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II. REVUE DE LITTÉRATURE

1. Streptococcus suis

1.7. Facteurs de virulence

Afin de coloniser son hôte et causer une infection menant au développement de la maladie clinique, S. suis a développé une multitude de facteurs de virulence (42, 45). En effet, il y a eu un nombre croissant de publications portant sur l’étude des facteurs de virulence de S. suis dans les dernières années (63). Toutefois, bien que plusieurs d’entre eux ont été décrits comme étant « critiques » pour la virulence de la bactérie, les méthodes expérimentales employées pour l’étude des facteurs de virulence varient énormément entre laboratoires, autant pour les études in vitro que pour les études in vivo (63). Ainsi, il existe un manque de consensus et de rigueur scientifique, particulièrement en ce qui concerne ce qu’est un facteur de virulence et comment le déterminer (63). Notamment, la définition de ce qu’est un facteur de virulence reste ouverte à interprétation, puisqu’aucun barème n’a été établi. Entre autres, l’état clinique de l’hôte duquel la souche a été isolée, le modèle d’infection expérimentale in vivo utilisé, les études in vitro effectuées vont tous affecter cette définition (63). De plus, le choix de la souche, en raison de son bagage génétique, pourrait aussi influencer le résultat (63). Il est donc important de garder en tête que S. suis est un microorganisme hautement complexe et qu’il est difficile de le catégoriser selon la présence ou l’absence de facteurs de virulence décrits ou proposés.

1.7.1. La capsule polysaccharidique (rôle dans la pathogenèse)

La CPS est une couche structurée de polysaccharides que certaines bactéries sont capables de synthétiser et d’exporter à leur surface. La CPS de S. suis est l’un des facteurs de virulence les plus importants, selon les études réalisées avec le sérotype 2 (42, 67, 98). De plus, la classification de S. suis en différents sérotypes est basée sur l’antigénicité des CPS due à des différences de composition et de structure (28). Les aspects relatifs aux structures des

CPS de S. suis, aux gènes responsables de la synthèse des CPS et à leur biosynthèse seront décrits plus tard. Ici, nous allons surtout nous attarder au rôle important joué par la CPS dans la pathogenèse des infections à S. suis, comme celle-ci est le seul facteur de virulence de S. suis considéré comme étant critique (99).

1.7.1.1. Propriétés et fonctions

Le rôle de la CPS dans la virulence de S. suis sérotype 2 a été extensivement étudié dans les dernières années et plusieurs fonctions ont été attribuées à sa présence lors de l’infection, dont la modulation de l’adhésion et de l’invasion, un rôle anti-phagocytaire et un rôle immunomodulateur (42, 67, 68, 98, 100), Une étude récente avec le sérotype 14 a démontré que la présence de sa CPS est tout aussi importante pour sa pathogenèse (101). Ainsi, peu d’information est actuellement disponible sur le rôle de la CPS chez les autres sérotypes de S. suis.

1.7.1.2. Rôle dans la modulation de l’adhésion et de l’invasion

La CPS du sérotype 2 de S. suis a été décrite comme pouvant moduler l’adhésion et l’invasion aux cellules de l’hôte en interférant avec l’action des adhésines (42). En effet, l’absence de la CPS favorise l’adhésion aux cellules épithéliales et endothéliales et favorise également l’invasion des cellules épithéliales du larynx humain et des BMECs porcines (85, 102-104). Ainsi, étant donné que l’adhésion aux cellules figure parmi les premières interactions hôte-pathogène et qu’elle est cruciale à la colonisation, l’expression de la CPS pourrait nuire à celle-ci (45). Tel que mentionné précédemment, S. suis pourrait moduler à la baisse l’expression de sa CPS afin de favoriser le contact entre ses adhésines à la surface cellulaire lors de la colonisation (45).

