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CHAPITRE 4 - OPTIMISATION DE L’INTERNALISATION CELLULAIRE DU PEPTIDE ICAL36 A L’AIDE DE PEPTIDES

4.4.4. Trafic intracellulaire des conjugués *TRI36 et *P36

Pour compléter l’étude du mécanisme d’internalisation des conjugués *CPP-iCAL36, nous nous sommes intéressés à leur devenir une fois à l’intérieur de la cellule. Un composé absorbé par endocytose sera encapsulé dans des endosomes (dits endosomes précoces) dont le pH sera progressivement acidifié au cours de leur parcours dans la cellule : ils deviendront des endosomes dits tardifs, puis fusionneront avec les lysosomes où les peptides seront recyclés ou dégradés. Pour observer une activité des conjugués CPP-iCAL36 entrant par endocytose, il est vital qu’ils puissent s’échapper des endosomes : il serait donc intéressant d’évaluer leur potentiel à sortir des endosomes.

Le peptide, de par son accumulation dans les endosomes, voit sa concentration locale augmenter et peut être alors partiellement soumis à un phénomène de quenching de proximité (voir chapitre 3) induisant une diminution de fluorescence globale intracellulaire. Lorsque le peptide s’échappe des endosomes, le quenching de proximité partiel est aboli, ce qui engendre une augmentation de la fluorescence intracellulaire. Pour évaluer ce phénomène, il est possible de traiter les cellules par de la chloroquine (CQ), une petite molécule pharmacologique qui bloque l’acidification des endosomes et provoque le relargage de leur contenu dans le cytosol300,301. La variation de fluorescence observée permet d’évaluer qualitativement la proportion de peptide piégé dans les endosomes.

Les cellules Caco-2 ont été prétraitées pendant 30 min avec CQ, puis les conjugués *TRI36 (5 µM) ou *P36 (1 µM) ont été ajoutés pendant 1,5 heures toujours en présence de la CQ (Figure 4.13A). Le traitement des cellules Caco-2 par la CQ n’induit pas de cytotoxicité significative par rapport aux cellules non-traitées (80% ± 10%). En revanche, l’ajout de CQ double le signal de fluorescence intracellulaire des conjugués *TRI36 et *P36, ce qui met en évidence le relargage des peptides hors des endosomes. Ces résultats confirment l’implication d’un mécanisme d’endocytose et indiquent qu’une fraction non-négligeable des conjugués *CPP-iCAL36 est piégée dans les endosomes après 1,5 h de transfection. Les mêmes conclusions ont été observées sur des cellules CFBE41o- (Figure 4.13B), indiquant que le mécanisme d’endocytose et le piégeage par les endosomes ne sont pas spécifiques des cellules Caco-2.

Pour confirmer ces résultats, nous avons réalisé des expériences de colocalisation entre les conjugués *CPP-iCAL36 et des marqueurs spécifiques des endosomes précoces (EE-GFP), des endosomes tardifs (LE-GFP) et des lysosomes (LysoTracker®) (Figure 4.14).

Les deux peptides ne colocalisent pas avec les marqueurs des endosomes précoces. En revanche, ils présentent un degré de colocalisation modéré avec les endosomes tardifs et une colocalisation forte avec

113 les lysosomes. Ces résultats semblent indiquer qu’après 1,5 h d’incubation, la majorité du peptide internalisé par endocytose se retrouve dans les lysosomes. Pour obtenir plus d’informations, il serait intéressant d’observer les cellules après un temps de transfection plus réduit (15-30 minutes) ou en suivi cinétique (« time-lapse » en microscopie confocale).

Figure 4.13. Influence du relargage des conjugués *TRI36 et de *P36 hors des endosomes suite au traitement à la chloroquine.

Des cellules Caco-2 (A) et CFBE41o- (B) ont été ensemencées dans des plaques 24 puits puis cultivées 36 h à 37°C, 5% CO2 avant d’être traitées par de la chloroquine pendant 30 min, puis incubées avec *TRI36 (5 µM) ou *P36 (1 µM) dans l’OptiMEM pendant 1,5 h. Les échantillons cellulaires ont été lavés, trypsinés, centrifugés, repris dans un tampon contenant 0,1% de DAPI puis analysés par cytométrie de flux. NT : cellules non-traitées. Le traitement par CQ n’induit pas de cytotoxicité significative, mais provoque une hausse significative du signal de fluorescence intracellulaire des deux peptides.

