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TRI36 et P36 sont internalisés par les voies d’endocytose

CHAPITRE 7 - DISCUSSION GENERALE

7.2.3. TRI36 et P36 sont internalisés par les voies d’endocytose

L’étude du mécanisme d’internalisation des peptides TRI36 et P36 est cruciale pour comprendre leur fonctionnement et leurs spécificités. Les mécanismes employés par les conjugués peptidiques déterminent notamment leur probabilité d’atteindre leur cible localisée dans le cytosol : les mécanismes d’entrée basés sur les voies d’endocytose impliquent la localisation du peptide dans les endosomes, alors que ceux reposant sur une translocation directe sont localisés dans le cytosol. Dans le premier cas, le peptide doit être capable de s’échapper des endosomes pour avoir un effet thérapeutique, car s’il y reste piégé il sera mené aux lysosomes et dégradé.

Dans un premier temps, nous avons donc étudié la capacité des peptides TRI36 et P36 à interagir avec des vésicules lipidiques (LUV) dont la composition lipidique reflète celle des membranes plasmiques neutres. La capacité de certains peptides à traverser les membranes par translocation directe est liée à leur propension à adopter une structure en hélice alpha à leur contact261 : toutefois aucun changement de structure des conjugués peptidiques au contact de LUV neutres n’a été observé (Figure 4.9). Dans la littérature, le peptide Tat est connu pour conserver une structure random coil dans l’eau ou en présence de LUV, tandis que le CPP Pen a déjà démontré des changements de structure en présence de LUV261 : il semblerait donc que le fragment iCAL36 affecte la structuration de la séquence de Pen. Dans le but de caractériser le potentiel de déstabilisation des membranes lipidiques, des mesures de fuite ont été réalisées sur des LUV encapsulant un fluorophore et un quencher (leakage assay). Cependant, une fois encore TRI36 et P36 n’ont pas démontré d’interaction significative avec les vésicules lipidiques (< 5% de fuite à 10 µM), ce qui est en accord avec le faible taux de fuite observé pour Tat ou Pen dans la littérature (< 10% de fuite à 1 µM)261. Il est toutefois intéressant de noter que le peptide marqué *P36 a présenté un potentiel de fuite non-négligeable (20% de fuite à 0,5 µM), indiquant que la présence de la sonde hydrophobe TAMRA peut potentiellement affecter le mécanisme d’entrée du peptide, une notion largement reportée dans la littérature315,316,342. Ces résultats, associés à l’absence de colocalisation entre *TRI36 ou *P36 et les membranes cellulaires, semble indiquer que ces peptides n’interagissent très probablement pas avec les membranes.

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Nous nous sommes ensuite intéressés au mécanisme d’internalisation énergie-dépendant de TRI36 et de P36. En effet, les mécanismes d’endocytose sont dépendants de l’énergie cellulaire, alors que la translocation directe en est indépendante. La transfection des conjugués peptidiques à 4°C a mené à une perte significative de l’efficacité d’internalisation (85-90% de signal perdu), alors que leur transfection en présence d’inhibiteurs de l’ATP a mené à une perte de signal de 45% (Figure 4.10). Par des expériences de contrôle, nous avons pu mettre en évidence que cet écart est lié à la déplétion incomplète d’ATP (nécessaire pour ne pas induire d’effets cytotoxiques qui pourraient fausser les mesures) et non à une internalisation différente des peptides. Dans la littérature, une perte d‘efficacité d’internalisation plus complète à 4°C qu’en présence d’inhibiteurs pharmacologiques est fréquemment observable215,314. Ces résultats confirment que le mécanisme d’entrée des deux conjugués est très largement basé sur les voies d’endocytose.

Pour poursuivre l’évaluation du mécanisme d’internalisation des conjugués *TRI36 et *P36, nous avons étudié l’implication de diverses voies d’endocytose spécifiques : endocytose clathrine- et cavéoline-dépendante, et macropinocytose. Nous avons pour cela employé des inhibiteurs d’endocytose, ainsi que des marqueurs d’endocytose, d’endosomes et de lysosomes (Tableau 7.3).

Cependant, malgré cet ensemble d’expériences basées sur des stratégies de détection différentes, il n’a pas été possible d’attribuer avec certitude une voie d’internalisation distincte aux deux conjugués TRI36 et P36. Le cas le plus probable est qu’ils utilisent les voies d’endocytose qui sont énergie-dépendantes, ce qui est cohérent avec la colocalisation apparente des peptides avec les marqueurs d’endosomes tardifs et les lysosomes.

Si nous supposons une internalisation des peptides *TRI36 et *P36 par endocytose, ceux-ci peuvent s’accumuler dans les endosomes où un quenching de proximité peut avoir lieu entre les sondes des peptides. Pour mettre en évidence une éventuelle encapsulation endosomale des peptides, les cellules (Caco-2 ou CFBE41o-) ont été co-incubées avec de la chloroquine (Figure 4.13), un agent endosmotique empêchant l’acidification des endosomes et provoquant le relargage du leur contenu dans le cytosol, résultant en une augmentation du signal mesuré196,343,344. Pour les deux types cellulaires, la chloroquine a mené à une multiplication du signal de *TRI36 ou *P36 par un facteur 2 ou 3 selon les cas, indiquant un piégeage dans les endosomes. Un tel facteur est dans la gamme de résultats observés pour Tat345 (1,7 fois plus de signal) ou PepFect14344 (4 fois plus de signal). Ces résultats confirment également que les deux conjugués CPP-iCAL36 sont internalisés majoritairement par une voie d’endocytose.

