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La Tunisie, l'Égypte, le Sénégal, se lancent dans la course

Dans le document La division capitaliste du travail (Page 138-140)

L'évolution de la division spatiale du travail

7.7. Une nouvelle phase de l'impérialisme 1 Les études sur l'impérialisme

7.7.3. La Tunisie, l'Égypte, le Sénégal, se lancent dans la course

La Tunisie rejetant les orientations socialisantes de son ancien ministre de l'économie, M. Ben Salah, a décidé de se lancer dans la course aux investissements étrangers par la loi du 27 avril 1972, en leur offrant un véritable paradis fiscal. Elle se heurte en effet comme tous les pays maghrébins à un très grave problème d'emploi. Sa croissance dé- mographique est de l'ordre de 2,6 à 2,8 % par an. Au cours du 4e plan (1973-1976), la population en âge d'activité (15 à 64 ans) doit s'accroître de 384.000 individus. Escomp- tant que 46.000 d'entre eux poursuivront leurs études et que 20 % seulement des fem- mes chercheront un emploi, le gouvernement estime que la demande effective d'emplois supplémentaires sera de 198.000. Sur ces bases très optimistes et estimant qu'il n'y aura pas de diminution d'emploi dans l'agriculture (hypothèse également audacieuse), le Plan prévoit que 118.700 demandes seront satisfaites et que l'on enregistrera un déficit de 79.000 emplois. D'ici à 198, l'augmentation du nombre des personnes en âge d'activité sera de 1.000.000 et la demande effective d'emplois de 500.000.

Face à de telles perspectives, le gouvernement tunisien a décidé que l'objectif priori- taire était le plein emploi, à n'importe quel prix, fut-ce en abdiquant toute souveraineté. Il offre en effet pratiquement la création de zones franches en n'importe quel point de son territoire, aux entreprises exportatrices. Ces entreprises peuvent importer librement les matières et machines nécessaires à leur production et effectuer tous transferts affé- rents à leur production ainsi qu'aux distributions de dividendes revenant aux associés non résidents. Les « entreprises non-résidentes », c'est-à-dire celles dont le capital est détenu à 66 % par des non-résidents ne sont pas tenues de rapatrier les produits de leurs exportations, prestations de services et revenus.

Les investisseurs étrangers sont exonérés d'impôt sur les bénéfices, pendant dix ans, et assujettis à cet impôt au taux réduit de 10 % pendant les dix années suivantes. Pen- dant vingt ans, ces mêmes entreprises sont exonérées de tous droits et taxes ainsi que de l'impôt sur les revenus des valeurs mobilières à raison des emprunts contractés pour la formation de l'investissement ou de son extension. Les revenus provenant des bénéfices

distribués sont imposés au taux réduit de 6 à 8 %. Les résultats ne se sont pas fait atten- dre. Aux dires du ministre du Plan, Mansour Moalla, lors des trois journées d'informa- tion organisées pour le patronat français les 6, 7 et 8 mars 1974 1, le nombre de créations d'emplois a été en 1973 de 31.547 au lieu des 10.200 prévus.

De son côté, le C.N.P.F. fait de gros efforts pour que les entreprises françaises inves- tissent en Tunisie. Pourquoi? Les raisons en sont, selon lui, les suivantes : les salaires sont six à sept fois moins élevés qu'en Europe ; la paix sociale y règne et le gouverne- ment « politiquement sûr » s'en fait le garant ; les avantages fiscaux sont considérables ; les Japonais, les Hollandais, les Allemands et les Italiens, plus rapides que les indus- triels français, s'installent en Tunisie et vont concurrencer efficacement leurs produits s'ils ne font rien, la France est d’ores et déjà tombée au 5e rang des investisseurs, avec moins de 10 % du montant total des investissements étrangers ; la Tunisie peut à terme devenir un point de départ pour conquérir le futur marché de 200.000 millions de mag- hrebins sortis d'une économie d'auto-subsistance.

Les efforts d'information, tant du gouvernement tunisien que du CNPF, font qu'à l'heure actuelle 29 projets d'implantations industrielles françaises sont à l'étude : 9 dans le secteur du textile et de la confection, 8 dans le secteur de la chaussure et du cuir, 4 dans le secteur de la mécanique, de la construction électrique et électronique, 3 dans le secteur de la chimie et de la parachimie. Les secteurs de la chaussure, du cuir et de la confection sont des secteurs encore peu mécanisés et automatisés et où souvent une qua- lification est requise de la part de la main-d'oeuvre. Il se trouve qu'il existe en Tunisie, dans ces domaines, un artisanat développé et une main-d'oeuvre compétente dans la- quelle les investisseurs étrangers peuvent puiser à peu de frais les ouvriers qualifiés dont ils ont besoin. Mais tous les autres secteurs requièrent essentiellement, au stade de la décomposition du travail où ils sont parvenus, de la force de travail simple.

