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Troubles psychiatriques induits par une consommation régulière (20)

THERAPEUTIQUE; MEDECINE D'URGENCE; ADDICTOLOGIE 4804 REANIMATION MEDICALE ; MEDECINE URGENCE 4802 AMBROSI Pierre (PU-PH)

1. conjonctives injectées 2 augmentation de l’appétit

2.4.2. Troubles psychiatriques liés à la consommation de cannabis 1 troubles psychiatriques aigus

2.4.2.2. Troubles psychiatriques induits par une consommation régulière (20)

La survenue de troubles mentaux est plus fréquente chez les sujets dépendants par rapport aux consommateurs réguliers non dépendants.

a) Le syndrome amotivationnel (20)

Le syndrome amotivationnel des fumeurs réguliers de cannabis est caractérisé par l’anhédonie, le désintérêt, le détachement émotionnel, la perte de l’initiative, l’apragmatisme, la passivité, l’apathie, l’appauvrissement intellectuel et le retrait social.

Il peut persister quelques semaines après le sevrage et régresse ensuite spontanément.

b) La dépression (20)

Les différentes études qui évaluent la consommation de cannabis comme facteur de risque de développer une dépression sont contrastées :

- dans une étude longitudinale Hollandaise de 2007 portant sur 3881 sujets(21), le risque de développer une dépression était plus élevé chez les consommateurs réguliers (au moins une fois par semaine), mais pas chez les consommateurs occasionnels ;

(22), le risque de dépression augmentait avec le niveau de consommation, ce risque était davantage élevé chez les sujets jeunes ;

- dans une étude longitudinale suédoise de 2012 de 45087 sujets (23), le cannabis n’était pas considéré comme un facteur de risque de dépression.

L’augmentation du risque de dépression par le cannabis semble survenir chez les plus gros consommateurs et/ou ceux qui ont débuté la consommation précocement. (20)

c) Les troubles anxieux

La relation entre trouble anxieux et consommation cannabis a récemment fait l’objet d’une méta analyse (24), dont le but était d’étudier l’association de l’utilisation du cannabis avec le développement de symptômes d’anxiété élevés dans la population générale.

Le résultat principal a démontré une association de l’utilisation du cannabis avec l’anxiété, avec un très petit OR de 1,15 (IC 95%: 1,03 à 1,29).Le fait de limiter l’analyse à des études de haute qualité (k = 5) a permis de diminuer considérablement le taux d’activité (OR = 1,04; IC 95%: 0,91 à 1,19).

En conclusion, l’utilisation du cannabis n’est qu’un facteur de risque mineur pour le développement de symptômes d’anxiété élevés dans la population générale.

d) La suicidalité

Une étude longitudinale de 2009 sur plus de 50 000 conscrits suédois a montré une association entre consommation de cannabis et fréquence ultérieure plus élevée de décès par suicide (OR=1,62 ; IC 95 % [1,28-2,07]).

Cependant, cette relation semble davantage liée aux problèmes psychologiques ou comportementaux retrouvés chez les consommateurs de cannabis qu’à la consommation elle- même, et disparaît si l’on ajuste les résultats en tenant compte des facteurs confondants (OR=0,88 ; IC 95 % [0,65-1,20]). (20+25)

Une autre étude cas-témoins plus ancienne de 1999 ayant 306 cas tend aux mêmes résultats : une grande partie de l’association entre abus de cannabis/dépendance et risque de suicide provient du fait que:

- les personnes qui développent une dépendance à l’égard du cannabis proviennent souvent de milieux sociodémographiques et d’origine défavorisés qui, indépendamment de l’abus de cannabis, sont associés avec un risque plus élevé de tentative de suicide,

- l’abus et/ou la dépendance au cannabis est co-morbide avec d’autres troubles mentaux qui sont indépendamment associés à un comportement suicidaire. (26)

Une étude de cohorte de 2013 portant sur 976 sujets âgés entre 15-16 ans et suivis pendant 2 ans montre que le risque de tentative de suicide chez les sujets consommateurs de cannabis n’est pas augmenté. (27)

La suicidalité ne serait donc pas liée à la consommation de cannabis elle-même mais aux problèmes psychologiques, comportementaux et sociaux des consommateurs de cannabis.

