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Au 19ième siècle, les traitements utilisés étaient purement palliatifs, ils combinaient des fortifiants et des analgésiques. Au début du siècle suivant, le développement de la radiothérapie introduisit l'irradiation des organes hypertrophiés ou du corps entier, laquelle stabilisait parfois momentanément les formes chroniques. L'arsenic se montra aussi capable de soulager temporairement certains leucémiques.

Après la description des groupes sanguins par Karl Landsteiner en 1901, les transfusions de sang furent progressivement utilisées pour lutter contre l'anémie et les hémorragies dans les leucémies aiguës. Dans les années 1930, l'irradiation externe fut complétée par l'administration de composés radioactifs, tels le mésothorium ou le phosphore 32. Quelques améliorations temporaires continuèrent à être signalées mais elles restèrent très rares2.

Les considérations sur la leucémie de deux hématologistes polonais, apparaissant dans un article sur les progrès de leur discipline écrit en 1936, montrent à quel point les moyens de lutte contre cette maladie étaient limités : « Etant donné qu'en général, pas une des méthodes thérapeutiques actuelles ne prolonge la vie des leucémiques, le seul fait que, grâce à la radiothérapie, le malade n'est pas un invalide, mais qu'au contraire, son énergie vitale est quelquefois rétablie pour de longues années, a déjà une valeur notable. »3. Telle était la situation lorsque Jean Bernard commença à exercer et à tenter d'améliorer l'état des patients leucémiques.

La colchicine

Entre 1939 et 1944, Jean Bernard traita sept leucoses aiguës par des injections intramédullaires de colchicine. La colchicine, extraite des semences du colchique en 1884, était connue depuis l'Antiquité comme médicament de la goutte4. Vers 1935, Pierre Dustin, de l'Université libre de Bruxelles, avait découvert que cette substance exerçait une action inhibitrice sur les mitoses végétales, d'où son utilisation contre la prolifération des cellules cancéreuses5.

Jean Bernard recourut à l'injection intramédullaire de colchicine à raison de 1 à 3 mg en 6 à 12 injections espacées de 2 jours en moyenne. L'opération était réalisée à l'aide d'un trocart mis au point par Jacques Mallarmé. Dans cinq cas, ce traitement n'eut aucun effet. Dans les deux autres, une rémission fut observée, une d'un mois, l'autre de plusieurs : « Il

1 Bernard J., Titres et travaux scientifiques, Masson, Paris, 1956.

2 Wintrobe M., Hematology, the blossoming of a science, Lea and Febiger, Philadelphia, 1985. Index catalogue, Index medicus.

3 Itelson J., Kocen M., Les progrès de l'hématologie dans les dix dernières années, Le Sang, 10 : 602-616, 1936. 4 Chast F., Histoire contemporaine des médicaments, Editions La Découverte, Paris, 1995, p. 290.

5 Fonds IUH, article 18, correspondance avec Occelli R., texte de Jean Bernard sur les médicaments de la leucémie, 1978.

s'agissait d'une jeune fille de 20 ans suivie avec M. Jean Paraf. La leucose, qui se présentait sous une forme aiguë, prit un cours subaigu. Sans que le retour à la santé ait jamais été complet, la malade put se lever, vaquer à quelques occupations avant qu'une rechute l'emportât. Il est bien difficile de discerner si cette rémission fut spontanée ou si on peut en attribuer le mérite à la thérapeutique. »1. Dans six des sept cas traités, la moelle fut nettement

modifiée une dizaine de jours après les premières injections : la leucoblastose diminua et quelques myélocytes firent leur apparition. La formule rouge montra aussi une légère évolution dans le sens d'un comblement du hiatus leucémique. Enfin, des modifications sanguines ne se manifestèrent que dans deux cas.

Malgré l'échec thérapeutique, les effets de cette substance sur l'état général et les cellules médullaires furent jugés prometteurs. Ils permettaient d'envisager des résultats plus heureux, soit en modifiant la posologie soit avec d'autres produits. Mais la colchicine présentait un inconvénient important : son administration buccale ou intraveineuse ne provoquait pas de modifications semblables à celles obtenues par la voie médullaire2. La disproportion entre la difficulté de réalisation et la faiblesse des résultats freina probablement la multiplication des essais. Une telle expérience n'a à ma connaissance était reproduite qu'une fois en France, en 1945, par des médecins lyonnais. Elle porta sur deux cas de leucémie aiguë et ne se traduisit que par une légère baisse de la leucocytose et de la leucoblastose sanguines3.

