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Mécanismes effecteurs de la réponse humorale contre les bactéries extracellulaires

II. REVUE DE LITTÉRATURE

3. Mécanismes de la réponse humorale dirigée contre la CPS

3.7. Mécanismes effecteurs de la réponse humorale contre les bactéries extracellulaires

L’immunité humorale est médiée par les anticorps sécrétés et sert principalement de défense contre les microbes extracellulaires et les toxines microbiennes. L’immunité humorale est une forme de protection qui peut être transférée d’individus immunisés à des individus naïfs via le sérum. Les vaccins utilisés présentement induisent la protection principalement en stimulant la production d’anticorps. Les principales fonctions effectrices d’une réponse humorale sont la neutralisation de microbes et de toxines (ne sera pas développée dans le cadre de cette thèse, car mécanisme non pertinent à S. suis) et, plus particulìèrement, l’opsonophagocytose via l’activation du complément et via la phagocytose médiée par les FcγR (191).

L’opsonisation se définit par l’action de « marquer » ou de recouvrir une particule afin de promouvoir sa phagocytose, alors que les opsonines (anticorps et/ou protéines du complément) sont les substances qui performent l’opsonisation (191).

3.7.1. Opsonisation médiée par les anticorps et phagocytose

En l’absence d’anticorps spécifiques, S. suis est hautement résistant à l’activité bactéricide/phagocytaire des phagocytes mononucléés (macrophages, monocytes et DCs) et des neutrophiles. Cependant, l’opsonisation par les anticorps, et plus particulièrement par les IgG, permettra d’engager les récepteurs Fc spécifiques pour les chaînes lourdes des IgG (nommés FcγR). Ces récepteurs sont exprimés par différentes populations de leucocytes : ceux qui sont principalement impliqués dans la phagocytose sont exprimés majoritairement par les macrophages et les neutrophiles. Tous les FcγR possèdent une chaîne α qui permet la liaison du ligand à son récepteur; les différences structurales pour cette chaîne α expliquent les différences de spécificité et d’affinité de chaque FcγR pour chaque sous-classe d’IgG. Ces récepteurs sont optimalement activés par des anticorps liés à leur antigène, et non pas par les anticorps libres en circulation. De plus, à l’exception de FcγRII, les chaînes α sont associées à des chaînes polypeptidiques permettant la transduction du signal (191, 218).

FcγRI est le FcγR majeur des phagocytes. Exprimés par les macrophages et les neutrophiles, celui-ci lie avec haute affinité les sous-classes d’IgG de type 1. Sa chaîne α est associée à une protéine de signalisation homodimèrique nommée chaîne γ des FcR. Cette chaîne γ possède une courte séquence N-terminale extracellulaire et une longue séquence C- terminale intracellulaire, incluant notamment un motif activateur homologue au « immunoreceptor tyrosine-based activation motif » (ITAM) qui permet de coupler l’aggrégation et le « cross-linking » des récepteurs (suite à l’engagement d’antigènes multivalents comme une bactérie opsonisée) à l’activation de protéines tyrosine kinases qui déclencheront les cascades de signalisation intracellulaires (191). Ces cascades de signalisation chez les leukocytes entraîneront la production de cytokines, de médiateurs inflammatoires et de produits microbicides (espèces réactives d’oxygène, oxyde nitrique et enzymes hydrolytiques), la mobilisation du cytosquelette menant à la phagocytose, l’exocytose des granules et la migration des cellules vers le site de l’infection (191, 218).

D’autres FcγR, commes les FcγRIIA, FcγRIIC, FcγRIIIA et FcγRIIIB humains, et les récepteur murins FcγRIII et FcγRIV, peuvent lier les différentes sous-classes d’IgG avec une affinité plus faible comparativement à FcγRI et permettent également d’activer les phagocytes grâce à leurs ITAM (218). De plus, autant chez l’humain que chez la souris, le FcγRIIB est un récepteur inhibiteur (motif intracellulaire « immunoreceptor tyrosine-based inhibition motif » [ITIM]) exprimé par les cellules myéloïdes (DCs, neutrophiles, macrophages et mastocytes) et les cellules B. Les sous-classes d’IgG murins ayant la meilleure affinité pour ce récepteur sont les IgG de type 2. Comme le FcγRIIB joue un rôle immunorégulateur, celui-ci ne sera pas discuté davantage dans le cadre de cette thèse (191, 218).

3.7.2. Activation du complément

En l’absence d’anticorps spécifiques, S. suis est hautement résistant au système du complément, notamment grâce à deux protéines permettant le recrutement du facteur H à sa surface, une protéine soluble inhibitrice du complément (221). Cependant, l’opsonisation par les anticorps, et plus particulièrement par les IgM et les sous-classes d’IgG de type 1, permet

également l’activation du complément par la voie classique. L’activation du complément par la voie alternative et la voie des lectines ne sera pas discutée davantage dans le cadre de cette thèse, puisque ces deux voies ne sont pas pertinentes à S. suis.

