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Au sein des services d'hématologie de l'Hôpital Saint-Louis, destinés à la surveillance et au traitement des malades, certains médecins menaient en outre une activité de recherche, orientée d'une part vers les leucémies et autres hémopathies malignes, d'autre part vers les affections sanguines non malignes. Ces recherches constituaient la « section clinique » de l'IRLMS et se partageaient entre études pathologiques et essais thérapeutiques essentiellement chimiothérapeutiques. Ces recherches étaient permises par le grand nombre de patients hospitalisés au Centre Hayem ou dans d'autres bâtiments. Entre le 1er mai 1960 et le 31 décembre 1961, soit en un peu moins de 2 ans, 232 leucémiques aigus, dont 130 enfants et 102 adultes, furent suivis à l'Hôpital Saint-Louis1. En 1964, le département d'hématologie adultes comptait 56 lits, celui d'hématologie enfants 74 lits et le nombre de malades consultants externes s'élevait à 60 par jour2. Enfin, entre le 1er janvier et le 30 octobre 1971, le service d'hématologie reçut 2660 nouveaux malades, toutes pathologies confondues3.

Recherches thérapeutiques

L'unité chargée d'appliquer les nouvelles chimiothérapies rassemblait Claude Jacquillat, Maryse Weil et Michel Boiron. Ils rédigeaient les protocoles de traitement et les questionnaires de suivi, ils assuraient leur diffusion aux internes et aux médecins du service et ils distribuaient aux malades concernés les médicaments à l'étude4. L'homologation et les modifications de ces protocoles étaient soumises au Comité de chimiothérapie, supervisé par Jean Bernard, auquel les médecins du service proposaient des changements. Par exemple, en 1964, François Kourilsky proposa de retarder de deux jours le début du traitement par le Purinéthol après la fin de la corticothérapie5. L'année suivante, Jean Bernard demanda à Claude Jacquillat d'interrompre un protocole qui n'avait pas été discuté par le comité6.

On peut distinguer plusieurs « ères thérapeutiques », selon l'expression de Jean Bernard, dans l'histoire du traitement de la leucémie aiguë. La première période s'étend de 1947 à 1954. En 7 ans, 5 types de traitements furent successivement proposés : l'exsanguino- transfusion et les antifoliques, l'ACTH et la cortisone, la 6-mercaptopurine. Ils furent testés seuls et associés. La deuxième période, 1954-1962, au cours de laquelle aucune substance nouvelle ne fut employée, fut consacrée à l'amélioration des modalités thérapeutiques (dose, voie d'administration, type et chronologie des combinaisons). En 1965, Jean Bernard qualifiait ces huit années de « période de déceptions, de stagnation »7. En 1963, s'ouvrit une nouvelle période marquée par l'apparition de nouvelles médications : vincristine, méthylgag, rubidomycine, cytosine arabinoside et asparaginase. Celles-ci donnèrent lieu à des associations différentes selon le type cellulaire, à la fois plus complexes et plus agressives,

1 Bernard J., Seligmann M., Tanzer J., Lapresle J., Boiron M., Najean Y., Les localisations neuro-méningées des

leucémies aiguës et leur traitement par les injections intrarachidiennes d’améthoptérine, Nouv. Rev. Fr. Hemat.,

2 : 812-852, 1962.

2 Fonds IUH, article 1, note concernant l'IRLMS, 1964. 3 Fonds IUH, article 1, rapport de l'IRLMS pour 1970-1971.

4 Fonds IUH, article 1, note concernant l'IRLMS, 1964 ; article 80, Chimiothérapie, demande d'attribution de locaux supplémentaires, octobre 1977.

