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Les troubles du rythme dans la dysplasie arythmogène ventriculaire droite

La dysplasie arythmogène ventriculaire droite (DAVD) est une cardiomyopathie du ventricule droit caractérisée par une infiltration adipeuse du myocarde avec persistance de fibres myocardiques survivantes entourées d’une fine fibrose (Fontaine et al., 1999). Elle entraîne une dilatation ventriculaire droite, localisée puis diffuse, et tardivement des manifestations d’IC. Elle peut être associée à une atteinte ventriculaire gauche. Son origine est génétique.

Elle a d’abord pour conséquence des anomalies électriques souvent visibles sur les dérivations précordiales droites de l’ECG. Il s’agit de troubles de conduction localisés du ventricule droit se manifestant par un élargissement de la fin du QRS dans cette dérivation et des micro-potentiels terminaux appelés ondes epsilon, mieux visibles sur un ECG à haute amplification. Il peut s’agir d’un bloc de branche droit typique, mais avec élargissement de sa partie terminale (« bloc plus que droit ») témoignant d’un bloc pariétal. Les ondes T sont inversées en précordiales droites pour les formes étendues. Son diagnostic repose sur l’association de ces anomalies électriques et d’anomalies morphologiques du ventricule droit mises en évidences par des méthodes d’imagerie invasives et non invasives (McKenna et al., 1994). La DAVD se manifeste essentiellement par un spectre d’arythmies ventriculaires qui démasquent la maladie, extrasystoles, tachycardies ventriculaires ou fibrillation ventriculaire qui peut être la première manifestation de la maladie. L’incidence de la maladie dans la population générale, paraît basse, estimée entre un et deux pour 10 000, et l’incidence de la mort subite est évaluée à 1 à 3% par an dans la DAVD connue.

La DAVD est en particulier une cause majeure de mort subite du sujet jeune. Les cas rapportés dans la littérature ont le plus souvent moins de 35 ans, et dans la moitié des cas cet accident est lié à l’exercice ou à l’émotion (Basso et al., 1999). Le mode de décès des patients atteints de dysplasie n’est pas limité à la mort subite. En effet il s’agit d’une cardiomyopathie évolutive, avec une IC globale terminale. La DAVD est généralement causée par des mutations héréditaires des protéines desmosomales (Moric-Janiszewska et al., 2007). Le desmosome est une jonction structurelle qui connecte des cardiomyocytes, et qui transmet la force de contraction d'une cellule à l’autre (MacRae et al., 2006). Le desmosome est composé de protéines intracellulaires et extracellulaires, y compris la

desmoplakine, la desmocolline, la desmogléine, la plakophiline 2 et la plakoglobine (Marcus et al., 2006) (figure 19). Ces protéines se lient aux filaments intermédiaires des cardiomyocytes et à la N-cadhérine dans un complexe qui lie les cardiomyocytes ensemble par des filaments intermédiaires (Stokes, 2007). Les mutations dans plusieurs de ces protéines déstabilisent la jonction du desmosome, conduisant à la séparation physique des cardiomyocytes et l’induction de l'apoptose. Le remodelage du ventricule comprend une augmentation de la fibrose et souvent un développement de tissu adipeux, qui remplace progressivement le myocarde des ventricules. La DAVD est habituellement associée en clinique à des tachycardies ventriculaires monomorphes. L'hypothèse du mécanisme arythmogène dans la DAVD est un bloc de conduction et la formation de circuits de macro-rentrées qui sont causées par la fibrose résultant d’une déhiscence (rupture anormale) du desmosome (Wolf et al., 2008).

Figure 19 : Schèmes des complexes majeurs et des composants trouvés au niveau du disque intercalaire cardiaque (Sheikh et al., 2009).

La suppression spécifiquement cardiaque du gène codant la desmoplakine (DSP) entraîne une altération de la morphogenèse cardiaque et provoque la mort embryonnaire des souris knock-out homozygotes. Les souris hétérozygotes déficientes en DSP, cependant, présentent une augmentation des adipocytes et de la fibrose, une augmentation

de l'apoptose, une altération de la contractilité cardiaque et des arythmies ventriculaires, rappelant le phénotype de DAVD chez les humains (Garcia-Gras et al., 2006). La plakophiline 2 (Pkp2) est le seul membre de la famille plakophiline exprimé dans le cœur, et sert à la liaison des protéines desmosomales. Les embryons des souris déficientes en Pkp2 présentent une morphogenèse cardiaque anormale, suivie par des hémorragies, une rupture cardiaque et la mort autour de E11.5. Cette évaluation des cœurs embryonnaires a révélé un amincissement des parois ventriculaires et la formation d'anévrismes, qui sont également observés chez les patients atteints de DAVD (Grossmann et al., 2004).