e) Cannabis et troubles psychotiques

La méta-analyse de 2007 de Moore et coll. nous montre un risque accru de psychose chez les individus qui avaient déjà consommé du cannabis (rapport de cotes ajusté pondéré = 1,41, IC 95% 1 20-1 65). Les résultats étaient cohérents avec un effet dose-réponse, avec un risque plus élevé chez les personnes qui consommaient le cannabis le plus souvent. (28)

Une méta-analyse de 2016 incluant 10 études soient 66816 individus (29) : il y a un risque de développer une psychose en fonction du niveau de consommation allant de 2 à 4 selon le niveau de consommation par rapport aux sujets ne consommant pas de cannabis.

Une dernière méta analyse de 2016 (30) incluant 24 études et 16565 sujets montre que la persistance de la consommation de cannabis après l’apparition de la psychose prédit des effets indésirables, notamment des taux de rechute plus élevés, des hospitalisations plus longues et des symptômes positifs plus sévères que chez les personnes qui cessent de consommer du cannabis et chez les non-utilisateurs.

Selon l’expertise de l’INSERM (20), l’augmentation du risque de troubles psychotiques après consommation de cannabis est influencée par plusieurs facteurs :

- une consommation avant l’âge de 15 ans : la précocité de la consommation à l’adolescence, période de vulnérabilité cérébrale, pourrait être le principal facteur de risque de survenue de troubles psychotiques après consommation de cannabis ;

- une consommation importante : l’effet est clairement dose-dépendant ;

- les taux respectifs de cannabinoïdes psychoactifs, ∆-9-THC et cannabidiol, dans le cannabis consommé ;

- l’existence d’une prédisposition à la schizophrénie : antécédents familiaux de troubles psychotiques, traits de personnalité schizotypique, voire symptômes psychotiques subcliniques préexistants ;

- le patrimoine génétique : certains variants génétiques du gène codant la catéchol-O- méthyltransférase (COMT) modulent directement ou indirectement les systèmes

dopaminergique ;

- la présence concomitante d’autres facteurs environnementaux : abus sexuels et autres violences dans l’enfance, isolement social, parents issus de l’immigration.

f) Cannabis et schizophrénie

Selon l’expertise de l’INSERM (20), le lien entre cannabis et schizophrénie est probablement bidirectionnel.

Les patients souffrant de troubles psychotiques sont plus souvent consommateurs de cannabis, mais ils sont aussi plus sensibles aux effets du cannabis.

Le risque de schizophrénie après exposition au cannabis est supérieur chez les sujets ayant des antécédents familiaux de psychose ou de schizophrénie, mais aussi chez ceux qui présentent déjà des symptômes psychotiques atténués.

Chez les patients schizophrènes, la consommation de cannabis est associée à une survenue plus précoce d’environ deux ans et demi des troubles schizophréniques par rapport aux patients schizophrènes n’ayant jamais consommé.

L’adolescence est non seulement une période critique pour l’induction d’effets cognitifs persistant à long terme du cannabis mais également une période de vulnérabilité pour l’induction de caractéristiques considérées comme marqueurs des modèles pour la schizophrénie : symptômes positifs (hyperactivité, déficit du filtrage sensoriel), symptômes négatifs (anhédonie, altération des interactions sociales) et cognitifs (altération de l’attention, de la mémoire de travail).

Il demeure très difficile de distinguer la part qui peut être imputée au haschisch dans l’apparition et le maintien d’un trouble psychique donné. La littérature internationale rend largement compte de cette difficulté à mesurer la part attribuable en propre au cannabis dans la survenue de troubles psychiques à l’adolescence.

Les auteurs restent en effet très partagés sur l’existence de maladies schizophréniques induites par le cannabis. (8)

En résumé, il semble démontré que, d’une part, expérimentalement à partir d’une certaine dose de THC administrée, chacun présente des troubles psychotiques aigus « de type schizophrénique » résolutifs; d’autre part, le risque de développer une schizophrénie à l’âge adulte lorsqu’un adolescent consomme du cannabis existe, même si ce risque reste faible. Au final, on peut actuellement supposer qu’une intoxication chronique au haschisch à l’adolescence, sur un terrain fragile, peut être à l’origine de véritables états psychotiques.