5 Fonds IUH, article 80, Chimiothérapie, lettre de Jean Bernard à Claude Jacquillat, 17.12.1964. 6 Fonds IUH, article 80, Chimiothérapie, lettre de Jean Bernard à Claude Jacquillat, 23.02.1965. 7 Bernard J., Traitements actuels des leucémies aiguës, L'omnipraticien français, 31 (8) : 539-542, 1965.

impliquant l'amélioration des traitements symptomatiques et du soutien psycho-affectif des malades. Durant cette période, la vision du progrès vers la guérison fut modifiée, du moins pour l'équipe de Jean Bernard et en partie à la suite de l'étude des très longues rémissions. Il leur sembla nécessaire d'associer chimiothérapie et immunothérapie. Au cours des années 1970, aucune nouvelle série chimique ne fit son entrée dans l'arsenal anti-leucémique1.

Bilan des premières chimiothérapies (1961-1964) Caractérisation de la rémission complète

En 1961, les chercheurs du Service d'hématologie de l'Hôpital Saint-Louis étudièrent la rémission complète chez 300 enfants atteints de leucémie aiguë, traités entre le mois de janvier 1956 et le mois de décembre 1960.

La définition de la rémission complète utilisée par l'équipe de Jean Bernard dans les années 1960 était devenue beaucoup plus précise que celle des années 1950 (voir annexes 14 et 37). Jean Bernard trouvait trop élevés, trop éloignés de la normalité, les critères choisis en 1956 par le Panel des études cliniques (Clinical Studies Panel) du Centre national de chimiothérapie anticancéreuse américain (Cancer Chemotherapy National Service Center). Ce comité prenait comme limite supérieure 10 % d'hémoblastes et 20 % de lymphocytes dans la moelle des enfants.

Jean Bernard et ses collaborateurs s'intéressèrent, d'une part, à l'influence sur le taux de rémissions complètes, de l'âge, du sexe, des signes cliniques, de l'hémogramme initial et du délai entre les premiers symptômes et le début du traitement. D'autre part, ils étudièrent la chronologie des modifications sanguines et médullaires au cours des rémissions complètes. Le premier travail avait un intérêt pronostique, le second, un intérêt pour la conduite du traitement et l'évaluation de son efficacité.

L'équipe de Jean Bernard confirma que la rémission complète était fréquente dans la leucémie lymphoblastique (62 % de 180 cas) et rare dans les leucémies granuleuses, c'est à dire la leucémie myéloblastique (12,5 % de 80 cas), la leucémie promyélocytaire (12% de 25 cas) et la leucémie histiomonoblastique (6 % de 15 cas). Ceci était principalement lié à l'inégale répartition des types cytologiques selon l'âge, les enfants ayant beaucoup plus fréquemment des leucémies lymphoblastiques et les adultes des leucémies myéloblastiques. Toutefois, ils constatèrent que, dans la leucémie aiguë lymphoblastique, la fréquence de la rémission était aussi fonction de l'âge. La plus grande fréquence des rémissions complètes chez l'enfant n'était donc pas uniquement due à la prédominance du type cellulaire lymphoblastique dans cette tranche d'âge. Ils vérifièrent, par ailleurs, que les rémissions complètes étaient moins fréquentes dans les formes très leucémiques, avec un taux initial de globules blancs dans le sang supérieur à 10.000/mm3.

L'installation de la rémission complète fut étudiée au niveau clinique, sanguin et médullaire. Cet état, d'apparence normal, était atteint en 5 jours à 9 semaines selon le traitement utilisé. Les signes cliniques disparaissaient généralement très vite. Dans le sang, ils retrouvèrent ce que d'autres auteurs avaient déjà constaté, que les hémoblastes disparaissaient d'abord, puis, « fait curieux », que le taux des lymphocytes augmentait temporairement, que s'élevait ensuite celui des polynucléaires et, en dernier lieu, celui des plaquettes (voir annexe 38).

