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En 1953, fut créée l'Association Claude Bernard pour le développement des recherches biologiques et médicales dans les hôpitaux de l'Assistance publique à Paris (voir Chapitre 3). Sept centres de recherches virent le jour le premier février 1955, dont le Centre de recherches sur les leucémies et les maladies du sang dirigé par le professeur Jean Bernard, et localisé à l'Hôpital Hérold1.

En janvier 1957, lorsque Jean Bernard fut nommé chef du service de pédiatrie à l'Hôpital Saint-Louis, le centre de recherches occupa encore pendant un an et demi les caves- laboratoires du pavillon Grancher, construit pour le successeur de Jean Bernard à l'Hôpital Hérold2.

A l'Hôpital Saint-Louis, une partie des laboratoires de recherche fut hébergée par le service de pédiatrie ; l'autre partie, comprenant une animalerie et le laboratoire des isotopes bénéficia d'un bâtiment préfabriqué, construit à l'aide de dons privés. En 1960, commença la construction, qui s'achèva un an plus tard, d'un bâtiment dédié à l'hématologie, le Centre Hayem3.

L'histoire de son financement débuta par une pratique encore peu répandue, l'appel à l'ensemble de la population, et s'appuya sur la médiatisation de Jean Bernard. En 1956, ce dernier, appelé en consultation à Moscou, dut décommander un diner chez des amis, auquel le journaliste et écrivain Raymond Aron était également convié, ce qui lui valut quelques lignes dans le journal L'Aurore du lendemain. Peu de temps après, il joua un rôle important à la Ligue contre le cancer pour l'organisation de sa journée annuelle de « biomendicité » - selon le terme de Jean Bernard - à laquelle se rendirent de nombreux journalistes attirés par l'épisode moscovite. Le 8 mars 1957, le journal L'Aurore publia une interview du professeur, par le journaliste François Mennelet, attirant l'attention sur les espoirs suscités par la chimiothérapie et sur l'insuffisance des moyens financiers4. A cette occasion, le rédacteur en chef, Robert Lazurick, lança une souscription pour la recherche sur les leucémies5. La souscription rapporta plus de 63 millions de francs6.

Après s'être entretenu avec son conseiller pour la réforme hospitalo-universitaire, Jean Dausset7, le Ministre de l'Education nationale, René Billières, convoqua Jean Bernard et lui accorda, en quelques jours, 318 millions supplémentaires pour la construction et le fonctionnement de son institut de recherche. Cette somme fut complétée par 47 millions de francs provenant de l'Assistance Publique8. La participation de l'Education nationale aurait été

1 Fonds IUH, article 162, Association Claude Bernard : statuts, 1956 ; brochure de présentation des travaux pour 1955-1970.

2 Fonds IUH, article 16, correspondance avec Robert Mallet, 22.04.1959. 3 Fonds IUH, article 45, Bâtiment provisoire, Centre Hayem.

4 Degos L., Le don reçu, Plon, Paris, 1990, p. 28-29. 5 Entretien avec Jean Bernard, 25.09.1998.

6 L'Aurore, 29-30 juin 1957.

7 Au milieu des années 1950, Jean Dausset s'engagea très activement dans la réforme hospitalo-universitaire, d'abord au sein de l'Amicale des médecins radicaux, ce qui lui valut le poste de conseiller du Ministre de l'Education nationale, puis aux côtés de Robert Debré dans le Comité interministériel d'étude des problèmes de l'enseignement médical, de la structure hospitalière et de l'action sanitaire et sociale (Dausset J., Clin d'œil à la

vie. La grande aventure HLA, Odile Jacob, Paris, 1998, p. 61-70).

8 Fonds IUH, article 1, mémoire au Conseil de surveillance de l'administration générale de l'APHP relatif à la construction du bâtiment Hayem, 1957.

précipitée par la présentation du budget de ce ministère à l'Assemblée nationale, la semaine suivant l'appel de L'Aurore, et la crainte d'une interpellation relative au financement de la recherche médicale1.