L'exsanguino-transfusion

Du lit d'hôpital au laboratoire

A l'automne 1947, Marcel Bessis et Jean Bernard traitèrent pour la première fois un enfant atteint de leucémie aiguë par exsanguino-transfusion. Le résultat fut spectaculaire : « Michel, six ans, est admis à l'Hôpital Hérold à Paris en octobre 1947. La fièvre, les douleurs osseuses, l'extrême fatigue, les hémorragies, les gros ganglions sont les principaux symptômes. Le sang et la moelle osseuse contiennent de nombreuses cellules leucémiques. (...) Le sang de l'enfant est retiré et remplacé par le sang de plusieurs donneurs sains. Le grand échange de sang est bien toléré. Il est efficace. Quelques jours plus tard, l'enfant est transformé. Il est rose, vif, alerte. Tous les troubles sont corrigés. Les cellules leucémiques diminuent puis disparaissent. Le sang et la moelle osseuse redeviennent normaux. »4.

L'exsanguino-transfusion associe transfusion et saignée, de manière à ce que la masse sanguine reste à peu près constante. C'est ainsi qu'avaient été pratiquées les premières transfusions au 17ième siècle5.

La transfusion sanguine, interdite à la fin du 17ième siècle, reprit dans les années 1920 après la découverte des groupes sanguins. Elle excédait alors rarement un demi-litre de sang et n'était pas accompagnée de saignée. L'exsanguino-transfusion n'était pratiquée que dans

1 Bernard J. Les injections intra-médullaires chez l'homme, Le sang, 17 : 61-65, 1946, p. 63.

2 Bernard J., Leucémie aiguë. Essai de traitement par des injections intramédullaires de colchicine.

Modifications médullaires et sanguines, Le sang, 13 : 434, 1939. Bernard J., Les injections intra-médullaires chez l'homme, Le sang, 17 : 61-65, 1946.

3 Guichard A., Brette R., Philippe L., Essai de traitement de deux cas de leucémie aiguë par la colchicine intra-

médullaire, Le sang, 17 (4) : 247-249, 1946.

4 Bernard J., L'enfant, le sang et l'espoir, Editions Buchet/Chastel, Paris, 1984, p. 23-24.

5 Jeanneney G., Ringenbach G., Traité de la transfusion sanguine, Masson, 1940 cité par Bessis M., « L'exsanguino-transfusion en dehors de la maladie hémolytique du nouveau-né » in Les acquisitions médicales

quelques cas d'intoxication et se limitait à une saignée et à un apport d'au maximum un litre de sang.

Dans les années 1940, la méthode fut reprise et modifiée, simultanément aux Etats- Unis et en France, pour traiter les nourrissons souffrant de la maladie hémolytique du nouveau-né, maladie au cours de laquelle des anticorps maternels provoquent la destruction des globules rouges de l'enfant. Il s'agissait désormais de remplacer 85 à 95% du sang du malade par celui de donneurs, de réaliser une véritable « substitution sanguine ». Aux Etats- Unis, il s'agissait des travaux des équipes d'Alexander Wiener (1907-1976) à l'Université de New York, de Ralph Wallerstein (né en 1922) au Memorial Hospital de Boston et de Louis Diamond (1902-1999) au Children's hospital de Boston1. En France, la technique fut mise au point, chez le chien puis l'enfant, par Arnault Tzanck, Marcel Bessis et Michel Burstein, au Centre national de la transfusion sanguine2.

Cette période fut caractérisée par diverses améliorations techniques visant à limiter la coagulation du sang en cours de transfusion. Alexander Wiener introduisit l'utilisation d'héparine et Louis Diamond celle de cathéters issus de l'industrie des matières plastiques. Le métacrylate de méthyle et le polyéthylène possédaient en effet la propriété intéressante de doubler le temps de coagulation du sang. Les tubes souples que ces matériaux permettaient de fabriquer facilitèrent en outre grandement les injections et les prélèvements. Auparavant, le sang était injecté par une veine du bras pendant qu'une saignée était pratiquée par la veine du sinus longitudinal supérieur, juste au-dessous des os du crâne. Or les veines sont difficilement accessibles chez les nouveaux-nés. Louis Diamond introduisait un cathéter dans la veine ombilicale et, à l'aide d'une seringue, pratiquait à ce niveau plusieurs séries d'aspirations suivies d'injections (voir annexe 4).

