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CHAPITRE 1 - ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE

1.2.2. Méthodes de criblage applicables à l’analyse des PPI

1.2.2.2. Criblage des PPI par synthèse SPOT

1.2.2.2.1. Principe et mode opératoire de la synthèse SPOT

La synthèse SPOT est une technique robuste de criblage des PPI qui repose sur la synthèse parallèle de milliers de séquences sur une membrane de cellulose, suivie de l’incubation de cette membrane peptidique avec une protéine d’intérêt (Figure 1.13A). Elle présente des similarités avec la méthode « one-bead-one-compound » qui permet la création d’une banque combinatoire de peptides supportés sur résine153 : cependant la synthèse SPOT est plus flexible dans le choix des séquences, et ne requiert pas d’analyses complémentaires pour identifier les séquences efficaces. Initialement présentée par Frank en 1992154, elle a été significativement optimisée ces dernières années155–157. Tout d’abord manuelle, la synthèse des peptides peut aujourd’hui être réalisée de façon semi- ou entièrement automatisée : les séquences sont entrées dans un logiciel connecté à un robot, qui dispense alors de manière contrôlée les gouttes d’aminoacides sur la membrane.

La première étape de la synthèse SPOT est la conversion des groupements hydroxyle de la cellulose en motifs amine, qui sont plus réactives pour le couplage des acides aminés : pour cela la membrane est traitée par des molécules bifonctionnelles formant une liaison ester, éther ou amine avec le support. Les supports les plus utilisés sont des membranes β-alanine (liaison ester) ou N-CAPE (pour N-modified cellulose amino-hydroxypropyl ether, liaison éther)158–160. On couple ensuite sur la membrane des aminoacides orthogonalement protégés suivant la stratégie Fmoc (fluorénylméthoxycarbonyle) : chaque réaction est confinée dans un spot de quelques millimètres de diamètre, la localisation spatiale des chaînes peptidiques en croissance est donc contrôlée (Figure 1.13B). La membrane est ensuite traitée par de la pipéridine qui déprotège le groupement Fmoc, libérant la partie N-terminale de l’aminoacide et permettant par la suite l’addition d’un nouvel aminoacide. Des cycles de couplage peptidique et de déprotection sont ainsi enchaînés pour construire les séquences peptidiques résidu par résidu : des étapes d’acétylation peuvent être introduites pour bloquer les positions n’ayant pas totalement réagi (capping) et empêcher l’accumulation de délétions dans les séquences. A l’issue de la synthèse, un traitement avec une solution concentrée d’acide trifluoroacétique permet de cliver les groupes protecteurs des chaînes latérales des peptides.

La membrane peptidique (peptide array) peut alors être incubée avec la protéine d’intérêt : les interactions peptide-protéine sont révélées par un système d’anticorps reconnaissant la protéine et portant une enzyme HRP (horseradish peroxidase), ce qui permet la révélation et l’analyse semi-quantitative des PPI par chimiluminescence.

1.2.2.2.2. Applications de la méthode

La synthèse SPOT permet de tester simultanément des milliers de séquences peptidiques différentes. Ces séquences peuvent être sélectionnées de façon aléatoire ou correspondre à un ensemble de séquences préalablement définies. Pour identifier les partenaires d’interaction d’une protéine, on peut par exemple construire une banque de séquences de peptides aléatoires qui permettra d’identifier de novo des peptides affins pour une cible protéique donnée.

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Figure 1.13. Préparation de banques peptidiques par synthèse SPOT.

(A) Schéma résumant les différentes étapes de la synthèse SPOT suivant la stratégie Fmoc. (B) Photo d’un robot « spotteur » semi-automatique (ASP222, Intavis AG) lors d’une phase de couplage156. La membrane de cellulose a les dimensions d’une plaque multi-puits et comporte 2000 spots. Les spots sont marqués au bleu de bromophénol.

La synthèse SPOT est plus généralement utilisée pour cribler une interaction connue entre deux protéines X et Y, dans le but de mieux comprendre cette interaction et/ou de développer des peptides d’interface. Pour cela, une série de librairies peptidiques peut être synthétisée selon le schéma suivant.

1. La première étape consiste à synthétiser une série de courts peptides chevauchants (environ 10-15 résidus) couvrant la séquence primaire de la protéine X, et à incuber cette banque peptidique avec la protéine Y. A l’aide de ce « PepScan » on peut déduire quelle partie de la protéine X interagit avec Y (Figure 1.14A).