L'étude de la chronologie des modifications médullaires en cours de rémission complète nécessitait d'imposer aux enfants des ponctions toutes les 48 heures. Après une

période d'hésitation due au caractère douloureux de l'opération, les chercheurs de l'Hôpital Saint-Louis menèrent cette étude chez 30 enfants traités par des tranquillisants et des antalgiques. Ils constatèrent la disparition très rapide des hémoblastes, suivie d'une érythroblastose et d'une augmentation des lymphocytes. S'élevait ensuite le taux des granulocytes puis des mégacaryocytes, les précurseurs des plaquettes (voir annexe 38). Cette étude de l'évolution cytologique de la moelle pendant la rémission complète eut une conséquence théorique et une conclusion pratique. Premièrement, la lymphocytose demandait une explication, des études utilisant la thymidine tritiée ayant indiqué que ces lymphocytes ne provenaient pas de la transformation de lymphoblastes. Deuxièmement, il était inutile, une fois la rémission initiée, de faire d'autres ponctions médullaires tant que le taux de plaquettes n'était pas revenu à la normale.

Enfin, Jean Bernard et ses collaborateurs cherchèrent des signes annonciateurs de la rechute. Sur 86 rechutes de leucémie aiguë lymphoblastique, 63 furent médullaires, totales et du type cellulaire de la première phase évolutive. 23 se firent par une atteinte médullaire isolée et/ou dans des territoires localisés, généralement dans les méninges, les testicules ou la rate1.

Mécanisme de la rechute

En 1962, Jean Bernard et ses collaborateurs jugeaient la persistance de cellules leucémiques probable, bien qu'ils n'en eussent jamais observées à l'autopsie de patients morts accidentellement en rémission. Ils admettaient trois hypothèses expliquant la rechute : celle d'une simple progression géométrique, celle de la « quiescence » des cellules cancéreuses et celle de la progression géométrique compensée par des mécanismes anti-leucémiques efficaces tant que le nombre de cellules leucémiques restait en dessous d'un certain seuil. La grande variabilité de la durée des rémissions rendait douteuse la première hypothèse. La fréquence des mutations spontanées dans la moelle normale et les rechutes méningées, survenant dans des territoires échappant aux réactions immunitaires accréditaient la troisième2. L'inégale tolérance de l'organisme à des inflitrations leucémiques apparemment identiques s'inscrivait dans le cadre de ce qui était alors appelé la question de la « compensation » ou de la « décompensation » des hémopathies malignes3. Dans tous les cas, un traitement d'entretien était théoriquement utile.

En 1964, Jean Bernard ajouta une autre hypothèse à celles déjà proposées pour expliquer les rechutes. Cette hypothèse, qui avait alors sa préférence, disait que toutes les cellules leucémiques avaient été détruites par les agents chimiothérapeutiques mais qu'il persistait dans l'organisme un trouble viral, endocrinien ou autre qui générait de nouvelles cellules malignes4.

1 Bernard J., Seligmann M., Weil M., Les « leucoses aiguës » au long cours, Nouv. Rev. Fr. Hémat., 1 : 172-201, 1961. Bernard J., Boiron M., Weil M., Lévy J.P., Seligmann M., Najean Y., Etude de la rémission complète de la

leucémie aiguë (analyse de 300 cas), Nouv. Rev. Fr. Hématol., 2 : 195-222, 1962. Bernard J., Complete remissions in acute leukemia, Israel J. Med. Sci., 1 (6) : 1316-1322, 1965.

2 Bernard J., Boiron M., Weil M., Lévy J.P., Seligmann M., Najean Y., Etude de la rémission complète de la

leucémie aiguë (analyse de 300 cas), Nouv. Rev. Fr. Hématol., 2 : 195-222, 1962.

3 Bernard J., Seligmann M., Weil M., Les « leucoses aiguës » au long cours, Nouv. Rev. Fr. Hémat., 1 : 172-201, 1961.

Evaluation des traitements

Leucémies aiguës lymphoblastiques

L'administration simultanée d’aminoptérine et de cortisone, proposée en 1950 par Jean Bernard, avait permis, sur une première série « restreinte » de patients, d'obtenir 64 % de rémissions complètes. Ce taux était très supérieur à celui enregistré avec les antifoliques employés seuls. Mais, comme il n'était pas supérieur à celui obtenu avec la ∆-cortisone (prednisone) seule, l'association fut abandonnée pour les leucémies aiguës lymphoblastiques. L'association d'emblée de la cortisone et de la 6-mercaptopurine ne donna pas non plus de résultats supérieurs à ceux obtenus avec la ∆-cortisone seule à forte dose. Il en fut de même pour la triple association antifolique-antipurine-corticoïde. Par contre, lorsque les chercheurs de l'Unité de chimiothérapie prescrivirent un traitement d'attaque (ou d'induction, par francisation du terme anglosaxon) par la prednisone suivi d'un traitement d'entretien par la 6-mercaptopurine, les résultats furent meilleurs. Alors que précédemment, la durée de vie médiane était de 3 mois, elle atteignit ainsi 7,5 mois (voir annexes 39 et 40).