Une grande partie des dons fut immédiatement employée pour organiser des animaleries et acheter des microscopes et des compteurs à scintillation. La priorité fut donnée à la mise en place d'animaleries à l'américaine : « Deux leucémies animales sont utilisées, la leucémie de la poule et surtout la leucémie de la souris. Les souris leucémiques qui appartiennent à des souches sélectionnées spéciales (qu'il est en l'état actuel, nécesaire de faire venir de d'Amérique) sont des animaux très fragiles dont l'élevage nécessite de très grandes précautions et se révèle être très couteux. Chaque expérience porte sur au moins cent (et souvent plusieurs centaines) de souris et dure plusieurs mois, souvent un an ou plus d'un an. (...) Les sommes recueillies par L'Aurore ont été en première ligne employées à la création de nouvelles animaleries à souris et à l'achat des coûteux équipements de climatisation qui permettent l'élevage correct, à l'abri de l'infection acidentelle qui peut brusquement interrompre une expérience longuement méditée et retarder d'un an le progrès espéré. Les 30 millions figurant à ce poste permettront l'organisation de nouvelles animaleries qui pourront recevoir 10.000 souris leucémiques ; les centres américains correspondant ont des élevages de 20.000 à 50.000 souris. »2.

Finalement, le bâtiment coûta environ 500 millions de francs, le matériel 250 millions, et l'institut se vit allouer un budget annuel de l'ordre de 175 millions pour le fonctionnement et les salaires des personnels3.

En 1960, la Direction générale de l'enseignement supérieur créa l'Institut de recherches sur les leucémies et les maladies du sang, centre de formation et de recherche spécialisé, rattaché à la Faculté de médecine de l'Université de Paris4. Il cohabita avec le centre de recherches de l'Association Claude Bernard, dont le personnel fut réparti dans les différents laboratoires. L'entrée dans les locaux commença l'année suivante. Au sous-sol, se trouvaient l'administration et les archives. Le rez-de-chaussée était réservé à l'hospitalisation des adultes. Au premier étage, se trouvaient le laboratoire d'hémostase et le laboratoire des isotopes. Le deuxième étage était consacré à l'immunologie et le troisième à la recherche en virologie. L'animalerie se trouvait au quatrième et dernier étage. La hauteur du bâtiment fut limitée parce que l'hôpital était classé parmi les monuments historiques. Le laboratoire de cytologie resta localisé dans le service de pédiatrie5.

En 1968, L'Institut de recherches sur les leucémies et les maladies du sang (IRLMS) devint l'Unité d'enseignement et de recherches (UER) d’hématologie de l'Université Paris 7, nouvellement créée6. Michel Boiron (né en 1925) remplaça Jean Bernard à la direction de l'institut en 1980.

L'UER, devenue Unité de formation et de recherche en 1983, prit en 1985, l'appellation d'Institut universitaire d'hématologie (IUH). L'actuel directeur, Laurent Degos succèda à Michel Boiron en 19947.

Dans les années 1950, les principaux collaborateurs de Jean Bernard étaient, côté paillasse, Georges Mathé, Michel Boiron, Jean-Louis Beaumont, Maxime Seligmann, Jacques Lissac, Lucien Israël et Jacques Caen, et côté clinique, Francis Chavelet, Raymond Gérard et Melle Guinebert. Ce groupe entretenait des liens scientifiques et amicaux avec les équipes de

1 Entretien avec Jean Bernard, 25.09.1998. 2 L'Aurore, 29-30 juin 1957.

3 Fonds IUH, article 1, note concernant l'institut, 1961. 4 Fonds IUH, article 1, arrêté du 02.08.1960.

5 Fonds IUH, article 1, notes concernant l'institut, 1961. 6 Fonds IUH, article 1, arrêté du 31.12.1968.

Marcel Bessis, Jean-Pierre Soulier, Jean Dausset, Bernard Dreyfus, Maurice Tubiana, Georges Schapira, Eliane Lebreton et Pierre Grabar1.

A partir de 1960, les laboratoires de l'IRLMS furent dirigés par Michel Boiron pour la virologie, Maxime Seligmann et Jean Dausset pour l'immunologie, Jacques Caen pour la coagulation et Yves Najean pour les isotopes. Dans le service de Jean Bernard, Michel Boiron, Claude Jacquillat et Maryse Weil supervisèrent les essais chimiothérapeutiques.

1 Bernard J., Leçon inaugurale de la Chaire de cancérologie médicale et sociale, Presse méd., 15 septembre 1956, p. 24.

Chapitre 2. Recherches menées à l'IRLMS (1960-1970)