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II. REVUE DE LITTÉRATURE

3. Mécanismes de la réponse humorale dirigée contre la CPS

3.5. L’activation des lymphocytes B

Les lymphocytes B arrivent à maturation dans la moelle osseuse, et lorsqu’ils la quittent, chacun exprime à sa surface une molécule d’anticorps membranaire (ou immunoglobine membranaire [mIg]) faisant partie du récepteur de la cellule B (ou BCR), capable de reconnaître un antigène spécifique et unique à chaque lymphocyte. Lorsqu’une cellule B naïve rencontre un antigène pour la première fois grâce à son BCR, celle commence à se diviser rapidement (expansion clonale). Les cellules qui résultent de cette division finiront par se différencier en cellules B mémoires et en plasmocytes. Les cellules B mémoires ont une longue durée de vie et continuent à exprimer le même anticorps membranaire que la cellule B naïve dont elles sont issues. Les plasmocytes produisent de nombreux anticorps sous forme sécrétés (191). L’activation des lymphocytes B peut se faire selon deux voies différentes, à savoir la voie TD et la voie TI. L’activation des cellules B par la voie TD requiert l’interaction avec les lymphocytes Th, alors que pour la voie TI cette interaction n’est pas requise.

3.5.1. L’activation T-dépendante (TD)

Suite à l’activation initiale, les lymphocytes B en prolifération, nommés blastes, vont procéder selon une de deux voies indépendantes pour leur migration et différentiation. En premier lieu, les cellules B activées vont migrer vers les régions extrafolliculaires, où leur prolifération rapide et leur différentiation en plasmablastes et en plasmocytes surviendra. Ces

« antibody-secreting cells » transitoires fourniront une première source d’anticorps spécifiques (principalement des IgM) en réponse au pathogène / antigène initial et une protection rapide. Cette réponse humorale primaire cherche à protéger l’organisme durant le développement de la réponse germinale qui prendra plusieurs jours (205). Ceci étant dit, la réponse humorale TD est fortement associée à la formation d’un centre germinatif (GC), et à la commutation isotypique, à la maturation d’affinité et au développement de cellules mémoire qui en découle et qui seront décrits ci-bas.

3.5.1.1. Formation du centre germinatif

En second lieu (même si son déroulement est simultané à la réaction extrafolliculaire), les blastes se retrouveront au sein des follicules d’un organe lymphoïde secondaire où ils vont débuter la formation d’un centre germinatif (GC). En effet, les lymphocytes B matures naïfs sont en recirculation constante au travers des organes lymphoïdes secondaires à la recherche de signes d’une infection, et lors de l’atteinte des follicules, vont circuler rapidement à l’intérieur de ceux-ci à la recherche de leur antigène. Lors de la rencontre avec son antigène, le lymphocyte B va migrer à la frontière entre le follicule de cellules B et les zones de lymphocytes T (suite à l’augmentation soudaine de l’expression du récepteur chimiokinique « C–C motif receptor 7 » (CCR7) pour aller recruter l’aide des lymphocytes Th. L’interaction T- B permettra l’induction de la formation d’un GC notamment suite aux interactions CD40 – CD40L. Typiquement, on retrouve 1 à 6 clones à coloniser ces follicules, ce qui fait que les réactions germinales sont de nature oligoclonale (205).

3.5.1.2. Commutation isotypique des immunoglobulines

En plus d’exprimer CD40L, les lymphocytes Th activés sécrètent également des cytokines qui serviront à induire la prolifération des cellules B et leur différentiation, en plus de jouer un rôle central dans le déclenchement de la commutation isotypique des immunoglobulines (IgM  IgG, IgA ou IgE). Typiquement, les voies de signalisation déclenchées par ces cytokines vont mener à la translocation de l’enzyme « activation-induced cytidine deaminase » (AID) vers une des séquences de recombinaison situées à l’extrémité 5′

de chacun des gènes codant pour les régions constantes des chaînes lourdes d’immunoglobulines γ, α et ε. Ainsi, AID va déclencher les événements de recombinaison homologue d’ADN menant à la commutation isotypique. Concrètement, au cours de ces recombinaisons, le gène codant pour la chaîne lourde μ (IgM) sera remplacé par celui d’une des chaînes lourdes γ (IgG), α (IgA) ou ε (IgE). Le processus de commutation isotypique peut être initié en quelques jours suite à l’activation initiale du lymphocyte B. De plus, bien que la commutation isotypique peut survenir au sein d’un GC, celle-ci n’est pas limitée à cette phase de la réponse humorale (205).