Une étude de Kostetskii et al., (2005) a démontré que l’invalidation spécifique cardiaque de la N-cadhérine (CKO) chez la souris conduit au désassemblage du disque intercalaire et peut entraîner une mort subite. Il y a une réduction significative de la Cx43 des ventricules dans le cœur de la souris CKO N-cadhérine ; c’est une cause importante de la diminution de la vitesse de conduction intra-ventriculaire. En outre, les souris CKO N-cadhérine présentent une diminution de leur débit cardiaque avec une dilatation modeste des oreillettes ainsi que du ventricule gauche. Par conséquent, la N-cadhérine est une des molécules d’adhésion cellulaire responsables du maintien d’un lien mécanique et électrique entre les cardiomyocytes. La sévérité du phénotype des souris CKO N- cadhérine a suggéré qu’une réduction de la N-cadhérine pourrait affecter l’organisation des jonctions gap, générant ainsi un substrat arythmogène. De plus, les souris hétérozygotes présentent une sensibilité accrue aux arythmies induites accompagnée d'une réduction de Cx43. Ces données fournissent la première preuve génétique que la N- cadhérine et la Cx43 fonctionnent ensemble pour maintenir le couplage électrique normal dans le cœur (Li et al., 2007).

La plakoglobine (Jup) est une autre protéine essentielle du desmosome qui, lorsqu'il est absent, peut entraîner un phénotype de type DAVD chez la souris. Les souris haplo-insuffisantes Jup+/- développent une dilatation du ventricule droit, une réduction de la fonction cardiaque ainsi que des extrasystoles ventriculaires spontanées. Toutefois, selon l'histologie et des analyses en microscopie électronique, il n'y pas de preuve de changement dans la structure du myocarde ou l'apparence des desmosomes, ce qui suggère que les souris Jup+/- imitent partiellement les traits cliniques de la DAVD

(Kirchhof et al., 2006). Cependant, une étude récente a montré que la Plakoglobine est diminuée dans le ventricule droit et le septum interventriculaire des patients atteints de DAVD. C’est pourquoi des analyses immunochimiques de la plakoglobine sont maintenant effectuées en routine afin d’améliorer le diagnostic précoce des patients DAVD (Asimaki et al., 2009).

Des mutations du gène du récepteur à la ryanodine de type 2 (RYR2) ont été proposées comme une cause de DAVD, bien que cette association ait été mise en doute par la suite par plusieurs groupes (Dokuparti et al., 2005 ; Wehrens, 2007). Ces patients développent généralement une tachycardie ventriculaire provoquée par l'exercice ou l'émotion, souvent appelée tachycardie ventriculaire polymorphe catécholaminergique, ou CPVT. La plupart des patients CPVT ont un cœur structurellement normal, même s’il peut se développer une cardiomyopathie modérée avec une pénétrance incomplète. Étant donné son rôle unique dans le déclenchement des arythmies ventriculaires par l'exercice sans preuve significative de cardiomyopathie, il est probable que ce syndrome causé par des mutations RYR2 représente une entité distincte des DAVDs (Tiso et al., 2001). D'autres recherches sont nécessaires pour définir la contribution exacte de RYR2 dans des cardiomyopathies du type DAVD, et afin de déterminer s'il existe une relation directe ou indirecte des liens ultra-structuraux entre les desmosomes et le RS.

La kinase liée aux intégrines (Integrin linked kinase – ILK) est une kinase de type sérine473/thréonine308 qui joue un rôle important dans différentes voies de signalisation, dans la mécano-transduction (lien entre le complexe macromoléculaire du pont d’acto- myosine à la membrane cellulaire) ainsi que dans la structure cellulaire (le cytosquelette) via un grand nombre de protéines qui constituent une partie de la machinerie moléculaire complexe avec les intégrines à la face cytoplasmique. Les progrès récents en physiologie cardiaque ont identifié ILK comme une protéine essentielle dans la régulation de la croissance cardiaque (Hannigan et al., 2005; Frey et Olson, 2003; Chen et al., 2005), de la contractilité (Bendig et al., 2006), ainsi que de la réparation post-infarctus du myocarde (Bock-Marquette et al., 2004). Par conséquent, une suppression (un knockout conditionnel en utilisant le système Cre/Lox) spécifique d’ILK dans le cœur de souris provoque une cardiomyopathie dilatée spontanée et des morts subites dès l'âge de 6 à 12 semaines (White et al., 2006). Cependant, la cause de la mort subite précoce chez les

souris KO-ILK ainsi que son rôle potentiel dans le processus de remodelage électrique et la susceptibilité aux arythmies reste inconnue. Les intégrines relient la matrice extracellulaire au sarcomère contractile aux jonctions costamériques (figure 20). Les cardiomyocytes ventriculaires des souris KO-ILK sont caractérisés par une désorganisation massive des myofilaments épais et fins et une perte de l'intégrité du cytosquelette. En revanche, une invalidation génétique de mélusine cause une cardiomyopathie dilatée non spontanée, qui se développe dans la réponse aux autres facteurs de stress hémodynamique comme une surcharge de pression (modèle de coarctation aortique par exemple). A l’état de base (sans stress hémodynamique), l'architecture des cellules des souris KO-Mélusine est normale (Brancaccio et al., 2003). Dans le modèle du poisson-zèbre, la mutation ILKL308P (msq muté) perturbe l’association d’ILK/Parvin B et provoque une dysfonction de la contractilité cardiaque (Bendig et al., 2006). Ce résultat suggère que le complexe ILK-Parvin B joue un rôle important dans la régulation de la contractilité cardiaque.

Figure 20 : Une altération dans l’interaction entre la 1-intégrine avec ILK et la mélusine aux jonctions du costamère peut causer une dysfonction cardiaque et le développement d’une

cardiomyopathie dilatée (Hannigan et al., 2007).