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C'est à partir du moment où tout ou partie de certaines productions a pu être réalisé par de la main-d'oeuvre sans qualification que l'industrialisation des ré-

Dans le document La division capitaliste du travail (Page 118-123)

L'évolution de la division spatiale du travail

7.3. C'est à partir du moment où tout ou partie de certaines productions a pu être réalisé par de la main-d'oeuvre sans qualification que l'industrialisation des ré-

gions rurales a été non seulement possible mais nécessaire pour assurer au capital au moins le maintien de son taux de profit

Après la phase de reconstruction et de redémarrage hâtif de la production à la fin de la guerre, les entreprises de certaines branches d'industries ont « modernisé » leurs instal- lations à partir des années 1954-1955, opération facilitée par l'expansion de la produc- tion. Ces entreprises appartiennent en général à des branches dont le marché est en plein développement, devient rapidement international et fortement concurrentiel : comme l'industrie automobile, exemple typique, mais aussi comme la construction électrique, l'électro-ménager, etc. La « modernisation » de leurs installations a été rendue néces- saire, non seulement en raison de la concurrence, mais aussi en raison de la pression de plus en plus vive des ouvriers professionnels. La pénurie de main-d'oeuvre qualifiée contraignait à des augmentations de salaire. La relative autonomie des professionnels dans l'organisation de leur travail, leur forte syndicalisation, leur tradition de lutte ren-

tement concentrées en Région parisienne 1 , les entreprises, voulant se moderniser et

changer de méthodes de production, ont été confrontées à deux séries de problèmes: trouver de la main-d'oeuvre sans qualification, maintenir leur taux de profit sur longue période.

7.3.1. Trouver de la main-d'oeuvre sans qualification

Il n'était pas possible de réduire brutalement les ouvriers professionnels à des O.S. De plus, cela n'était pas nécessaire. L'extension du marché, et partant de la production, était telle que les ouvriers professionnels de fabrication pouvaient progressivement être mu- tés dans les ateliers d'entretien, de prototypes, à des postes de régleurs ou de maîtrise ou promus techniciens. Les postes de travail déqualifié à la fabrication pouvaient être oc- cupés par des ouvriers sans qualification, à condition de pouvoir les trouver. Or ils fai- saient défaut en région parisienne.

Les jeunes arrivant sur le marché du travail avaient généralement un diplôme et cher- chaient un emploi correspondant. Les provinciaux venant à Paris ne grossissaient que faiblement la masse des travailleurs sans qualification. Ils avaient le plus souvent un métier ou une qualification. Les femmes qui cherchaient un travail salarié occupaient en grande majorité des emplois de bureaux ou du commerce. Il n'y avait donc comme source abondante et aisément utilisable que les travailleurs immigrés. Et les industriels parisiens n’ont pas manqué d’y recourir. En 1968, 36,5 % des actifs étrangers immigrés en France travaillaient dans la région parisienne. Au 31/12/71, 62,0 % des O.S. de Re- nault-Billancourt sont des immigrés.

Mais, nous avons vu, dans le chapitre précédent, que l'accroissement de leur nombre a fini par poser des problèmes, limitant les « avantages » que présente cette main-d'oeuvre. Si pendant un temps les responsables patronaux et politiques ont pu ignorer, dans les faits, leurs conditions de travail et de vie, il leur faut maintenant concéder des salaires plus élevés (cf. la grève du département 12 à Renault-Billancourt), accorder les mêmes avantages sociaux et les mêmes droits syndicaux qu'aux travailleurs français, etc. L'intérêt d'implanter en province les usines à travail déqualifié est devenu de plus en plus évident. La main-d'oeuvre y est moins chère que dans la région pari- sienne. Elle peut pratiquer de plus l'autoconsommation, elle dispose de revenus se- condaires. Elle est déjà logée. Elle est jeune et laborieuse. Le sous-emploi est tel que les travailleurs ont peu de moyens pour exiger plus. Il n'y a pas d'organisation syndicale au départ. Plusieurs années de tranquillité sont presque garanties. Il a fallu plus de huit an- nées pour qu'éclate une grève au Joint-Français à St-Brieuc, alors que les salaires y ont toujours été particulièrement bas.

La main-d'oeuvre est dispersée, donc a plus de difficultés à s'organiser. Les ouvriers de la Saviem de Caen habitent dans un rayon de 50 km. Ils sont répartis dans plus de 260 communes. Le prix de la force de travail, payé sous forme directe ou indirecte, est nettement moins élevé dans les régions à dominante rurale qu'en région parisienne.