Ces cathéters, également très pratiques pour les expériences sur les animaux, étaient convoités en Europe. Marcel Bessis trouva un fabricant potentiel mais celui-ci ne parvenait pas à fabriquer des cathéters de la longueur et du diamètre de ceux utilisés par Louis Diamond. C'est finalement ce dernier qui en fournit au Centre national de la transfusion sanguine3. Marcel Bessis avait fait sa connaissance par l'intermédiaire de Jean-Pierre Soulier

(né en 1915), un ami du Centre national de la transfusion sanguine qui venait de passer un an à Boston dans le laboratoire du spécialiste de l'anémie pernicieuse Georges Minot (1855- 1950). En 1947, Louis Diamond avait aidé Marcel Bessis à préparer une visite des laboratoires de la côte Est, en contactant les spécialistes du cancer, Cornelius Rhoads, directeur du Memorial hospital de New York, et Schields Warren, pathologiste en Chef du Deaconess Hospital4. Pour en revenir aux difficultés d'approvisionnement en cathéters, signalons qu'André Eyquem, un médecin immunologiste de l'Institut Pasteur qui mit au point un test de dépistage de la maladie hémolytique du nouveau-né, s'en procura par l'intermédiaire de son oncle, lequel travaillait en Grande Bretagne dans une firme productrice de fibres électriques5.

En 1947, le traitement par exsanguino-transfusion avait fait ses preuves dans le cas de la maladie hémolytique du nouveau-né ; il permettait de sauver plusieurs milliers de nourrissons chaque année. Il commençait également à être utilisé avec succès dans les anuries, des intoxications par défaut de fonctionnement du rein. Son application à la leucémie aiguë découla d'observations cliniques et d'hypothèses sur le mode d'action du remplacement du

1 Bessis M., « L'exsanguino-transfusion en dehors de la maladie hémolytique du nouveau-né » in Les

acquisitions médicales récentes, Editions médicales Flammarion, Paris, 1948.

2 Tzanck A., Bessis M., Burstein M., Recherches sur le remplacement de sang circulant par du sang frais, du

sang conservé et du plasma, C. R. Acad. Sci., 22 : 822-824, 1946.

3 Fonds Bessis, correspondance avec Diamond L., 18.07.1947. 4 Fonds Bessis, correspondance avec Diamond L., 23.06.1947. 5 Entretien avec André Eyquem, 19.03.1999.

sang. Différents médecins parisiens avaient récemment décrit des rémissions transitoires cliniques, sanguines et médullaires chez des patients leucémiques. Les unes étaient attribuées aux transfusions de sang destinées à limiter les hémorragies, d'autres à la survenue d'infections, d'autres encore étaient qualifiées de spontanées. Ces observations avaient conduit à admettre la possibilité de phases d'arrêt voire de recul dans l'évolution de la maladie. L'observation de rémissions consécutives à des transfusions de sang, en particulier lorsque de grandes quantités de sang étaient administrées, poussa Marcel Bessis à envisager le traitement de patients leucémiques par la technique d'exsanguino-transfusion. Il obtint l'aval du directeur du Centre national de la transfusion sanguine, Arnault Tzanck, qui avait lui-même eu, à plusieurs reprises depuis 1927, l'occasion de pratiquer chez des leucémiques des transfusions « massives » de sang, c'est à dire de 0,5 à 1 litre contre 0,25 habituellement. Jean Bernard, qui travaillait alors dans le service de pédiatrie de Julien Marie à l'Hôpital Hérold, fournit le premier patient1. La technique fut adaptée du nourrisson à l'enfant avec l'aide de S. Buhot2. Le sang fut prélevé sur des donneurs réguliers du Centre national de la transfusion sanguine de même groupe sanguin que le receveur.