Leucémies aiguës myéloblastiques

Les leucémies myéloblastiques étaient moins sensibles aux traitements disponibles. En 1961, la durée de vie médiane dans ce type de leucémie, calculée à partir de 80 cas traités à l'Hôpital Saint-Louis, était de 4,5 mois.

L'association antifolique-cortisone, utilisée à partir de 1950 par l'équipe de Jean Bernard, fut utilisée plus longtemps dans les leucémies granuleuses parce qu'elle donnait une pourcentage de rémission complète plus élevé que les corticoïdes seuls, y compris la ∆- cortisone1. Elle fut remplacée par l'association triple de 6-mercaptopurine, d’a-méthoptérine et

de cortisone, qui était considérée par Jean Bernard, en 1964, comme le meilleur traitement alors disponible2.

Complications neuro-méningées

L'emploi des agents chimiothérapeutiques favorisa des localisations leucémiques inhabituelles avant l'ère thérapeutique et, en particulier, l'infiltration du cerveau. Les maigres progrès dus à la chimiothérapie étaient contrebalancés par cette forme de rechute de la maladie : « En dehors du risque mortel, il faut insister sur la cruelle menace que représente pour un leucémique l'atteinte neuro-méningée : céphalées atroces, cécité, troubles sphinctériens, etc. C'est dire qu'une thérapeutique aussi précoce que possible est nécessaire et légitime, même si elle n'augmente pas la durée de survie. ».

Cette nouvelle forme de la maladie était liée au faible passage des agents chimiothérapeutiques dans le liquide intrarachidien. Divers traitements furent testés. La ponction lombaire provoquait une amélioration mais de courte durée. Les rechutes neuro- méningées furent généralement traitées par irradiation de la tête aux rayons X jusqu'à ce que fussent employés les molécules anti-cancéreuses. Les premières injections intrarachidiennes furent pratiquées, au milieu des années 1950, avec de l'aminoptérine, chez des enfants présentant un grave syndrome d'hypertension intracrânienne. Elles donnèrent de bons résultats. Un peu plus tard, les chercheurs du Sloan-Kettering Institute (New York) utilisèrent

1 Bernard J., Boiron M., Weil M., Lévy J.P., Seligmann M., Najean Y., Etude de la rémission complète de la

leucémie aiguë (analyse de 300 cas), Nouv. Rev. Fr. Hématol., 2 : 195-222, 1962.

avec succès l'a-méthoptérine. Les hématologistes de l'Hôpital Saint-Louis essayèrent, par ailleurs, l'injection intrarachidienne d'hydrocortisone chez 2 patients ; l'un d'eux eut une rémission mais elle fut jugée inférieure à celles obtenues avec le l'a-méthoptérine ; l'essai fut alors stoppé. D'après l'expérience de l'équipe de Jean Bernard, la radiothérapie pouvait être très bénéfique mais elle avait des effets inconstants et souvent brefs ; ceux du traitement chimique étaient plus réguliers et plus durables.

