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Les conséquences du rapprochement des conditions de travail des travailleurs productifs et improductifs

Dans le document La division capitaliste du travail (Page 74-78)

de la partie manuelle et de la partie intellectuelle du travail s'étend aux travailleurs improductifs

3.5. Les conséquences du rapprochement des conditions de travail des travailleurs productifs et improductifs

C'est maintenant devenu une banalité de rapprocher le travail de l'O.S. de l'usine et le travail de l'O.S. des bureaux, depuis que des grèves récentes d'employées des banques et des Chèques postaux ont fait apparaître au grand jour à quel point le travail de bureau est devenu répétitif, monotone, et vide de sens pour celui qui l'exécute. La fréquence de grèves communes aux ouvriers et aux employés d'une même entreprise, ou pour le moins d'un soutien réciproque et réel, la constatation faite par tous que les uns et les au-

tres sont pris dans un mouvement similaire de « déqualification-surqualification» confirme aux yeux de tous la communauté de destin des uns et des autres.

Si des origines sociales différentes, le prestige d'un niveau scolaire plus élevé, des « privilèges » plus importants (mensualisation, sécurité plus grande de l'emploi...), des perspectives de promotion sociale plus sûres, ont pu constituer des barrières efficaces entre ouvriers et employés, il n'en est plus de même aujourd'hui en raison de l'accéléra- tion de la «déqualification-surqualification» des activités improductives : égalisation des niveaux scolaires et des « privilèges » avec les ouvriers, plus grande insécurité de l'em- ploi, etc. En voulant enlever aux travailleurs productifs et improductifs l'autonomie par- tielle qu'ils avaient dans leur travail et qui leur conférait encore un certain pouvoir, le capital, se place dans une contradiction, car du même coup il accroît les bases de l'al- liance des travailleurs contre lui, contre le fait qu'il échappe à leur contrôle.

Comment le capital peut-il gérer cette contradiction ou essayer de la dépasser? Cer- tains diront: en automatisant encore plus vite. Ce qui permettrait, selon eux, de suppri- mer tout le travail répétitif. Nous avons déjà montré précédemment qu'il n'en est rien. Des solutions réelles, mais momentanées, existent : par exemple, reporter dans les ré- gions ou pays à main-d'oeuvre paupérisée et sans «qualification» les emplois déquali- fiés. Nous étudierons dans la deuxième partie de ce rapport, plus en détail ce mouve- ment de division spatiale du travail, actuellement en cours.

De l'analyse de l'évolution de la division du travail improductif, une autre conclusion doit être tirée : la société « tertiaire » n'existera pas. Elle n'existera pas pour deux rai- sons. D'abord, parce qu'on a classé parmi les activités tertiaires des activités qui n'ont rien d'improductives bien que s'effectuant dans des bureaux: travail de conception et de mise au point, bureau d'études et de conseils... (mais ce n'est pas le lieu de développer ce point). Ensuite, parce que les gains de « productivité » s'annoncent très importants dans les activités improductives au point qu'aux Etats-Unis, considérés comme le proto- type de la société « tertiaire » de demain, on constate une stagnation de la part relative des emplois administratifs dans les entreprises, malgré le fort accroissement de la pro- duction. Dans les industries manufacturières, les emplois salariés administratifs et de direction représentent 26 % des emplois salariés totaux depuis 1961, sans que l'on n'en- registre de variations significatives depuis.

Pierre Lhermitte notait déjà dans son rapport au Conseil Économique et Social, utili- sant des statistiques antérieures à 1960, : « Jusqu'à présent, il n'a pas été noté dans ce pays de tendance à la diminution des emplois administratifs. Les effectifs d'employés continuent à croître chaque année, toutefois, le taux de croissance moyen qui était de 4,5 % par an de 1940 à 1950 a sensiblement diminué au cours de la décennie suivante. 3,1 % par an de 1950 à 1960; il serait de l'ordre de 1,5 % par an pour ces dernières années [...]. Or, aux États-Unis, l'introduction de l'automatisation dans les tâches ad- ministratives ne date que des années récentes. Le phénomène discerné de 1950 à 1960 a donc en réalité pour cause la seule mécanisation, beaucoup plus généralisée qu'en France, et la réorganisation des emplois de bureau qu'elle provoque 1 ».

