• Aucun résultat trouvé

Travail de terrain et constitution de la base de données

Le travail de terrain a commencé en 2017 par la tenue de trois terrains exploratoires de deux semaines chacun au sein des différentes régions d’étude. L’enjeu principal de cette première phase de terrain était d’identifier le panorama politique général de l’action publique alimentaire et agricole en région. C’était aussi l’occasion d’amorcer le travail de problématisation de notre thèse en identifiant les faits marquants, les enjeux politiques ou encore les aspects contre-intuitifs de cette première approche des politiques alimentaires territoriales. Suite à ces premiers terrains, nous avons dressé un organigramme général des compétences et des pouvoirs hiérarchiques entre acteurs régionaux au sujet des enjeux alimentaires et agricoles et nous avons esquissé les hypothèses générales qui ont par la suite guidé notre enquête lors de la seconde phase de terrain. Cette seconde phase s’est déroulée sur six mois en 2018.

Le protocole déployé pour mener nos entretiens est resté relativement stable tout au long du travail de thèse : recherche préalable de littérature grise sur les politiques alimentaires étudiées notamment via les sites institutionnels ou les réseaux sociaux des collectivités territoriales et administrations régionales, demande d’entretien auprès des acteurs identifiés, phase d’entretien (d’une durée moyenne d’une heure et sur le lieu de travail des enquêtés), demande de documents internes (budget, compte-rendu de réunions ou de commissions, liste de membres des comités de pilotage, etc.) et éventuels compléments d’entretien par mail ou téléphone au moment de l’analyse des données et de la rédaction. Ce va-et-vient avec les acteurs de terrain n’aurait cependant pas été possible sans l’aimable disponibilité de ces derniers : de manière générale, nous pouvons considérer que nous avons eu un terrain « facile d’accès » et un accueil favorable auprès des enquêtés. Seule l’obtention des bilans budgétaires ou des montants de certaines subventions pouvait constituer un véritable problème. De nombreux mails de relance auprès des conseils régionaux et des chambres d’agriculture sont à ce sujet restés sans réponse.

Concernant la sélection des enquêtés, nous avons procédé en deux temps. Lors de la phase exploratoire de notre terrain, nous nous sommes entretenue de manière systématique avec les acteurs que nous avions identifiés comme a priori clés dans le fonctionnement des politiques alimentaires territoriales étudiées et de la régulation locale du secteur agricole, à savoir :

Échelle régionale

− directeur du service régional de l’alimentation (Draaf) − directeur ou chargé de mission du pôle alimentaire (Draaf) − vice-président à l’agriculture (conseil régional)

− responsable du pôle Feader (conseil régional)

− vice-président suivant la politique alimentaire régionale (conseil régional)

− directeur ou chargé de mission du service afférant à la politique alimentaire (conseil régional)

− partenaires issus du monde agricole participant à cette politique (chambre d’agriculture)

Échelle départementale

− élu ayant initié la politique alimentaire départementale − agent départemental en charge de cette politique

− partenaires issus du monde agricole participant à cette politique (chambre d’agriculture)

Échelle urbaine

− élu ayant initié la politique alimentaire urbaine

− directeur ou chargé de mission en charge de la mise en œuvre de cette politique

− partenaires issus du monde agricole participant à cette politique (chambre d’agriculture)

Tableau 3 : Entretiens menés systématiquement dans les trois régions d’étude lors de la première phase de terrain

Sur la base de cette trentaine d’entretiens et suite à ce premier terrain, nous avons identifié de nouveaux acteurs clés avec lesquels nous nous sommes systématiquement entretenue lors de la deuxième phase de terrain :

Échelle régionale

− fonctionnaire responsable des dossiers agriculture/alimentation au sein du secrétariat général aux affaires régionales (Sgar) de la préfecture de région

− directeur de cabinet ou responsable en charge des dossiers

agriculture/alimentation au sein du cabinet du président de Région − responsables et chargés de mission « relations avec les collectivités

territoriales » au sein des structures alternatives de conseil agricole à l’échelle régionale (Frab, réseau Civam, réseau InPACT)

− responsables syndicaux du secteur agricole (FNSEA ou Confédération paysanne)

Échelle urbaine − responsables et chargés de mission « relations avec les collectivités territoriales » au sein des structures alternatives de conseil agricole à l’échelle départementale (Gab, Mab, associations)

Tableau 4: Entretiens menés systématiquement dans les trois régions d’étude lors de la seconde phase de terrain

Nous avons ensuite procédé de façon « boule de neige » en intégrant à notre base de données, alors riche d’une cinquantaine d’entretiens auprès de personnes aux responsabilités similaires

dans chacune des trois régions d’étude, d’autres acteurs d’importance mentionnés lors de ces entretiens. Cette identification d’acteurs locaux « périphériques » et spécifiques à telle ou telle politique étudiée a engendré une nouvelle vague d’entretiens auprès de diverses structures, partenaires, cabinets de conseils, élus et responsables d’anciennes politiques publiques en lien avec la politique alimentaire étudiée. Une autre cinquantaine d’acteurs locaux ont alors été enquêtés.