A la fin de l'année 1961, Jean Bernard et ses collaborateurs s'intéressèrent à cette forme d'expression de la maladie. L'étude porta sur l'observation pendant 20 mois de 41 leucémies aiguës, 35 vues à l'Hôpital Saint-Louis et 6 suivies par l'un des auteurs dans trois services de pédiatrie parisiens, lesquels avaient pris en charge au total 29 leucémiques aigus durant cette période. A cette date, 71 observations de leucémiques traités par l'a-méthoptérine intrarachidienne avaient été publiées. Les 37 patients traités par l'équipe de Jean Bernard avaient reçu une injection de 0,1 à 0,3 mg/kg tous les 2 jours jusqu'à disparition des signes cliniques et biologiques ou apparition de signes toxiques. La dose totale administrée fut en moyenne de 2,1 mg/kg. L'analyse des résultats porta sur 32 cas de premier épisode neuro- méningé, 5 patients étant décédés précocement ou ayant été perdus de vue. Dans 53 % des cas, la rémission, déterminée par l'état clinique, l'état du liquide céphalo-rachidien et du fond de l'œil, fut complète. Les cliniciens de l’IRLMS n'enregistrèrent que 12,5 % d'échecs, ce qui était relativement encourageant. Par contre, les rechutes neuro-méningées ultérieures étaient très fréquentes. Toutefois, elles étaient généralement sensibles à de nouvelles injections d'a- méthoptérine, même lorsque celle-ci n'agissait plus sur les manifestations sanguines.

Cette étude montra, par ailleurs, que la fréquence des localisations neuro-méningées décelées cliniquement était de 15,7 %. Quatre études précédentes, réalisées par d’autres équipes et portant sur des séries de patients comparables, avaient donné des valeurs comprises entre 9,9 et 25 %. De plus, les chercheurs de l'IRLMS confirmèrent la fréquence nettement plus grande de ces complications dans les formes lymphoblastiques (x2 = 3,95 ; 0,02<p<0,05).

Les signes révélateurs furent examinés, de manière à faciliter la détection précoce. Les 102 épisodes neuro-méningés étudiés furent décelés le plus souvent par des céphalées (20 cas) ou des vomissements (18 cas), un peu moins souvent par une paralysie des nerfs crâniens, des signes médullaires ou radiculaires, des troubles visuels ou une somnolence (7 à 9 cas), plus rarement par des vertiges, des troubles psychiques, des convulsions, une baisse de l'audition, un coma, une hémiplégie ou des troubles de la parole (5 à 2 cas). Enfin, 4 cas furent soupçonnés respectivement à partir d'une chorée, d'un syndrome cérébelleux, d'un diabète insipide et d'une boulimie avec obésité. Dans 7 cas, ce furent les examens complémentaires qui établirent le diagnostic de neuro-méningite leucémique. Ils consistaient en un examen du fonds d'œil, un examen du liquide céphalo-rachidien, une radiographie du cerveau et un électroencéphalogramme. L'équipe de Jean Bernard attira l'attention sur l'œdème papillaire, témoignant très souvent d'une hypertension intracrânienne, ainsi que sur la leucoblastose souvent très élevée du liquide céphalo-rachidien, laquelle rendait utile l'examen systématique de ce dernier.

Enfin, Jean Bernard et ses collaborateurs montrèrent que la durée de survie des malades semblait liée au délai entre la première rechute méningée et le début de la maladie1.

Au milieu des années 1960, la fréquence des localisations méningées était estimée à une valeur 2 fois plus importante (30-40%) ; parallèlement, l'injection intra-rachidienne d'a-

1 Bernard J., Seligmann M., Tanzer J., Lapresle J., Boiron M., Najean Y., Les localisations neuro-méningées des

leucémies aiguës et leur traitement par les injections intrarachidiennes d’améthoptérine, Nouv. Rev. Fr. Hemat.,

méthoptérine était plus efficace : elle permettait dans 75 % des cas de guérir les méningites leucémiques1.

Les leucoses au long cours

En 1961, la chimiothérapie avait permis d'augmenter un peu la durée de vie des malades. Les morts rapides et les leucoses « au long cours » générant une grande dispersion autour de la moyenne, la durée des rémissions était désormais exprimée en médiane. Alors que la durée de vie médiane des malades non traités variait, selon les études, entre 2,7 et 4,5 mois, celle des enfants traités atteignait, selon les auteurs, 8 à 11,5 mois.