Le 31 octobre 1947, Marcel Bessis et Jean Bernard présentèrent le cas du petit Michel à la Société médicale des hôpitaux de Paris : « Nous avons l'honneur de relater les premiers résultats du traitement de la leucémie aiguë par une nouvelle méthode : l'exsanguino- transfusion. Chez un enfant de six ans, une leucémie aiguë, dont les signes cliniques, sanguins et médullaires sont typiques, est parvenue au stade ultime de son évolution, lorsque le traitement est entrepris. Les exsanguino-transfusion transforment la situation ; la santé de l'enfant est actuellement excellente, son sang et sa moelle son normaux »3. Ils ne pensaient pas avoir guéri ce jeune garçon : « Si nous souhaitons beaucoup avoir guéri cet enfant, nous n'oserions bien entendu l'affirmer, mais nous estimons que ces premiers résultats permettent un espoir raisonnable. »4. L'enfant avait reçu trois exsanguino-transfusions, une première incomplète à cause d'un choc transfusionnel bénin, suivie de deux remplacements de son sang à 95 %. Jean Bernard et Marcel Bessis attirèrent l'attention sur la rapidité et l'ampleur de l'amélioration, laquelle, à la fois immédiate et retardée, avait abouti à une totale disparition apparente de la maladie après la troisième opération. Ils avancèrent deux hypothèses pour expliquer ce résultat, d'une part l'élimination de substances nocives, d'autre part l'apport de substances anti-leucosiques déficientes chez le malade et normalement actives contre les leucoblastes ou contre l'hypothétique agent de la leucose. La deuxième explication avait leur préférence pour deux raisons. Tout d'abord, s'il paraissait logique que l'élimination d'un composé puisse stabiliser les lésions, leur réparation était dans cette perspective difficile à comprendre. Ensuite, l'intervention de principes anti-leucosiques leur permettait d'interpréter l'inégale efficacité des exsanguino-transfusions. Ceci moyennant une hypothèse supplémentaire : le sang des sujets normaux pourrait ne pas contenir la même quantité de ces substances d'un individu à l'autre. Ils pensaient que la transfusion de plusieurs litres de sang augmentait, par le nombre de donneurs, les chances de fournir un sang riche en éléments anti-

1 Bessis M., Bernard J., Remarquables résultats du traitement par l'exsanguino-transfusion d'un cas de leucémie

aiguë, Bull. Mém. Soc. Hôp. Paris, 63 : 871-877, 1947.

2 Buhot S., Technique de l'exsanguino-transfusion, Rev. Hémat., 3 : 92-188, 1948.

3 Bessis M., Bernard J., Remarquables résultats du traitement par l'exsanguino-transfusion d'un cas de leucémie

aiguë, Bull. Mém. Soc. Hôp. Paris, 63 : 871-877, 1947, p. 871.

4 Bessis M., Bernard J., Remarquables résultats du traitement par l'exsanguino-transfusion d'un cas de leucémie

leucosiques. Cette hypothèse s'accordait en outre avec le remarquable effet bénéfique qu'avaient eu chez certains leucémiques des transfusions massives de sang1.

L'accueil de cette présentation fut plutôt froid. Prosper-Emile Weil, l'un des fondateurs de la Société française d'hématologie déclara, après avoir observé les lames apportées par ses confrères, que certes ces cellules ressemblaient beaucoup à des cellules leucémiques mais que, puisqu'il y avait une rémission, le diagnostic était sûrement erroné2.

La présentation suivante, faite le 4 novembre à l'Académie nationale de médecine, fut accueillie par des applaudissements et par les commentaires élogieux du cardiologue et ami d'Arnault Tzanck, Charles Laubry : « L'approbation flatteuse que vous venez de manifester à l'égard de la communication présentée par MM. Bessis et Jean Bernard pourrait me dispenser de la commenter. Mais je ne puis résister au désir d'en souligner l'importance et, par la même occasion, le mérite de celui que j'ai conduit à cette tribune, M. Bessis. Pour la première fois, dans cette redoutable maladie qu'est la leucémie aiguë, rebelle jusqu'ici à toute thérapeutique, on nous apporte la preuve manifeste d'un traitement actif et on met un terme à notre impuissance. (...) Je n'ignore pas que d'autres, avant lui, avaient eu recours à la transfusion sanguine au cours des leucémies en général. Mais ils cherchaient à lutter simplement contre l'anémie ; ils avaient obtenu des résultats intéressants, peut-être suggestifs, mais transitoires et incomplets. (...) Au bout d'un mois, le résultat vous le connaissez : une formule sanguine absolument normale et un enfant rétabli. On ne saurait préjuger de l'avenir, mais le présent suffit pour se déclarer satisfait. »3.

Dix jours plus tard, les résultats du traitement de deux patients supplémentaires, une jeune fille de seize ans et une femme de vingt-six ans, furent présentés à la Société française d'hématologie. Ces essais montraient que les exsanguino-transfusions, bien tolérées, permettaient de provoquer une « rémission complète », clinique, sanguine et médullaire : « Les conditions dans lesquelles ces rémissions ont été observées, leur fréquence (qui s'oppose à l'extrême rareté des rémissions spontanées complètes dont l'existence est même douteuse) permettent d'exclure formellement l'hypothèse d'une coïncidence. »4. A ce sujet, leur confrère Bernard Dreyfus venait de terminer une étude rétrospective sur les rémissions des leucoses aiguës. Il y distinguait les « détentes » et les « rémissions » et montrait que, contrairement aux détentes qui étaient fréquentes, les rémissions avec disparition de tous les désordres cliniques, hématologiques et médullaires étaient très rares. Il n'en avait trouvé que 22 cas dans la littérature dont 15 chez des patients ayant été transfusés. Parmi ces 15 derniers cas, deux rémissions étaient porteuses d'espoir : une de deux ans et une en cours de 20 mois5.