3.5.1.3. Maturation d’affinité

Les GCs sont le site primaire où la diversification et la maturation d’affinité des lymphocytes B activés se produisent. Alors que celles-ci prolifèrent au sein des GCs, elles acquièrent de hauts taux de mutations dans les régions variables de leurs immunoglobulines par hypermutation somatique. Tout comme pour la commutation isotypique, l’enzyme AID est impliquée dans ce processus qui résulte en l’introduction de mutations aléatoires affectant l’affinité et la spécificité du BCR. Les clones de cellules B au sein du GC qui expriment des variants avec une liaison plus forte à l’antigène sont positivement sélectionnés et prolifèrent, alors que les variants pour lesquelsqui les changements résultent en des liaisons plus faibles ne sont pas sélectionnés, entraînant leur mort par apoptose. Ceci résulte en une augmentation de l’affinité moyenne des anticorps sécrétés au fur et à mesure que la réponse progresse (205). Les clones de cellules B sélectionnés au sein des GCs vont pouvoir se différencier soit en cellules B mémoire ou en plasmocytes à longue durée de vie.

3.5.1.4. Mémoire humorale

Une des grandes caractéristiques de la réaction germinale est dans la génération d’une mémoire humorale. Les cellules B mémoire ont été démontrées comme étant capables de persister pour de très longues périodes de temps après exposition à l’antigène et pour recirculer au travers des organes lymphoïdes secondaires, en plus de coloniser la zone marginale de la rate. En raison de leur sélection dans les GCs, les cellules B mémoire

expriment des immunoglobulines portant des mutations somatiques et donc sont capables de répondre très rapidement suite à une réexposition à l’antigène avec des anticorps de haute affinité. La mémoire humorale à long terme est également maintenue par une population de plasmocytes à longue durée de vie, sélectionnés également dans les GCs, et qui sont maintenant résidentes de la moelle osseuse. Ces plasmocytes continueront de sécréter tout au long de leur vie leur immunoglobuline de haute affinité afin de protéger l’hôte (205).

3.5.2. L’activation T-indépendante (TI)

Les mécanismes de l’activation par la voie TI sont moins bien connus que la précédente. En bref, comme son nom l’indique, cette activation se manifeste indépendamment des lymphocytes T. Les antigènes TI sont habituellement des molécules de nature polysaccharidique, telle que la CPS de S. suis. La principale caractéristique des antigènes TI est leur incapacité à se complexer au CMH-II, et par conséquent ne peuvent être présentés aux lymphocytes Th pour obtenir leur aide, du coup les rendant beaucoup moins immunogènes que les antigènes protéiques TD (206). Une exception serait les polysaccharides zwitterioniques (porteurs de charges négatives et positives) qui eux peuvent être présentés par le CMH-II, ce qui les rend beaucoup plus immunogènes que les polysaccharides « réguliers » (189).

En l’absence des cellules Th, deux signaux sont requis pour pouvoir activer les lymphocytes B et la sécrétion d’anticorps. Le premier signal consiste en le « cross-linking » des mIg par un antigène multivalent (comme une CPS), qui permettra d’activer la cellule B CPS-spécifique. Seul, ce premier signal résulte en une faible production d’IgM, en l’absence de commutation isotypique et en l’absence de mémoire. Suite à un second signal, comme la signalisation via les TLRs ou la production de cytokines et chimiokines par une CPA préalablement activée (plus particulièrement dans le contexte d’une bactérie entière encapsulée que d’un polysaccharide soluble), les cellules B activées par un antigène TI peuvent entreprendre la commutation isotypique (résultant en la production d’IgG), sécrètent des quantités substantielles d’immunoglobulines et génèrent des cellules mémoires de faible affinité (207).

3.5.3. Potentiel des lymphocytes Tcarb et d’autres cellules immunitaires

En plus de ce qui a été présenté précédemment, d’autres populations de cellules immunitaires peuvent intervenir dans le développement de la réponse immunitaire adaptative face aux glycanes. Des travaux relativement récents de 2011 par le laboratoire du Dr. Kasper ont mis à jour l’existence de clones glycane-spécifique de cellules T, nommés Tcarb (208). La contribution de ces Tcarb ainsi que leur mécanisme d’action dans la réponse TD face aux vaccins glycoconjugués sera développé plus loin dans la section 4.1..

En plus des Tcarb, d’autres cellules comme les cellules NK et « natural killer T » (NKT) sont connues pour reconnaître les glycanes et pourraient contribuer indirectement à la réponse anti-CPS TI (207, 209). En effet, par la reconnaissance de PAMPs bactériens, les cellules NK sécrètent de grandes quantités de cytokines, comme l’IFN-γ, ce qui pourra contribuer à l’activation TI des lymphocytes B (210). De plus, les cellules NKT, quant à elles, peuvent reconnaître les glycolipides présentés par CD1, ce qui leur permet de s’activer et de fournir les signaux nécessaires aux lymphocytes B (209). Alors que les NKT reconnaissent les glycolipides de GBS, elles sont incapables de reconnaître les glycolipides isolés d’une souche de sérotype 1 de S. suis (211). Néanmoins, une seconde étude in vivo suggère que les NKT peuvent être activées à de très faibles niveaux lors d’une infection par le sérotype 2 de S. suis (212). Finalement, le rôle de ces trois types cellulaires dans les réponses anti-CPS n’a encore jamais été étudié pour S. suis.