Le gouvernement sénégalais, conscient de la surenchère que se livrent les pays pau- périsés pour attirer des capitaux étrangers et du risque d'arriver trop tard, vient de déci- der la création d'une zone franche industrielle à M'Bao, au bord de l'océan, qui sera via- bilisée fin 1974. Le ministre du développement industriel déclarait fin 1973: « Un point mérite grande attention, c'est la nécessité de décider très rapidement. De multiples pro- jets semblables aux nôtres sont dans l'air, et dans ce domaine, il est indispensable de démarrer le premier 2 ». Les entreprises qui s'installeront jouiront d'une main-d'oeuvre plus coûteuse que celle d'Asie, mais plus proche de l'Europe et d'un climat social « favo- rable ». Elles bénéficieront du statut privilégié de la zone franche pendant au moins 25 ans. Ce statut comprend: l'exemption fiscale totale, l'achat et la vente des matières pre- mières et des produits manufacturés hors de tous droits et taxes, de tarifs préférentiels pour l'eau, l'électricité, le pétrole et les transports, des aides à la formation, des crédits d'installation, et une administration de la zone franche autonome de l'administration de l'État! Les pays dont l'économie traditionnelle a été ruinée par le colonialisme et la concurrence des produits capitalistes sont amenés maintenant à faire des cadeaux royaux aux grandes sociétés capitalistes pour qu'elles leur offrent quelques emplois.

1 Le Patronat, « Investir en Tunisie », n° 349, mai 1974, p. 52.

2 Jacqueline Grapin « Pour attirer les investissements étrangers, le Sénégal s'apprête à instituer

7.7.4. ... et même des pays d'Europe...

Un des premiers pays à avoir été paupérisé par la concurrence du capitalisme naissant, l'Irlande en est à pratiquer la même politique que la Malaisie ou la Tunisie 1 . Elle offre aux investisseurs étrangers sa main-d'oeuvre abondante, sous-employée (elle a le taux de chômage le plus élevé de la CEE, et près de la moitié de sa population active est oc- cupée par l'agriculture), la moins coûteuse et la plus pauvre de la CEE. À proximité des grands centres urbains et industriels de l'Europe, une telle force de travail est séduisante. L’Irlande consent des subventions à fonds perdus pouvant atteindre 50 % des coûts d'équipements, des subventions pour la formation de la main-d'oeuvre et pendant 15 ans l'exemption fiscale sur les bénéfices provenant de la vente des produits exportés.

Il s'agit clairement d'attirer des industries dont on sait qu'elles produiront pour le marché extérieur et qui ne tireront avantage de la localisation en Irlande que de la seule main-d'oeuvre. Sur les 732 entreprises industrielles qui ont été créées depuis dix ans, 500 sont d'origine étrangère. Sur les 14.000 emplois nouveaux créés en 1973, 56 % sont fournis par des firmes étrangères. La production industrielle progresse de 9 % par an. Et pour la première fois depuis des siècles, l'émigration irlandaise a cessé. On a vu récem- ment apparaître une publicité dans les journaux français à l'adresse des industriels « Si vous avez le produit, nous avons la main-d'oeuvre », signée de l'office irlandais.

Le gouvernement social-démocrate de Suède, préoccupé par la politique d'investis- sement à l'étranger, des sociétés industrielles suédoises qui sont les plus multinationales du monde (22 % de leurs investissements ont été effectués hors de Suède en 1970, contre 20 % pour les États-Unis) a multiplié les enquêtes. Une des plus significatives montre qu'entre 1965 et 1970, une cinquantaine de sociétés de confection suédoises ont créé des unités de production au Portugal représentant 10 % des investissements étran- gers dans ce pays. L'enquête révèle que la quasi-totalité de la production de ces usines est exportée vers la Suède, constituant 15 % des importations suédoises de vêtements 2! Entre 1965 et 1970, le nombre de salariés des filiales étrangères des firmes suédoises a augmenté de 24 % alors qu'il ne progressait que de 6 % dans les sociétés-mères, et que le nombre d'emplois industriels baissait de 2 % en Suède.

7.7.8. Les conséquences de la nouvelle phase de l'aménagement capitaliste de

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