1.7.1.3. Propriétés anti-phagocytaires

La CPS est d’abord et avant tout un facteur anti-phagocytaire qui permet aux sérotypes 2 et 14 d’éviter les premières lignes de défense immunitaire de l’hôte, c’est-à-dire les cellules

phagocytaires de la réponse immunitaire innée, dont les macrophages, les DCs et les neutrophiles (42, 101). En effet, la CPS du sérotype 2 inhibe spécifiquement la transduction des signaux intracellulaires nécessaires à la phagocytose chez les macrophages (72). De plus, lorsque S. suis entre en contact avec les macrophages, sa CPS permet de déstabiliser les microdomaines lipidiques, ce qui prévient sa reconnaissance et sa phagocytose (105). La présence de CPS interfère également dans la phagocytose et le « killing » par les DCs murines et porcines et par les neutrophiles porcins (65, 66, 106, 107). Cette propriété que confère la présence de la CPS, du moins aux sérotypes 2 et 14, est cruciale pour leur virulence. En son absence, S. suis est incapable de résister au « killing » par les leucocytes sanguins et est rapidement éliminé de la circulation sanguine (67, 68). De plus, la présence de la CPS du sérotype 2 interfère dans le dépôt du complément à la surface bactérienne, prévenant l’opsonophagocytose en absence d’anticorps spécifiques (65, 66, 107).

Bien que les études sur le rôle de la CPS se sont concentrées sur les souches du sérotype 2, et moindrement sur le sérotype 14, une étude in vitro a démontré qu’une souche de sérotype 1 est moins internalisée par les DCs humaines dérivées de monocytes que des souches des sérotypes 2, 7 et 14, alors que les souches pour les sérotypes 4 et 9 sont plus internalisées (108). Ainsi, il est possible que la composition de la CPS puisse influencer les propriétés anti-phagocytaires de celle-ci. Cependant, d’autres facteurs tels que l’épaisseur de la CPS et le bagage génétique (génome et protéome) pourraient également influencer les propriétés anti-phagocytaires des souches à l’étude (108).

1.7.1.4. Immunomodulation

La CPS participe également dans la modulation de la réponse inflammatoire (42). En effet, la présence de CPS permet de masquer la surface bactérienne, incluant les composés sous-capsulaires ayant des propriétés immunostimulatrices (42). Des tests in vitro avec différents types cellulaires, dont les DCs et les macrophages, ont permis de démontrer qu’un mutant non encapsulé de S. suis sérotype 2 induit davantage l’expression de cytokines pro- inflammatoires comparativement à la souche sauvage encapsulée, telles que le TNF, l’IL-6, I’IL-12p70 et le CXCL1 (73, 107, 109). Cependant, aucune information n’était disponible au

début de ces travaux sur la capacité des CPS de S. suis à influencer directement la réponse immunitaire, soit par immunostimulation ou immunomodulation,

1.7.2. Les marqueurs de virulence classiques

1.7.2.1. La suilysine

S. suis sécrète une panoplie de composés, dont une toxine hémolytique nommée suilysine. Avec une taille de 54 kDa, celle-ci appartient au groupe de toxines cytolytiques liant le cholestérol de la membrane cellulaire eucaryote (110). Cette toxine n’est cependant pas retrouvée chez tous les sérotypes de S. suis. La SLY est similaire à la pneumolysine de S. pneumoniae, à l’exception que cette dernière n’est pas sécrétée contrairement à la toxine de S. suis. La SLY se rapproche également de la streptolysine O du streptocoque du groupe A, la listeriolysine de L. monocytogenes et la perfringolysine de Clostridium perfringens (111). Ces toxines, de même que la SLY, sont caractérisées par une perte d’activité et un regain de celle- ci, suite à l’oxydation et à la réduction, respectivement. De plus, elles sont inhibées par de faibles quantités de cholestérol et sont responsables de la formation de pores transmembranaires (112, 113).