En revanche, lors de transfections avec *TRI36 (5 µM) un marquage homogène du cytosol et du noyau de certaines cellules Caco-2 a pu être observé (Figure 4.15), en opposition aux signaux ponctués habituellement visibles (Figure 4.4, 4.5, 4.11 et 4.14). Lors d’un marquage homogène du cytosol, la colocalisation du peptide et du marqueur de lysosomes (Lysotracker) est faible ou quasi-inexistante.

Des résultats préliminaires ont également montré qu’une augmentation de la concentration de peptide administrée aux cellules (jusqu’à 20 µM) a été associée à une plus forte proportion de cellules présentant ce marquage homogène (données non-présentées). Ceci est intéressant au regard de différents travaux mettant en évidence qu’une variation de la concentration en peptide peut engendrer un changement de mécanisme d’internalisation de certains CPP d’une part267,302, et qu’au-delà d’une concentration seuil le peptide est capable de s’échapper des endosomes d’autre part303. Des expériences complémentaires devront être menées pour évaluer la pertinence de cette hypothèse comme par exemple en mesurant in vitro le potentiel des peptides à déstabiliser les endosomes (endosomal leakage).

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Figure 4.14. Images représentatives de la colocalisation des conjugués *TRI36 et de *P36 avec des marqueurs d’endosomes ou des lysosomes dans des cellules Caco-2.

Les cellules ont été ensemencées dans des boites de Petri à fond de verre (300.000 c/mL pour le marqueur de lysosomes, 150.000 c/mL pour les marqueurs d’endosomes) puis cultivées 36 h à 37°C, 5% CO2 (dont >16 h avec les marqueurs d’endosomes), avant d’être incubées à 37°C, 5% CO2 pendant 1,5 h avec *TRI36 (5 µM) ou *P36 (1 µM) dans l’OptiMEM, puis marquées avec Hoechst 33342 (bleu), lavées et observées. Pour le marquage des lysosomes, le LysoTracker® a été co-incubé avec les peptides. La colocalisation entre le peptide (rouge) et les marqueurs (vert) apparait en jaune. De façon similaire pour les deux peptides, la colocalisation avec le marqueur d’endosomes précoces est nulle, la colocalisation avec le marqueur d’endosomes tardifs est plus intense et la colocalisation avec le marqueur de lysosomes est forte. Cela pourrait indiquer qu’au bout de 1,5 h, la fraction internalisée du peptide est soit relarguée dans le cytosol, soit déjà intégrée aux lysosomes.

Figure 4.15. Images représentatives de cellules Caco-2 présentant un marquage homogène de peptide *TRI36. Les cellules ont été ensemencées dans des boites de Petri à fond de verre (300.000 c/mL) puis cultivées 36 h à 37°C, 5% CO2, avant d’être incubées pendant 1,5 h avec *TRI36 (5 µM) et le LysoTracker® dans l’OptiMEM, puis marquées avec Hoechst 33342 (bleu), lavées et observées. Le marquage de la cellule par *TRI36 (rouge) est homogène et observé dans le cytoplasme mais aussi dans les compartiments nucléaires. La colocalisation avec les lysosomes (vert) est faible et ne semble pas refléter une localisation du peptide dans les lysosomes.

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4.4.5. Conclusion

Dans cette partie, nous avons caractérisé par différentes méthodes le mécanisme d’internalisation des conjugués *TRI36 et *P36 par les cellules Caco-2. Nous avons mis en évidence l’absence d’interaction des peptides marqués et non-marqués avec les bicouches lipidiques, puis prouvé la dépendance énergétique du mécanisme d’internalisation des peptides. Ces résultats, associés à l’étude de la localisation cellulaire des peptides, nous ont permis d’éliminer l’hypothèse d’un mécanisme de translocation directe aux concentrations étudiées. Les analyses suivantes ont fait apparaitre la capacité de *TRI36 et *P36 à suivre un processus basé sur les voies d’endocytose. L’implication spécifique de ces différentes voies n’a toutefois pas pu être élucidée avec certitude. Enfin, en étudiant le devenir des peptides une fois dans la cellule, il est apparu qu’une part importante de *CPP-iCAL36 colocalise avec les lysosomes et y est probablement dégradée. Toutefois, dans certaines cellules on observe un marquage homogène du peptide associé à une colocalisation non-spécifique avec les lysosomes, ce qui pourrait indiquer une fuite des endosomes ou une translocation directe initiées à partir d’une concentration peptidique seuil. Des expériences complémentaires seront ultérieurement réalisées pour caractériser ce phénomène plus en détail.

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Chapitre 5

-

Optimisation du processus

des peptides inversés

(PIPE

PLUS

) pour

le screening de ligands

des domaines PDZ