Cette séance fut aussi pour eux l'occasion de préciser leurs hypothèses relatives au mécanisme d'action de leur traitement. Ils accordèrent davantage de place à la soustraction du sang leucémique, qui agissait certainement par l'élimination des leucoblastes et peut-être aussi par celle de « principes blastogènes ». Mais la principale action restait selon eux liée à l'apport de substances utiles. Il pouvait s'agir d'une hormone ou d'une vitamine, comme dans la maladie de Biermer ou anémie pernicieuse. Des travaux récents tendaient à prouver l'origine carentielle de cette maladie, laquelle évoluait spontanément vers un cancer de l'estomac. Une autre hypothèse, inspirée des hémolyses dues aux incompatibilités érythrocytaires, supposait

1 Bessis M., Bernard J., Remarquables résultats du traitement par l'exsanguino-transfusion d'un cas de leucémie

aiguë, Bull. Mém. Soc. Hôp. Paris, 63 : 871-877, 1947. Bessis M., Bernard J., A propos du traitement la leucémie aiguë par exsanguino-transfusion, Bull. Acad. Méd., 131 : 615-619, 1947.

2 Entretien avec Jean Bernard, 19.02.1999.

3 Bessis M., Bernard J., A propos du traitement la leucémie aiguë par exsanguino-transfusion, Bull. Acad. Méd., 131 : 615-619, 1947, p.618-619.

4 Bernard J., Bessis M., Réflexions sur le traitement des leucoses aiguës par l'exsanguino-transfusion, Le sang, 19 (1) : 45-50, 1948, p. 46.

l'existence dans le sang des donneurs d'anticorps « anti-leucoblastiques ». La présence d'anticorps dirigés contre un éventuel virus de la leucose aiguë humaine fut également évoquée.

A la mi-novembre le petit Michel allait toujours bien mais d'autres patients avaient rechuté, au moins un des leurs et une patiente traitée de la même façon par leur confrère Roger Cattan. En l'état, l'exsanguino-transfusion ne paraissait pas pouvoir guérir les leucémiques. Cependant ses auteurs n'étaient pas prêts à l'abandonner. Ils espéraient la perfectionner et, surtout, ils y voyaient un intérêt autre que thérapeutique : « nous disposons, avec l'exsanguino-transfusion, d'une méthode expérimentale d'étude des leucoses humaines. Il semble possible désormais de modifier l'évolution des leucoses, d'analyser ces modifications, d'analyser par des essais différentiels le rôle que jouent à l'origine de ces modifications les différents éléments intervenants dans l'exsanguino-transfusion. Il n'est pas interdit d'espérer que cette méthode va permettre de faire progresser la connaissance de l'étiologie, de la physiopathologie des leucoses aiguës, et peut-être aussi d'autres maladies malignes. »1.

Jean Bernard et Marcel Bessis venaient de commencer des recherches in vitro et en projetaient in vivo. Afin de mettre en évidence des substances anti-leucosiques, ils avaient mis en contact des leucoblastes et du sang de sujets sains. Mais le développement des blastes n'avait pas paru perturbé. Par ailleurs, ils entreprirent, premièrement, de sélectionner les « bons » donneurs et si possible d'élaborer un test permettant d'en repérer de nouveaux ; deuxièmement, de préciser si la partie active du sang était une fraction du plasma ou un type de cellules2.

En janvier 1948, le petit Michel rechuta et fut rendu à sa famille. L'espoir de guérir s'éteignit avec lui, mais resta la volonté de comprendre3.

Au mois de mars, l'expérience de 15 cas personnels permit à Jean Bernard et Marcel Bessis de conclure à l'innocuité de l'exsanguino-transfusion y compris chez l'adulte. Ils avaient recouru 50 fois à cette méthode sans observer d'accident. Ils en furent d'ailleurs surpris car ils s'attendaient à ce que les patients fabriquassent de nombreux anticorps contre les antigènes des sous-groupes sanguins et les protéines plasmatiques des nombreux donneurs. Cette bonne tolérance des leucémiques pour ce traitement fut soulignée parce qu'il était alors généralement admis que les leucémiques aigus supportaient mal les transfusions abondantes4.