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Chapitre 3: Etude expérimentale du rôle de la spéciation du soufre (organique et

2. Matériels et méthodes

2.2. TSR en micro-capillaire de silice

2.2.1. Choix des systèmes expérimentaux

Le but de cette étude est d’observer in-situ le comportement du soufre entre une phase aqueuse et d’une phase hydrocarbonée. Pour cela il est nécessaire d’avoir un matériau transparent à la fois à l’œil et à la spectrométrie Raman et Infrarouge, et ce à la fois pour le contenant et pour le contenu. En tant que contenant, les micro-capillaires de silice (Fused Silica Capillaries Capsules, FSCC) de la marque Polymicro Technologies, LCC, d’un diamètre interne de 100 et 200 μm et d’un diamètre externe de 360 μm (Fig. 29), satisfont les trois critères. Pour le contenu, la phase aqueuse ne pose pas de problème pour chacun des

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trois critères. Tandis que la phase hydrocarbonée entraine souvent un phénomène de fluorescence lors d’analyses par spectrométrie Raman (Dubessy et al., 2012 ; Panczer et al., 2012 et références incluses). L’octane a donc été préférentiellement choisi car il est l’un des rares hydrocarbures qui n’induit pas de phénomène de fluorescence lors d’analyses par spectrométrie Raman.

Figure 29: Capillaire de silice présentant une phase gazeuse (au centre) et une phase aqueuse à chaque extrémité (d’après Caumon et al., 2013).

Chaque solution aqueuse utilisée a été choisie pour permettre la formation de l’ion radicalaire S3- et l’initiation de la TSR. Ce choix s’est basé sur les résultats obtenus par Truche et al. (2014) qui ont montré qu’un mélange sulfate-sulfure induit systématiquement la formation du trisulfure à température >150°C. C’est pourquoi deux systèmes permettant de générer simplement ces deux valences du soufre ont été utilisés. Le premier consiste au couplage entre une solution de sulfate de sodium (Na2SO4) à du soufre natif solide qui se dissocie en phase aqueuse en une molécule de sulfate et trois molécules de sulfure d’hydrogène à température >150°C (Robinson, 1973) d’après la réaction suivante :

4 S(s) + 4 H2O = 2H+ + SO42- + 3 H2S(aq) (3).

Le second système consiste en une solution de thiosulfate de sodium (Na2S2O3) qui se décompose autour de 150°C en proportion égale de sulfate et sulfure à un pH neutre suivant la réaction suivante :

Na2S2O3(aq) + H2O = SO42- + H2S(aq) + 2 Na+ (4).

Dans les deux cas les solutions ont été introduites à 0.2 et 1 M pour observer le rôle de la concentration en soufre totale sur la réaction.

A chaque solution aqueuse est associée à une phase octane. Chaque phase est introduite individuellement dans le capillaire puis l’ensemble est ensuite cryogénisé et relié à une ligne à vide afin d’évacuer l’air résiduel. Le capillaire cryogénisé est ensuite scellé piégeant ainsi les différentes phases et permettant leur observation dans le capillaire (Fig. 30). Après une période de chauffe à 200°C s’étalant de 24h à plus d’un mois, les capillaires ont été analysés

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Figure 30 : Capillaire présentant les trois phases présentent dans le capillaire une fois scellé : aqueuse, hydrocarbonée et gazeuse.

Des capillaires contenant du soufre élémentaire et de l’octane avec ou sans présence d’eau ont également été réalisés pour observer le comportement du soufre élémentaire vis-à-vis de l’octane en présence et en absence d’eau dans les mêmes conditions que les solutions précédentes. Ce type de manipulation est similaire à de nombreuses études mélangeant du soufre élémentaire et une phase hydrocarbonée en présence ou absence d’eau (Amrani et al., 2008 ; Kowalewski et al., 2010 ; Said-Ahmad et al., 2013). La Table 6 résume l’ensemble des systèmes introduits dans les capillaires.

Table 6 : Liste des expériences octane ± H2O ± soufre élémentaire ± thiosulfate ± sulfate réalisées en capillaire de silice.