2. Une fois cet épitope identifié, il est possible de préparer une membrane d’analogues de ce peptide tronqués N- et C-terminalement, ce qui permet d’identifier le peptide minimal requis pour l’interaction avec la protéine Y.

3. Pour mieux comprendre le rôle de chaque acide aminé de la séquence de l’épitope, une analyse de substitution (ou « SubAna ») peut être effectuée. En pratique, chaque position du peptide est remplacée par les 20 aminoacides : pour un peptide de 10 résidus, on synthétise donc 200 analogues. Cela permet d’identifier les positions-clés de l’interaction des protéines X et Y. La Figure 1.14B montre par exemple que l’isoleucine en position P0 (acide aminé C-terminal) ne peut être remplacée que par une leucine ou une valine, soulignant l’importance d’avoir un résidu hydrophobe ramifié en cette position.

4. Enfin, pour étudier d’éventuelles synergies entre deux positions d’une séquence peptidique, il est aussi possible de réaliser des analyses mutationnelles combinatoires (« CombLib »). Un exemple est donné avec la séquence P-5P-4TSII (Figure 1.14C) : pour analyser les positions P-5 et P-4 on synthétise 400 analogues, chacun portant un couple (P-5, P-4) différent tandis que les autres positions restent constantes. Des mutations à deux positions de la séquence peptidique peuvent potentiellement permettre d’identifier des remplacements qui n’auraient pas été visibles en analyse mono-mutationnelle (SubAna).

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Figure 1.14. Principes du PepScan, de la SubAna et de la CombLib.

(A) PepScan : la séquence d’une protéine X est découpée en courts peptides chevauchants qui sont synthétisés sur des spots. Ici, l’épitope de la protéine X correspond au 11-mère IQFGYGPTIAE. (B) SubAna : chaque position du peptide ANSRWPTSII est remplacée par chacun des aminoacides naturels existants. (C) CombLib : une séquence est synthétisée pour chaque couple d’aminoacides correspondant aux deux positions du peptide P-5P-4TSII. Les positions P-5 et P-4 sont remplacées par chacun des aminoacides naturels existants tandis que les autres positions restent constantes.

1.2.2.2.3. Construction de banques peptidiques à extrémité C-terminale libre

L’application de la synthèse SPOT au criblage d’interactions entre les domaines PDZ et leurs partenaires d’interaction était initialement freinée par une limitation technique de taille : la synthèse chimique est réalisée en élongation N-terminale, l’extrémité C-terminale du peptide étant fixée à la membrane. Or il est indispensable que le carboxyle terminal du peptide soit disponible pour que l’interaction avec le domaine PDZ ait lieu.

Au cours des vingt dernières années, le groupe du Prof. J. Schneider-Mergener puis notre groupe ont développé et optimisé une stratégie pour synthétiser des peptides avec une extrémité C-terminale accessible, tout en conservant leur connexion avec le support. Les premiers essais impliquaient la cyclisation d’un acide glutamique C-terminal et d’une β-alanine N-terminale, puis un clivage basique permettant la libération du carboxyle de la chaîne peptidique161. Dans sa dernière version (Figure 1.15), cette méthode implique l’incorporation d’un motif acido-labile (acide p-[hydroxyméthyl] phénoxyacétique, HMPA) et d’une cystéine en position C-terminale du peptide, qui forme une liaison avec un motif bromoacétique (BrAc)

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couplé en position N-terminale du peptide. La liaison peptide-linker est ensuite rompue lors du traitement par le TFA, libérant alors l’extrémité C-terminale du peptide162.

Cette procédure ne nécessite pas d’équipement supplémentaire et peut être réalisée avec des réactifs simples, à l’exception du 2,4-dinitrophénolate de bromoacétyle qui n’est pas commercialisé. Elle ne provoque pas d’oxydation des cystéines et est compatible avec l’usage d’aminoacides phosphorylés, ce qui la rend aussi pertinente pour étudier des modifications post-traductionnelles163.

Figure 1.15. Processus du peptide inversé.

(A) Schéma explicatif du processus du peptide inversé. BrAc : motif bromoacétyle. TFA : acide trifluoroacétique. HMPA : acide p-(hydroxyméthyl)phénoxyacétique. (B) Etapes-clés du processus. (a) Couplage du motif bromoacétique. (b, c) Déprotection sélective de la cystéine tritylée (Trt) par action d’une solution diluée d’acide trifluoroacétique, puis formation du macrocycle en conditions basiques. (d) Clivage simultané du linker HMPA (acide p-[hydroxyméthyl]phénoxyacétique) et des protections des chaînes latérales.

A

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