La voie classique est initiée par la liaison de la protéine du complément C1 aux régions Fc des IgM et IgGs qui sont liés à leur antigène. Tel que déjà mentionné, les sous-classes d’IgG de type 1 sont bien plus efficaces que les sous-classes de type 2 dans l’activation du complément. C1 est un large complexe protéique multimérique composé des sous-unités C1q, C1r et C1s : C1q lie l’anticorps, et C1r et C1s sont des protéases. La sous-unité C1q forme un arrangement radial de six chaînes (semblable à un parapluie), chacune possédant une tête globulaire. Cet hexamère est responsable de la reconnaissance moléculaire et lie spécifiquement les chaînes des régions Fc μ et certaines γ. Comme précédemment avec les récepteurs Fc, seulement les anticorps liés à leur antigène permettent l’activation de la voie classique du complément, la raison étant que chaque C1q doit lier au moins deux régions Fc. Dans le cas de l’IgG pour lequel qui la région Fc ne possède qu’un seul site de liaison à C1q, il faut qu’un minimum de deux régions Fc soit accessibles à C1q pour permettre l’activation du complément; ceci se produit seulement lorsque les anticorps lient un antigène multivalent, comme une CPS. Dans le cas de l’IgM libre en circulation, bien que celui-ci soit pentamérique (donc multiples régions Fc pour un seul anticorps), il se trouve dans une configuration (forme planaire) qui prévient la liaison à C1q. La liaison de l’IgM à son antigène induit un changement de conformation (forme d’agrafe) qui permet d’exposer les sites de liaison à C1q et permet ainsi la liaison. De plus, comme l’IgM est pentamérique, un seul IgM peut lier en même temps deux molécules de C1q, et c’est une des raisons pour lesquelles l’IgM est plus efficace que les IgGs dans l’activation du complément (191, 222).

C1r et C1s sont des sérines protéases qui forment un tétramère comprenant deux molécules de chaque sorte. La liaison d’un minimum de deux têtes globulaires de C1q aux régions Fc des anticorps mène à l’activation enzymatique de C1r, qui clive et active C1s. Activée, C1s clive la prochaine protéine du complément dans la cascade, soit C4, pour générer C4b. C4 étant homologue à C3, celle-ci va former un lien covalent avec soit le complexe

C4b permet de s’assurer que l’activation du complément se déroule au site de liaison des anticorps. La prochaine protéine du complément C2 forme alors un complexe avec C4b ancré à la surface et est clivé par une C1s adjacente pour générer un large fragment C2a qui demeure associé avec C4b. Le complexe résultant C4b2a est la C3 convertase de la voie classique du complément, ayant le rôle de lier et de cliver C3; la liaison à C3 est médiée par C4b et le clivage de C3 est effectué par C2a. Le clivage de C3 permet de générer C3b, et C3b forme des liens covalents avec la surface cellulaire adjacente ou à l’anticorps même. Une fois que C3b s’est déposé à la surface bactérienne, celui-ci peut lier le facteur B et générer de nouvelles C3 convertase via la voie alternative du complément, résultant ainsi en une boucle d’amplification. Ceci découle du fait qu’une seule C3 convertase entraîne le dépôt de centaines voire de milliers de molécules de C3b où le complément a été activé par un anticorps. Certaines des molécules C3b générées précédemment peuvent également s’associer avec la convertase et former le complexe C4b2a3b. Ce complexe sert alors de C5 convertase pour initier les étapes tardives de l’activation du complément qui mèneront à la formation du complexe d’attaque membranaire (191). Cependant, comme S. suis est une bactérie à Gram- positif, son épaisse couche de peptidoglycane prévient l’action bactéricide du complexe d’attaque membranaire (191, 222).

Enfin, pour mener à terme l’élimination de S. suis par opsonophagocytose suite à l’activation du complément, les bactéries opsonisées seront en mesure d’engager les récepteurs du complément. Le principal récepteur est le CR1, qui possède une forte affinité pour C3b et C4b (C3b > C4b) et est exprimé principalement par les cellules myéloïdes, notamment les neutrophiles, les monocytes, les macrophages et les lymphocytes T et B. Les phagocytes principalement utilisent CR1 pour lier et internaliser les particules opsonisées. La liaison de particules opsonisées par C3b et/ou C4b produit également des voies de signalisation intracellulaires permettant d’accroître les mécanismes microbicides des phagocytes, d’autant plus lorsqu’un FcγR est engagé simultanément (191, 222).