Sample Total heating time (h) Maximum temperature (°C)

Water + octane 1 h 300°C S8 + octane 168 h 300°C Water + S8 + octane 888 h 200°C Na2S2O3 0.2 M + octane 672 h 200°C Na2S2O3 1 M + octane 672 h 200°C Na2SO4 0.2 M + S8 + octane 672 h 200°C Na2SO4 1 M + S8 + octane 672 h 200°C

2.2.2. Paramètres d’acquisition spectroscopique

Pour permettre l’analyse in-situ en température, les capillaires ont été placés sur une platine microthermométrique couplée soit à un spectromètre Raman soit à un spectromètre Infrarouge. Ces deux techniques spectroscopiques ont été combinées pour leur complémentarité. En effet, la spectroscopie infrarouge est plus sensible aux phases organiques

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que le Raman, mais est bien moins efficace pour les solutions aqueuses car elle souffre de gros effets d'absorption par l’eau. Les spectres IR peuvent être collectés de 400 à 5000 cm-1, mais ici, la silice provenant des capsules FSCC utilisées dans cette étude induit un effet d'absorption élevé, limitant l’observation du signal entre 2000 et 5000 cm-1. Le Raman quant à lui ne souffre pas de ces effets d'absorption. Il présente également l'avantage de générer des spectres moins affectés par les changements de température et de concentration. De plus, la concentration d’une espèce donnée est directement proportionnelle à l'intensité de son pic Raman. Malheureusement, les spectres Raman peuvent facilement être perturbés par des phénomènes de fluorescence induits par les doubles liaisons conjuguées de molécules aromatiques par exemple. L’utilisation conjuguée de la micro-spectroscopie Raman et Infrarouge permet d’identifier à la fois les espèces aqueuses et les espèces hydrocarbonées.

Le spectromètre Raman (Labram HR, ®Jobin-Yvon, Horiba) utilisé lors de ces analyses est couplé à un microscope optique (® Olympus) avec un objectif 20× permettant l’observation et la focalisation précise du laser sur la phase à analyser. Le réseau (1800 traits par mm), la distance focale (800 mm), le trou confocale (500 μm) et la largeur de fente (100 μm) du spectromètre donnent une résolution spectrale de 0,5 cm-1. Les spectres Raman sont obtenus grâce à un laser à excitation d’Ar+ d’une longueur d’onde de 514 nm (vert) et un laser à diode de fréquence unique à 785 nm (rouge). La puissance laser sur échantillon est d'environ 20 mW pour le laser à 514 nm et de 70 mW pour le laser à 785 nm. Les spectres sont recueillis entre 100 cm-1 et 4200 cm-1 pour le laser vert et entre 100 cm-1 et 3200 cm-1 pour le laser rouge. Différentes durées d'exposition du faisceau laser et de puissance laser ont été utilisées afin de s'assurer qu'aucune réaction photochimique induite par le laser n'a influencé la solution lors de l’acquisition. Des premières séries de mesures in-situ sont effectuées directement sur la platine entre 22°C et 300°C. Les séries suivantes sont réalisées sur les capillaires mis en chauffe dans un four à 200°C pour observer l’évolution de la réaction au cours du temps. Malheureusement, dans de nombreux cas des phénomènes de fluorescence ont été observés avec le laser à 514 nm (Fig. 31). Toutefois, suivant la nature de la longueur d’onde du laser utilisée, l’effet de fluorescence peut être diminué (Dubessy et al., 2012). C’est pourquoi, le laser à diode à 785 nm (proche infrarouge) a ensuite été utilisé pour limiter l’effet de la fluorescence par les composés organiques produits lors de l’expérience.

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Figure 31 : Comparaison des spectres Raman de la phase aqueuse et hydrocarbonée à 200°C (chauffe sur la platine) obtenus avec l’utilisation du laser vert (514 nm) et du laser rouge (785 nm). La phase aqueuse présente une forte fluorescence à 514 nm comparé au 785 nm. L’intensité du signal des espèces aqueuses est toutefois bien moins importante avec le laser rouge que le vert. Inversement, l’intensité est plus importante pour les espèces hydrocarbonées avec le laser rouge qu’avec le laser vert. Les étoiles représentent les pics de la silice du capillaire.

Les spectres infrarouges (IR) ont été enregistrés en mode transmission à l'aide d'un spectromètre Infrarouge à Transformée de Fourier Bruker Equinox 55 couplé à un microscope Bruker A590. Le microscope a été équipé d'un détecteur MCT (mercure-cadmium-tellurure) ayant une fenêtre de 100 μm de diamètre refroidie à 77 K. Le diamètre du faisceau peut être réduit jusqu'à 20 μm avec un grossissement ×15. Les spectres IR ont été obtenus dans le moyen infrarouge avec une résolution spectrale de 2 cm-1. Chaque échantillon a été balayé pendant 90 secondes, et l'influence de l'eau atmosphérique et du dioxyde de carbone a toujours été soustraite. Les spectres IR ont été traités à l’aide du logiciel Opus.

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