Cette année-là, Jean Bernard et ses collaborateurs recherchèrent, parmi 300 dossiers personnels de leucémies aiguës diagnostiquées à partir de 1956, des leucoses dont l'évolution avait duré au moins 20 mois, dans l'espoir d'y trouver des points communs. 31 observations furent retenues. Ce chiffre était en accord avec les résultats de Sidney Farber qui, en 1957, avait enregistré 10 % de survie supérieure à 21 mois. Si ces données allaient dans le bon sens, les résultats restaient modestes. Parmi les patients de l'Hôpital Saint-Louis, un seul était encore en vie au moment de la rédaction de l'article.

Afin de démasquer des éléments communs permettant d'expliquer et de prévoir la longue durée, l'équipe de Jean Bernard s'intéressa à l'âge, au sexe, au groupe sanguin, à l'état initial clinique et hématologique des malades, ainsi qu'au traitement suivi et à la durée de la première rémission. Aucun point commun ne put être dégagé. Ils notèrent simplement la rareté des formes hyperleucocytaires et la grande fréquence des premières rémissions complètes de plus de 10 mois. Parmi celles-ci, quatre furent très prolongées ; elles concernèrent des leucémies aiguës lymphoblastiques et atteignirent 22, 23, 25 et 28 mois. Paradoxalement, ces très longues rémissions complètes furent suivies de rechutes rapidement fatales quel que fût le traitement employé. En 1961, seulement cinq autres observations de ce type avaient été publiées2.

La deuxième rémission complète était toujours beaucoup plus difficile à obtenir. En 1962, sur 87 enfants en rechute de leucémie aiguë lymphoblastique, 36 % présentèrent une seconde rémission complète3. Deux ans plus tard, ce taux passa à 42 %, sur 88 cas ayant bénéficié d'une première rémission de ce type. Un seul patient en eut une troisième.

En 1964, la plus longue rémission complète obtenue par l'équipe de Jean Bernard était de six ans et se poursuivait. Cet enfant avait au départ une leucémie aiguë typique4. De très longues rémissions avaient également été obtenues dans la maladie de Hodgkin, une hémopathie maligne à début régional5. Cette même année, Joseph Burchenal, au Sloan- Kettering Institute (New York), rassembla les données venant des différents centres mondiaux spécialisés dans le traitement des leucémies aiguës ; les résultats étaient partout similaires6.

Deux ans plus tard, le nombre de cas de « rémissions complètes de très longue durée », c'est à dire de plus de quatre ans, observés à l'Hôpital Saint-Louis, était de 14. Chez 12 de ces patients, la première rémission avait duré plus de 3 ans. Le diagnostic de leucémie aiguë fut

1 Bernard J., Les leucémies de l'enfant, Päd. Fortbildungskurse, S. Karger, Bâle, vol. 11-12, 1964, p. 1-15. Bernard J., Traitements actuels des leucémies aiguës, L'omnipraticien français, 31 (8) : 539-542, 1965.

2 Bernard J., Seligmann M., Weil M., Les leucoses aiguës au long cours, Nouv. Rev. Fr. Hémat., 1 (2) : 172-201, 1961.

3 Bernard J., Boiron M., Weil M., Lévy J.P., Seligmann M., Najean Y., Etude de la rémission complète de la

leucémie aiguë (analyse de 300 cas), Nouv. Rev. Fr. Hématol., 2 : 195-222, 1962.

4 Bernard J., Les leucémies de l'enfant, Päd. Fortbildungskurse, S. Karger, Bâle, vol. 11-12, 1964, p. 1-15. 5 Bernard J., Bessis M., Peut-on guérir les leucémies ?, Nouv. Rev. Fr. Hémat., 5 (2) : 209-212, 1965.

6 Burchenal J., Long terms remissions in acute leukemia spontaneous and induced, Proc. 10th Cong. Int. Soc. Haemat., Stockholm, 1964.

confirmé par plusieurs cytologistes qui reéxaminèrent à l'aveugle les lames datant du début de la maladie. Le fait le plus encourageant était que sept de ces malades étaient toujours en rémission complète. La plus longue durait alors depuis 8 ans1. Ailleurs, le record était détenu