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Contexte et objectif du travail de recherche

Les maladies cardiovasculaires représentent toujours la première cause de morbidité et de mortalité dans les pays industrialisés avec une prévalence qui augmente rapidement dans les pays en voie de développement, ce qui représente environ 30% de tous les décès dans le monde entier (OMS, 2007). L’hypertrophie cardiaque est la conséquence d’une surcharge de travail du muscle cardiaque conduisant à un processus de remodelage cardiaque. Le cœur s'hypertrophie afin de mieux répondre à la demande. Bien que cette situation soit bénéfique pour l'organisme à court terme, une hypertrophie trop accentuée conduira à long terme, à une insuffisance cardiaque et à la mort. L’hypertrophie cardiaque est associée à un remodelage électrique complexe qui conduit généralement à un allongement du PA ventriculaire, une des causes des arythmies et de la mort subite (Armoundas et al, 2001 ; Hill, 2003). Généralement, le mécanisme causal est la fibrillation ventriculaire, un trouble du rythme cardiaque irréversible dont les mécanismes physiopathologiques sont complexes et méconnus.

Grâce aux progrès récents des études électrophysiologiques in vivo, il est aujourd’hui possible de déclencher et d'étudier des troubles du rythme auriculaires (Wakimoto et al., 1996) et ventriculaires (Berul et al., 1996) chez la souris.

Les troubles du rythme sont liés à une altération des propriétés électriques des cellules cardiaques qui sont le plus souvent liés à une modification complexe de l'expression des gènes codant pour les canaux ioniques (remodelage ionique) lors d'une pathologie cardiaque sous-jacente telle que l'infarctus du myocarde, l'hypertrophie ventriculaire, la dilatation ou l'IC. Plus rarement, les troubles du rythme sont d'origine génétique et résultent de mutations sur des gènes codant des sous-unités de canaux

ioniques ou des protéines de régulation des canaux ioniques (canalopathies cardiaques). Il en est ainsi du syndrome du QT long, du syndrome de Brugada, des tachycardies ventriculaires catécholaminergiques, de formes héréditaires des troubles de la conduction, du syndrome du QT court ou de la dysfonction sinusale.

Si les conséquences fonctionnelles in vitro des mutations génétiques ou du remodelage ionique sont relativement simples à étudier ou à prévoir, leur rôle dans les mécanismes physiopathologiques des troubles du rythme in vivo sont plus difficiles à appréhender. Parmi les nombreux modèles animaux développés dans le domaine de la recherche sur les troubles du rythme cardiaque, la souris est de plus en plus utilisée en raison de notre capacité à muter, invalider ou sur-exprimer les gènes d'intérêt. Grâce aux progrès récents dans le domaine des études électrophysiologiques in vivo avec la miniaturisation des matériels d'investigation invasive, il est aujourd'hui possible de déclencher et d'étudier les troubles du rythme chez la souris alors que cela était considéré comme difficile, voire impossible, jusqu'à récemment en raison d'une masse cardiaque critique de 100-200 mm2.

L'objectif de mon travail de thèse est de mieux comprendre le rôle des canaux ioniques dans la physiologie et dans la physiopathologie cardiaque, surtout dans l’implication de la survenue des troubles du rythme in vivo. Cinq approches complémentaires ont été développées au cours de ma thèse.

Le premier volet consiste en un modèle d'hypertrophie ventriculaire consécutive à un bloc auriculo-ventriculaire complet après l’ablation du faisceau de His par radiofréquence. Ces animaux présentent un remodelage ionique et des troubles du rythme ventriculaire sévères. Ce modèle a été utilisé pour la mise au point d’un pacemaker biologique via une technique de transfert de gène in vivo en utilisant un vecteur synthétique. En effet, bien que le pacemaker électronique soit une thérapie médicale remarquable avec une réduction nette du taux de morbi-mortalité chez les patients atteints de BAV complet ou de dysfonction du nœud sinusal, il présente cependant certains désavantages difficiles à améliorer comme l'adaptation de la fréquence lors d'une émotion ou d'un exercice physique, la taille du matériel, l’interférence de sa fonction avec les stimulateurs neuronaux ou les détecteurs de métaux, etc.… Ainsi, l’application de la thérapie génique ou cellulaire dans la fabrication d’un pacemaker biologique apparait

comme une démarche intéressante de stratégie anti-arythmique. Nous avons utilisé ce modèle de bloc auriculo-ventriculaire complet (première approche) dans l’étude du remodelage électrique au cours de la survenue de troubles du rythme ventriculaire, (deuxième approche) dans la création d'un pacemaker biologique ventriculaire en utilisant une approche de thérapie génique et (troisième approche) dans une étude du rôle de la sous-unité Cav3.1 du courant calcique de type T (ICa,T) dans le pacemaker

ventriculaire et la survenue de troubles du rythme ventriculaire.

Le deuxième volet consiste à caractériser les conséquences physiopathologiques de l'invalidation de gènes codant pour des sous-unités de canaux ioniques dans des modèles de souris transgéniques. J'ai ainsi (quatrième approche) développé un modèle d'insuffisance cardiaque post-infarctus sur un modèle de souris KO pour le gène Cacna1g (Cav3.1), qui code pour la sous-unité canalaire Ca2+ de type T (1G) dont l'expression est essentiellement supraventriculaire et dans le système de conduction (nœud SA, nœud AV et fibres de Purkinje). Actuellement, différentes études ont montré que ce courant ICa,T

n'est présent dans les cardiomyocytes ventriculaires qu'au cours de la période néonatale et qu'il diminue ensuite graduellement jusqu'à l’âge adulte (sauf dans les cardiomyocytes ventriculaires de cobaye). Chez l’Homme, ICaT n’a pas encore été enregistré. Cependant,

il a été montré une expression positive d’ARNm codant pour les sous-unités 1G (Monteil et al., 2000) et 1H (Cribbs et al., 1998), ainsi qu’une nette diminution de 1H au cours du développement du cœur (Qu et al., 2001). Le rôle de ICaT dans la physiologie

et la physiopathologie cardiaque reste à élucider. Cette étude vise à mieux comprendre le rôle de ICaT dans l’adaptation et la réponse du muscle cardiaque post-infarctus du

myocarde (IDM). De plus, cette étude cherche à établir le rôle de ce canal au cours du remodelage ionique post-IDM, surtout lors de la survenue de troubles du rythme sévères telle la tachycardie ventriculaire.

Le cinquième approche a consisté en l‘étude du remodelage cardiaque dans un

contexte d’altération de la voie de signalisation intra- et intercellulaire (invalidation spécifique cardiaque du gène codant pour l’expression de la protéine kinase ILK- Integrin linked kinase). Cette étude a été consacrée à l’identification du rôle de la protéine « integrin-linked kinase (ILK) » dans les processus arythmogènes, ainsi qu’à la détermination de l’interrelation entre l’intégrité de la voie de mécano-transduction

cellulaire et la survenue de mort subite. En effet, le knock-out d’ILK dans le tissu cardiaque provoque une dilatation cardiaque favorisant la survenue de mort subite chez les souris âgées de 6 semaines. Les mécanismes impliqués restent à préciser.

Ces travaux de thèse ont permis d'améliorer notre connaissance du rôle des anomalies génétiques impliquant des canaux ioniques et du remodelage ionique dans la physiopathologie des troubles du rythme cardiaque et pourraient ainsi ouvrir de nouvelles perspectives thérapeutiques dans le traitement préventif du remodelage cardiaque ainsi que dans la lutte contre la mort subite.