Tout comme n’importe quel autre facteur de virulence putatif, le rôle de la SLY dans la pathogenèse de l’infection causée par S. suis a été investigué, mais reste tout de même nébuleux (114). La SLY est toxique pour les cellules endothéliales et épithéliales de même que pour les neutrophiles, les monocytes et les macrophages (65, 71, 104, 115, 116). De plus, la SLY induit la production de médiateurs pro-inflammatoires par les BMECs humaines et porcines, les cellules mononuclées du sang porcin, les macrophages alvéolaires porcins et les DCs murines (85, 107, 117-120). Elle induit également une régulation à la hausse des molécules adhésives des monocytes humains et est impliquée dans la sécrétion de l’acide arachidonique, précurseur des prostaglandines et des leukotriènes, par les cellules endothéliales humaines (121, 122). Finalement, la SLY contribue à la résistance contre l’opsonophagocytose en l’absence d’anticorps spécifiques par les DCs murines (107).

In vivo, le rôle de cette toxine reste controversé. En effet, aucune mortalité n’a été observée chez des souris infectées avec le surnageant d’une culture d’une souche sécrétant de la SLY (123). Toutefois, un mutant déficient pour la SLY est avirulent dans un modèle murin, mais ne démontre qu’une virulence légèrement réduite lors de l’infection systémique chez le porc (123). Enfin, lors d’une étude de challenge chez le porc, la souche mutante a induit une maladie similaire à celle de la souche-mère (120). Il est donc difficile de considérer cette toxine en tant que facteur de virulence critique, compte tenu de la variation obtenue dans les différentes études.

1.7.2.2. Le facteur extracellulaire et la « muraminidase-released protein »

Ces deux protéines ont été parmi les premiers facteurs de virulence putatifs décrits pour S. suis sérotype 2 (124). La « muraminidase-released protein » est une protéine de 136 kDa ancrée dans la paroi cellulaire par un motif LPXTG, mais qui peut être relâchée dans le surnageant lors de la croissance bactérienne (9, 124). Au contraire, le facteur extracellulaire, codé par le gène epf, est une protéine de 110 kDa présente seulement dans le surnageant des cultures bactériennes (9, 124). Les souches de S. suis sérotype 2 de phénotype MRP+EF+ sont associées à des infections plus sévères chez le porc (125, 126). Par contre, lorsque des mutants isogéniques pour MRP et EF ont été inoculés chez des porcelets, leur virulence était égale à celle des souches-mères (127). Une étude récente a démontré que parmi les souches nord-américaines de S. suis sérotype 2, les phénotypes les plus communs sont MRP−EF−SLY− à 44% et MRP+EF−SLY− à 51%, correspondant aux ST25 et ST28, respectivement (39). Cependant, étant donné que les rôles spécifiques de la MRP et EF dans la pathogenèse de S. suis n’ont pas été clarifiés, ces protéines devraient être seulement considérées comme étant des marqueurs associés à la virulence (39).

1.7.3. Autres facteurs

En plus des facteurs décrits plus haut, plusieurs centaines d’autres facteurs de virulence confirmés ou putatifs ont été décrits pour S. suis, en particulier pour le sérotype 2 (42, 45, 63). La Figure 1 ci-dessous résume ces différents facteurs selon les fonctions biologiques

rapportées pour la plupart de ceux-ci, mais elle ne se veut pas exhaustive. Parmi tous ces facteurs rapportés, une grande majorité n’ont pas été caractérisés à l’aide de méthodes appropriées pour clairement établir leur rôle dans la pathogenèse de S. suis (99). À titre d’exemple, pour tous les facteurs impliqués dans le métabolisme bactérien, plusieurs études ne font pas la distinction entre le « fitness » bactérien et un potentiel rôle dans la virulence. Un second exemple est que plusieurs de ces facteurs n’ont été rapportés que pour une seule souche, et le degré de conservation parmi toutes les souches de S. suis d’un facteur demeure inconnu.

Figure 11. Principales fonctions biologiques rapportées pour les autres facteurs de

virulence de S. suis.

Préparée à partir des données de (99).