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Chapitre 3: Etude expérimentale du rôle de la spéciation du soufre (organique et

3. Résultats

4.1. Concentrations des espèces du soufre : analyses ex-situ versus analyses in-situ

TSR 1 (Na2SO4 0.1 M + 0.5 g S0 à 250°C) : L’expérience a souffert de nombreux artefacts dus notamment à une précipitation de sulfates à l’interface liquide/vapeur dans la cuve de l’autoclave et une fuite sur une pastille de sécurité (corrosion de l’inconel par l’H2S en phase vapeur malgré la protection de la pastille par une feuille d’or). Ces artefacts ont donc compliqué le suivi de la cinétique de réduction des sulfates et des fractionnements isotopiques associés. Cependant, une comparaison entre mesure in-situ et ex-situ de la spéciation du soufre est toujours possible.

Sulfates. Les prélèvements réalisés avant l’injection d’acide acétique (CH3COOH) ont entrainé une baisse du liquide total dans la cuve de 270 mL à environ 250 mL (Fig. 33A). L’ajout à chaud de 52 mL d’acide acétique dans le réacteur au bout de 101 h de chauffe induit donc une dilution de la solution injectée par 5. La concentration de l’acide acétique dans l’autoclave est alors de 0.5 M. CH3COOH (acide faible) est en large excès par rapport aux autres réactifs et son produit de dissociation à 250°C impose donc un pH autour de 4 (Cross et al., 2004). Cette estimation de pH est confirmée par le très bon accord entre d’une part des calculs thermodynamique de spéciation des sulfates à pH 4 (calcul Phreeqc couplés à la base de données thermodynamique llnl ; Parkhurst et al., 1999 ; Johnson et al., 1992) et d’autre part, les mesures Raman in-situ de la spéciation des sulfates (Fig. 32 et 33B). Les deux approches montrant une proportion respective sulfates-bisulfates de l’ordre de 60% - 40%.

Les mesures Raman in-situ montrent que la concentration en sulfate totale (SO42- et HSO4-) reste constante durant les 100 premières heures de réaction (Fig. 33B). Tandis que le dosage par chromatographie ionique indique une légère augmentation de la concentration totale en sulfates en solution sur la même période de temps (Fig. 33D). La concentration en sulfate est donc affectée par le refroidissement, notamment à cause de la déstabilisation des polysulfides détectés à chaud par spectroscopie Raman in-situ qui se dissocient en partie en sulfates après refroidissement (Fig. 32B).

Lors de l’injection de l’acide acétique à 101 h de chauffe, l’analyse chromatographique des sulfates montre une baisse de la concentration liée à la dilution provoquée par l’ajout de 52 mL de solution. Les spectres Raman montrent également une baisse de la concentration en sulfates lors de l’ajout de l’acide acétique mais ils permettent aussi d’observer le changement

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de spéciation des sulfates : HSO4- devenant l’espèce prédominante au détriment de SO42-. L’analyse chromatographique ne tient pas compte de cette différence de spéciation étant donné qu’elle regroupe l’ensemble des espèces sulfatées.

Les pics de concentration en sulfates à 130 et 185 h sont respectivement corrélés avec une fuite de l’autoclave et un prélèvement de fluide. Il est supposé que ces variations de concentration sont liées à un phénomène de précipitation et de dissolution des sulfates sur les parois de la cuve de l’autoclave à l’interface liquide/vapeur (i.e. au niveau du ménisque) au cours de l’expérience. Des précipités de sulfate sous forme d’anneaux concentriques sont observés en fin d’expérience sur les parois de la cuve. Ce phénomène est lié à une surconcentration locale en sulfate au niveau du ménisque dans la cuve de l’autoclave aggravée par l’absence d’agitation – agitation n’ayant pu être installée par manque de place sur l’autoclave – et par la solubilité rétrograde des sulfates (Blount and Dickson, 1969).

Sulfures. Les spectres Raman montrent que la concentration en H2Sdissous reste constante

tout au long de l’expérience, tandis que le dosage iodométrique indique une diminution constante de la concentration de cette espèce. Comme pour les sulfates, le refroidissement de la solution affecte également la concentration en H2S, mais de façon opposée. La perte d’H2S par dégazage n’est pas l’explication de ce désaccord entre mesure in-situ et ex-situ car notre protocole de prélèvement empêche toute perte de ce gaz. Là encore l’explication la plus plausible est une ré-équilibration de la solution au moment du refroidissement (équilibre liquide/vapeur et déstabilisation des polysulfures). La mesure in-situ de la spéciation du soufre en conditions hydrothermales montre donc toute son utilité comparée à la mesure

ex-situ.

