron en importance est le patron Ib, situé entre orfZ et glf, et qui comprend notamment le sérotype 9 (157).

Malgré que le locus de la CPS varie entre les différents patrons chromosomiques de locus capsulaires, il existe par contre des caractéristiques communes parmi plusieurs sérotypes. Ainsi, on retrouve les gènes de régulation de la biosynthèse de la CPS, cpsA, cpsB, cpsC et cpsD chez tous les sérotypes. Les gènes codant pour des polymérases (Wzy), flippases (Wzx) et différentes glycosyltransférases sont également retrouvés chez l’ensemble des sérotypes. Ceux-ci comprennent également un gène codant pour la transférase initiale (157).

Une caractéristique importante est la présence chez certains sérotypes de gènes associés à la biosynthèse et au transfert de sucres uniques, comme par exemple l’acide sialique du sérotype 2. Ces gènes, soit neuBCDA (synthèse) et cpsN (sialyltransférase) ont été caractérisés chez les sérotypes 1, 1/2, 2, 6, 13, 14, 16 et 27. Curieusement, les gènes codant pour la biosynthèse de l’acide sialique chez le sérotype 13 sont phylogénétiquement différents des autres sérotypes sialylés mentionnés (157). De plus, malgré la détection des gènes responsables pour la biosynthèse de l’acide sialique, une étude précédente par Charland et al. (158) employant la lectine de Sambucus nigra (SNA; spécifique pour les Neu5Ac-α2,6- Gal/GalNAc- (159)) a permis de démontrer la présence d’acide sialique seulement chez les souches des sérotypes 1, 1/2, 2, 14, 15 et 16 de S. suis. Ainsi, on connait avec quasi-certitude que les sérotypes 1, 1/2, 2, 14 et 16 possèdent un acide sialique lié en α2,6- dans leur CPS (confirmé dans le cas du sérotype 2 (154)). Dans le cas du sérotype 15, positif avec la SNA, mais ne possédant pas de gènes, cette réaction demeure à être expliquée : une possibilité est que cette lectine peut reconnaître (plus faiblement) le Gal/GalNAc en absence de Neu5Ac dans certaines situations (134, 159). Pour ce qui est des sérotypes possédant les gènes, mais qui sont négatifs avec la SNA, soit les sérotypes 13 et 27, il demeure à valider si ces sérotypes possèdent l’acide sialique au sein de leurs CPS respectives.

Également, la plupart des sérotypes possèdent un gène unique ou sérotype-spécifique. Les exceptions sont les sérotypes 1, 1/2, 2 et 14 où aucune polymérase, glycosyltransférase ou flippase unique n’a pu être trouvée. Les locus des CPS pour les sérotypes 1 et 14 et les sérotypes 2 et 1/2 sont pratiquement identiques, d'où l’absence de gène unique. Par le séquençage et l’assemblage de nouveaux génomes pour chacun de ces sérotypes, il a été déterminé que les sérotypes 2 et 14 possèdent un nucléotide G à la position 483 du gène cpsK (codant pour la galactosyltransférase) alors que les sérotypes 1 et 1/2 ont un C ou un T à cette même position nucléotidique. Cette mutation ponctuelle se traduit en un tryptophane à la position 161 de la protéine CpsK chez les sérotypes 2 et 14, comparativement à une cystéine pour les sérotypes 1 et 1/2. Ceci permet d’expliquer pourquoi ces deux paires de sérotypes ne peuvent être résolues lors de la sérotypie par « polymerase chain reaction » (PCR).

2.2.2. Nouveaux locus capsulaires (NCLs) et nouveaux sérotypes potentiels

Récemment, Zhenghan et al. (21) ont décrit les locus capsulaires de 179 souches de S. suis isolées des porcs sains en Chine et identifiées comme non typables par les tests sérologiques et moléculaires. Ils ont pu ainsi classer 44% (78/179) des isolats non typables en huit nouveaux locus capsulaires (identifiés comme « novel capsular loci » ou NCL1 à 8). Curieusement, chacun des huit locus se distingue par la présence d’un gène codant pour une polymérase spécifique et pourrait conséquemment représenter de nouveaux sérotypes. Cependant, il a été démontré que 25 des 79 isolats identifiés comme appartenant à un nouveau NCL sont non encapsulés en raison de mutations dans le locus capsulaire, rendant ainsi impossible le sérotypage de ces souches par de futurs tests sérologiques (21).

Parallèlement, Pan et al. (160) ont également caractérisé une souche non typable isolée d’une épidémie de S. suis chez des porcelets en Chine et qui pourrait appartenir à un nouveau sérotype. Ils ont démontré que la souche CZ130302, non typable par tests sérologiques et moléculaires, possédait une polymérase unique. Il est proposé que ce nouveau sérotype se nomme Chz (160).

Depuis, huit autres nouveaux locus capsulaires potentiels ont été caractérisés chez S. suis, portant le nombre total de NCLs à 17 (1–16 et Chz). À l’opposé des premiers NCLs (1– 8), ces derniers NCLs ont été caractérisés à partir de souches de S. suis isolées de porcs sains majoritairement, mais également de porcs malades. Par contre, tous les NCLs caractérisés (y compris Chz) ont été découverts chez des souches isolées de porcs en Chine, et représentent potentiellement des nouveaux types capsulaires endémiques. Une statistique intéressante de cette dernière étude est que 94.8% des « vraies » souches non sérotypables de cette étude appartiennent à l’un des 17 NCLs caractérisés (161). On considère une « vraie » souche non typable lorsqu’elle possède un locus capsulaire et que celui-ci ne correspond pas à un locus capsulaire d’un sérotype déjà décrit. Toutefois, ces nouveaux sérotypes potentiels ne sont pas

encore reconnus officiellement et ne sont présentement pas considérés dans les laboratoires diagnostiques de S. suis.

2.2.3. Mutants de la CPS chez S. suis

Les premiers mutants de la CPS chez S. suis ont été obtenus par insertion de transposon (100). Une seule insertion était suffisante afin d’inhiber la biosynthèse de la CPS, ce qui a eu pour conséquence sa perte et un phénotype non encapsulé (100). De plus, ces travaux ont démontré que l’absence de CPS modifie l’hydrophobicité à la surface bactérienne, diminue la résistance à la phagocytose par les phagocytes murins et porcins et favorise l’élimination rapide de la bactérie du sang (100).

Depuis, plusieurs autres mutants de la CPS ont été obtenus, mais tous chez le sérotype 2. En effet, les rôles de la protéine régulatrice CpsB (67), de la transférase initiale CpsE (67), de différentes glycosyltransférases (CpsF, CpsG, CpsJ et CpsL) (107, 162) ainsi que de NeuB et NeuC, enzymes impliquées dans la biosynthèse de l’acide sialique (Annexes, ARTICLE

XIV) (102), ont été décrits.. Peu importe la délétion, un phénotype non encapsulé est toujours

obtenu. Plus récemment, un mutant de la CPS a été obtenu pour le sérotype 14 (CpsB) (101). Toutefois, malgré l’importance des autres sérotypes de S. suis, aucun mutant d’un sérotype autre que les sérotypes 2 et 14 n’a encore été étudié.