Son raisonnement est confirmé par les statistiques récentes. Durant la décennie 1960-1970, le taux de croissance des emplois salariés administratifs et de direction est tombé à + 1,6 % par an, et depuis 1969 le taux a été: négatif entre 1969-1970 et 1970-1971, et nul en 1971 et 1972, alors que les emplois ouvriers augmentaient de 3 %.

ANNEXE

L'organisation de la production à la Régie nationale des usines Renault 1.

Dans l'organisation de la production à la RNUR, les deux chaînes: usinage et montage, tout en dépendant l'une de l'autre, sont « séparées ». La chaîne « usinage », compte tenu du délai obligatoire de fabrication, ne peut se concevoir qu'à partir de prévisions de ven- tes à trois ou quatre mois, tandis que la chaîne « montage » dépend directement des commandes réelles de véhicules chez les concessionnaires.

1. Les prévisions globales. Une conférence programme, qui réunit autour du prési- dent-directeur général la direction générale des fabrications (DGF), la direction com- merciale, la direction de la comptabilité et du budget et la direction du personnel, a lieu au début de chaque mois et détermine globalement les grandes lignes prévisionnelles de montage. Ces prévisions sont précisées par le tableau des cadences qui donne, pour les quatre mois à venir, les cadences journalières de véhicules à monter, par type de véhi- cule et par usine de montage.

Le bureau central des fabrications (bureau d'ordonnancement et de planning), en ac- cord avec le bureau central commercial, compte tenu de la demande des services com- merciaux et du nombre de véhicules à monter mois par mois donné par le tableau des cadences, établit alors, dans un tableau détaillé d'équipements, les prévisions de mon- tage pour quatre mois, par type de véhicule, par pays et par version (toit normal ou ou- vrant...). Ces prévisions concernant le premier mois à venir sont fermes, les autres peu- vent être révisées.

2. La fabrication des pièces et des organes. Un premier traitement ordinateur, appelé « lancement-avancement » donne alors, par mois et pour quatre mois: la quantité de piè- ces à réaliser à chacun des stades de fabrication ;le total des temps alloués, utilisé pour le calcul des effectifs; l'engagement par types de machines; le poids total, par référence matière, à l'intention du service des achats.

Un deuxième traitement ordinateur indique: tous les jours, à partir de la liste des quantités de pièces fabriquées, relevées en usine, un état par usine des anomalies par rapport au programme prévu (le traitement s'effectue la nuit et les usines reçoivent ces états tous les matins); toutes les semaines, la liste des pièces avec « l'en cours » à chaque niveau de fabrication et la quantité à fabriquer pendant la semaine suivante; tous les mois, divers documents statistiques.

3. Le montage des véhicules. Les commandes enregistrées chez les concessionnaires sont transmises toutes les semaines par la direction commerciale et l'ordinateur calcule, à partir de ces éléments, un programme hebdomadaire de montage. Comme dans le cas de la fabrication, d'autres traitements ordinateurs permettent l'établissement d'états pé- riodiques.

Tous les jours: compte tenu de la situation des véhicules montés et des pièces exis- tant dans les ateliers de montage, un traitement « avancement » donne aux usines de

montage la liste des véhicules montés et ceux restant à fabriquer, journée par journée; un traitement « inventaire permanent des pièces » donne la liste des anomalies, c'est-à-dire des pièces dont la position est jugée critique; à partir des livraisons quoti- diennes, des sorties de fabrication du jour et des stocks de la veille, un traitement « ges- tion des stocks » permet une gestion automatique des stocks. Enfin, chaque jour, l'ordi- nateur édite également la facture qui est adressée à la direction commerciale intéressée et assure l'enregistrement comptable. Cette organisation de la chaîne « montage » per- mettait la livraison du véhicule trois semaines environ après l'enregistrement de la commande client. Elle est actuellement en cours de modification: en particulier, la de- mande de véhicules sera désormais centralisée tous les jours et non toutes les semaines, ce qui permettra l'établissement d'un programme montage quotidien et réduira à douze jours environ le délai qui sépare la commande d'un véhicule déterminé de sa livraison.

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Le passage d'un stade à un autre de la division du travail

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