1 En 1954, par exemple, 57,3 % des emplois de la construction électrique sont localisés en ré-

On peut alors offrir aux quelques cadres nécessaires localement un niveau de salaire et des avantages qui les décident à partir de la région parisienne. Les jeunes cadres y voient une possibilité de «donner plus aisément leur mesure » et d'accroître leur chance de promotion. Les cadres techniques et ingénieurs dont la présence continue n'est pas indispensable, font de fréquents allers et retours réalisables dans la journée. D'ailleurs avec le développement universitaire, il est possible de trouver de plus en plus des di- plômés supérieurs en province (qui de plus sont moins exigeants que ceux de Paris). Quelques stages à l'usine-mère et des séminaires de recyclage suffisent à ce qu'ils soient aptes au travail précis qu'on leur demande. Dès lors, il suffit de concentrer dans la ré- gion parisienne le travail ouvrier qui n'a pu être encore déqualifié, ainsi que toutes les activités de conception ou presque.

7.3.2. Maintenir à moyen terme un taux de profit au moins égal au taux de profit moyen

Le taux de profit que réalise un chef d'entreprise qui « modernise » ses installations dé- pend de deux mouvements opposés : la plus-value extra et la baisse tendancielle du taux de profit.

Une marchandise est tendanciellement vendue à sa valeur sociale, déterminée par le temps de travail moyen nécessaire pour la produire dans toutes les entreprises qui la fa- briquent. Si un chef d'entreprise, grâce à de nouveaux procédés, peut la faire produire en moins de temps que les autres, il va cependant continuer à la vendre à la valeur sociale ou légèrement en dessous, et non à sa valeur individuelle réelle. Et cela, d'autant plus, si entre-temps le marché est devenu plus large. Il réalise donc une plus-value extra. En vendant un peu au-dessous de la valeur sociale, mais au-dessus de la valeur individuelle, non seulement il réalise une plus-value extra (donc l'accumulation de son capital est plus importante), mais aussi il concurrence directement les entreprises qui continuent à fabriquer la même marchandise avec d'anciens procédés. Il vend, non seulement avec une marge plus grande, mais il vend plus et plus vite. En réalisant plus rapidement la valeur de sa production croissante, il reconstitue son capital argent plus vite et sur une base plus large qu'avant. Le taux et la masse de plus-value augmentent. Il dispose de conditions favorables à une nouvelle extension de sa production au détriment des autres capitalistes et des petits producteurs indépendants qui, s'ils n'ont pas réuni les capitaux nécessaires à une élévation de leur productivité, ont des difficultés croissantes pour ven- dre. Cette situation privilégiée pour l’entrepreneur « modernisateur » se perpétue tant qu'un autre chef d'entreprise ne réalise pas des gains de productivité égaux ou supé- rieurs.

Mais toute modernisation suppose des investissements de plus en plus importants. En remplaçant des hommes par des machines, en substituant du travail mort à du travail vivant, la productivité augmente, mais aussi la masse et la proportion de capital immo- bilisé (sous forme de machines, bâtiments, matières premières...) par rapport au total du capital en fonctionnement. Si la quantité de surtravail fournie par les travailleurs grâce à la mécanisation ou l’automatisation est plus importante, elle diminue cependant relati- vement au capital nécessaire pour l'obtenir. La part du capital constant augmente par rapport au capital variable.

La rentabilité d'un capital, son taux de profit, se calcule, bien sûr, par rapport à l'en- semble du capital engagé. La plus-value produite est rapportée au capital total: comme la part relative du capital utilisé pour acheter la force de travail, qui, elle, va fournir le surtravail, diminue au profit du capital consacré à l'achat de machines, le rapport de la plus-value produite au capital total engagé, c'est-à-dire le taux de profit, tend à baisser.

Le développement de la productivité du travail sur le mode capitaliste a pour consé- quence d'élever le taux et la masse de la plus-value, mais d'abaisser le taux de profit, bien que la masse des profits augmente en raison de la masse croissante de capital qui cherche à être mis en valeur. L'immobilisation de capital est en effet d'autant plus grande que le procès de production a été plus décomposé. Lorsqu'un ouvrier réalise seul le produit en son entier, il suffit pour accroître la production de trouver le capital néces- saire pour acheter la force de travail d'un second ouvrier capable de faire la même chose. Sitôt que le procès de production est décomposé, l'accroissement de la produc- tion ne peut s'effectuer qu'en achetant la série de machines nécessaires pour réaliser les différentes phases de la transformation du produit, et en payant tous les ouvriers néces- saires à l'alimentation et à l'entretien de ces machines. C'est dire que l'augmentation de la production ne peut se faire que par bond, et donc qu'en centralisant et immobilisant une plus grande masse de capital, donc en réduisant le taux de profit tendanciellement.

La plus-value extra n'ayant qu'un temps, le capital doit constamment trouver des moyens nouveaux pour lutter contre la baisse tendancielle du taux de profit inhérente au procès de division capitaliste du travail. L'hypothèse que nous formulons est que la lo- calisation en province du travail déqualifié pouvant être effectué par la main-d'oeuvre locale moins coûteuse, constitue un des moyens les plus efficaces à l'heure actuelle pour lutter contre cette baisse tendancielle. C'est pourquoi la décentralisation est non seule- ment devenue possible, mais nécessaire.

7.4. L'exemple de la Régie Nationale des Usines Renault

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