Polysulfures. Pendant les premières heures de l’expérience le système est très dynamique du fait de la cinétique de dissociation du soufre élémentaire à 250°C. L’ion S3- apparait dès les premiers stades de dissociation du S0 puis sa concentration diminue progressivement pendant les 25 premières heures de chauffe. Durant cette période le pH n’évolue pas comme le montre l’absence de changement dans le rapport SO42-/HSO4-. La diminution de la concentration en S3- n’est donc pas liée à un changement du pH ni à un changement de rapports SO42-/HSO4-/H2S. Il est donc supposé que la cinétique de dissociation du S0 et l’abondance des polysulfures associés contrôlent la concentration en S3- pendant les premières 25 h de chauffe. Après cette période initiale transitoire, la concentration en S3- se stabilise. Cette espèce du soufre devient indétectable après 120 h de chauffe lors de l’augmentation de

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la concentration en sulfate dans la cuve, correspondant vraisemblablement au phénomène de dissolution – re-précipitation des solides de sulfates sur la paroi de la cuve. Seule l’analyse

in-situ de l’expérience permet d’observer l’espèce trisulfure S3-. A noter qu’aucune autre espèce polymérique du soufre (S8(aq), Sn2-, Sn0, HSn-), n’a été détectée dans cette expérience.

TSR 2 ((NH4)2SO4 0.1 M + 3 bars H2S à 250°C puis 270°C) : Près de 300 h de réaction

sur un total de 608 h à 250°C n’ont pas pu être suivies par spectrométrie Raman du fait de l’indisponibilité du spectromètre. Toutefois, l’expérience permet tout de même de suivre de manière précise l’évolution des espèces en solution.

Sulfates. Les spectres Raman et l’analyse chromatographique des sulfates montrent tous deux une baisse de la concentration en sulfates au cours de l’avancement de la réaction (Fig. 35B-D) de l’ordre de 20%. Les mesures Raman in-situ permettent également de suivre la spéciation des sulfates lors de l’augmentation de la température (de 250 à 270°C) après 384 h de chauffe. En effet, la hausse de température entraine une augmentation de la concentration en HSO4- et proportionnellement une diminution de celle de SO42- (en considérant une section efficace similaire pour les deux espèces ; Barré et al., 2017 ; Schmidt and Seward, 2017). Cette variation de spéciation avec la hausse de température est en accord avec les données thermodynamiques qui prédisent la même variation de spéciation avec une augmentation de température de 250 à 270°C.

Sulfures. La concentration en H2S dissous augmente au cours du temps comme l’indique

les mesures Raman in-situ (Fig. 35B). Le suivi de la concentration en H2S dissous par dosage iodométrique montre également une augmentation de la concentration en H2S dissous après l’ajout de méthane (après 45 h de chauffe) jusqu’à 194 h, puis une baisse de la concentration jusqu’à la fin de l’expérience (Fig. 35C).Comme lors de l’expérience TSR 1, un désaccord entre mesure in-situ et ex-situ est donc observé. Là encore, ce désaccord montre clairement que le refroidissement de la solution affecte de façon non-négligeable la concentration des principales espèces du soufre en solution (sulfate et sulfure), notamment à cause du changement de spéciation et d’abondance des espèces de valence intermédiaire du soufre.

Polysulfures. L’ion S3- est présent tout au long de l’expérience et sa concentration augmente même avec le temps. Cette espèce peut jouer le rôle d’intermédiaire dans le transfert électronique entre S6+ et S2- lors de la réduction des sulfates par le méthane (Thom and Anderson, 2008 ; Truche et al., 2014). Son abondance aura donc un rôle important sur la

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vitesse de la réaction de TSR. De plus, il est supposé que la concentration en S3- est corrélée à la concentration de l’ensemble des espèces de valence intermédiaire du soufre à une condition donnée (voir Figure 22 et B7 du Chapitre 2). L’augmentation de la concentration en trisulfure en solution pourrait donc être liée à l’augmentation relative de la vitesse de réduction des sulfates.

Entre 70 et 300 h de chauffe environ, un nouveau pic est détecté correspondant probablement à S8(aq) (Fig. 34), mais l’absence d’autres pics caractéristiques de cette espèce empêche son identification précise.

Occurrence de la TSR. La diminution de la concentration en sulfate associée à une augmentation de la concentration en H2S (analyse Raman ; Fig. 35B), et à l’apparition de CO2

en phase gazeuse (analyses GC) sont des preuves robustes et indépendantes de l’occurrence de la TSR dans les conditions de cette expérience.

A noter que sur la Figure 35, le dernier prélèvement a été réalisé à 607 h de chauffe et présente une baisse significative de la concentration en H2S(aq) (Fig. 35C) corrélée à une augmentation de la concentration en sulfate en solution (Fig. 35D). Ce phénomène est lié à une fuite qui a eu lieu en fin de manipulation (l’H2S ayant altéré un joint en or présent sur l’arbre d’agitation de l’autoclave) et qui a entrainé la perte des gaz et de la vapeur d’eau et donc l’augmentation relative de la concentration en sulfate en solution par évaporation.

Ces expériences démontrent l’utilité du suivi continu in-situ de la concentration et de la spéciation des espèces en solution comparé aux mesures ex-situ qui ne peuvent pas refléter l’évolution fine des espèces en solution entrainant ainsi la perte de certaines informations essentielles.