Les principales difficultés liées à l’analyse des mécanismes d’internalisation sont d’une part les effets cytotoxiques des inhibiteurs d’endocytose297 et d’autre part le manque de spécificité des marqueurs d’endocytose. Par exemple, une internalisation de la CtB (marqueur de l’endocytose cavéoline-dépendante) par association avec un CPP a été reportée346, tout comme l’implication des voies clathrine-dépendante dans l’internalisation de la CtB par des cellules Caco-2347,348 ; cet effet pourrait être lié à une interaction non-spécifique de la CtB marquée avec les protéines extra-membranaires et les bicouches lipidiques349. Une alternative pouvant permettre d’obtenir des résultats plus probants serait de tester d’autres substrats plus spécifiques tels que LacCer298,350–352 ou la nitric oxide synthase297,353.

Les inhibiteurs d’endocytose ne peuvent quant à eux être utilisés qu’à faible concentration afin d’éviter des effets cytotoxiques, ce qui laisse la possibilité à la cellule de s’adapter en compensant par les autres voies d’endocytose270,354. En effet, il a démontré que les CPP peuvent emprunter plusieurs voies d’endocytose de façon alternative ou simultanée267,276,355. Pour consolider nos résultats, il serait néanmoins envisageable de tester d’autres inhibiteurs décrits dans la littérature297 comme la monodansylcadavérine

165 (voie clathrine-dépendante), la filipine et la lovastatine (voie cavéoline-dépendante) ou encore la cytochalasine D et le 5-(N-éthyl-N-isopropyl)amiloride (EIPA) (macropinocytose).

Tableau 7.3. Résumé des expériences menées pour la détermination des voies d’endocytose employées par les conjugués peptidiques TRI36 et P36.

Colocalisation Inhibition TRI36 P36 TRI36 P36 Endocytose clathrine-dépendante Transferrine + + CPZ - - Endocytose cavéoline-dépendante CtB / / Nys o o Macropinocytose Dextran ++ ++ / / / Rafts lipidiques / / / MbCD o - Voie endosomale Endosomes précoces - - Chloroquine + + Endosomes tardifs + + Lysosomes ++ ++

Colocalisation. ++ : forte colocalisation ; + : colocalisation observable ; - : colocalisation non observée. Inhibition. + : effet observable et significatif ; o : effet observable mais non-significatif ; - : pas d’effet. / : conditions non-détérminées.

Au cours de l’analyse des mécanismes d’internalisation des conjugués *TRI36 et *P36, nous avons pu observer dans certaines cellules un marquage homogène du peptide *TRI36 dans le cytosol. En particulier, l’augmentation de la concentration de peptide administrée aux cellules a été corrélée à une hausse du pourcentage de cellules présentant ce marquage homogène. Même si ces résultats doivent être confirmés, ils pourraient être corrélés à ceux de Duchardt et al267 ou de Tünnemann et al302, qui mettent en évidence un changement du mécanisme d’internalisation de CPP fortement cationiques lorsque leur concentration extracellulaire augmente ; ou encore à ceux de Magzoub et al303 qui soulignent l’existence d’un lien entre la concentration de peptide administrée aux cellules et la capacité dudit peptide à s’échapper des endosomes. Dans notre cas, et au vu de l’absence d’interaction de *TRI36 avec des LUV mimant la membrane plasmique, il est possible qu’en augmentant la concentration de peptide administrée son mécanisme d’internalisation soit inchangé mais que sa capacité à déstabiliser les endosomes soit affectée. Pour soutenir cette théorie, il serait envisageable dans un futur proche de réaliser des essais de fuite in vitro permettant d’estimer le potentiel de déstabilisation de LUV reproduisant la composition lipidique des endosomes de TRI36 et P36. Il serait également intéressant d’étudier l’effet de la chloroquine pour différentes concentrations de *TRI36.

7.2.4. Conclusion

Dans la première partie de cette thèse, nous avons été capables d’identifier et sélectionner deux CPP (TRI et Pen) qui, une fois couplés au peptide iCAL36, lui permettent d’être internalisé dans le cytoplasme

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sans provoquer de cytotoxicité. Ces deux conjugués peptidiques présentent une efficacité de transfection sur trois types cellulaires pertinents (Caco-2, Calu-3 et CFBE41o-) dans le cadre de la mucoviscidose et maintiennent une affinité pour la cible biologique du peptide iCAL36, le domaine PDZ de la protéine CAL. De plus, le CPP TRI présente une résistance innée aux protéases qui sera extrêmement utile pour une future administration dans les poumons des patients CF.

Nous avons également pu caractériser de façon extensive de mécanisme d’entrée des conjugués peptidiques TRI36 et P36 dans des cellules Caco-2. L’absence d’interaction de ces peptides avec les composants lipidiques de la membrane plasmique ont permis de postuler une internalisation par les voies d’endocytose, ce qui a pu être confirmé par des inhibiteurs et marqueurs d’endocytose. Nous avons mis en évidence le piégeage partiel des conjugués peptidiques dans les endosomes, mais avons observé que pour *TRI36, une variation de la concentration de peptide administré peut faciliter la fuite du peptide hors des membranes endosomales. Ces résultats, associés à l’absence de leakage de LUV de composition lipidique reflétant la membrane plasmique, semblent indiquer que Tat retro inverso déstabiliserait sélectivement les membranes endosomales sans affecter les membranes plasmiques, permettant une libération efficace du peptide iCAL36 dans le cytosol sans présenter de cytotoxicité.

Développement de peptides thérapeutiques iCAL

de seconde génération (iCAL-2G)

7.3.1. Optimiser la séquence du peptide iCAL36 pour diminuer sa