L’ensemble de ces entretiens ont été menés de manière semi-directive suivant une grille préétablie, mais assez peu formalisée, contenant les thèmes que nous voulions aborder avec les enquêtés. Parmi les thèmes récurrents figuraient : le parcours professionnel des enquêtés, leur récit de l’élaboration ou de leur participation à la politique alimentaire (genèse, partenaires, opposants, freins etc.), des explications sur leur contenu (actions menées, définition des termes, budgets, etc.) ou le degré d’institutionnalisation de ces politiques au sein de leur structure (création de service, ouverture de poste, budget dédié, etc.). Toutes ces thématiques étaient abordées à travers le prisme de la relation des enquêtés avec la « chose agricole » (degré de familiarisation des acteurs à ces thématiques, vision du développement agricole défendue, relation avec les partenaires du secteur ou avec les acteurs en charge de ces questions au sein des institutions locales, dimension agricole des instruments des politiques publiques mises en œuvre, etc.). Enfin, conformément à l’accord passé avec les personnes enquêtées (détaillé dans le plan de gestion des données fourni en annexe 1 de la thèse), nous avons rendu anonymes les témoignages qui apparaissent dans ce manuscrit, tout en indiquant la date, l’administration ou la structure professionnelle et le lieu d’où l’enquêté parlait au moment de notre entretien.

Si le recours à l’entretien a été au cœur de la collecte de nos données, nous avons aussi participé, de manière cependant plus périphérique, à un certain nombre d’événements publics (30) (colloques, conférences, réunions publiques, etc.) et de réunions internes au sein des collectivités territoriales étudiées (12). Toutefois, l’absence de formalisation et la fréquence irrégulière de ces diverses participations ne nous permettent pas de qualifier notre démarche d’observation participante. Ces multiples incises dans le travail politique de l’action publique alimentaire en train de se faire ont constitué cependant un matériau riche pour notre recherche, notamment pour la compréhension générale des « règles du jeu » politique local, ainsi que pour l’appréhension concrète des multiples mécanismes et canaux officiels de prises de décision au sein des administrations et collectivités territoriales. Par ailleurs, la participation à des café-débats ou conférences sur les enjeux locaux de l’alimentation organisés par des associations ou des partis politiques de l’opposition (10) a été l’occasion d’appréhender les politiques alimentaires des autorités locales sous un angle souvent critique. De même l’accompagnement entre 2016 et 2018

d’un collectif d’agriculteurs candidat à l’installation sur une « ferme ressource » de la métropole de Montpellier a été source de beaucoup d’enseignements : l’observation directe des complications et des difficultés concrètes rencontrées dans la mise en œuvre de cette politique alimentaire contrebalançait avec l’image d’Épinal qui pouvait en être par ailleurs dressée dans les nombreux colloques sur la question. Enfin, la participation en 2018 à une session d’étude et de rédaction d’amendements sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, aussi appelée loi ÉGalim55, nous a permis

d’appréhender le travail parlementaire et surtout, le travail des acteurs locaux auprès des parlementaires afin de traduire leurs idées sur le sujet à une échelle nationale. L’ensemble de ces événements et de ces réunions auxquels nous avons participé est consigné dans l’annexe 3 de ce manuscrit.

La base de données que nous avons constituée regroupe l’ensemble du corpus de la littérature grise et des documents institutionnels collectés, l’ensemble des comptes rendus d’événements publics et de réunions internes auxquels nous avons assisté et l’ensemble retranscrit des 100 entretiens effectués. Un entretien durait en moyenne 62 minutes, parfois complété par des échanges mails ou téléphoniques. Ces entretiens ont été intégralement retranscrits et chapitrés, formant un corpus de 423 pages qui constitue le matériau principal de cette thèse. L’annexe 2 de la thèse détaille la composition des entretiens réalisés (fonctions exercées par l’enquêté, date, durée et lieu de l’entretien). Nous en livrons ici quelques éléments statistiques. Le premier est celui de la répartition de ces entretiens entre régions d’étude (Figure 8). Le nombre entre parenthèse indique le nombre de personnes interrogées par région :

Figure 8 : Répartition des personnes enquêtées par région d’étude.

La raison du plus faible nombre d’entretiens en région Occitanie s’explique par le fait qu’une grande partie de cette thèse a été élaborée depuis la métropole de Montpellier. Un bon nombre d’entretiens informels y ont ainsi été menés au fil de discussions entre collègues, de rencontres avec des agriculteurs, de participation à des événements publics ou d’engagement personnel,

55 Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole

nécessitant moins d’entretiens formalisés (et donc non comptabilisés ici) pour la compréhension globale des politiques alimentaires déployées. En ce qui concerne les corps professionnels des enquêtés leur répartition est la suivante :

Figure 9 : Répartition des personnes enquêtées en fonction de leur corps professionnel

Les catégories « représentants du secteur agricole », « élus locaux » et « fonctionnaires territoriaux » renvoient aux trois forums étudiés dans la thèse. La catégorie « autres » regroupe majoritairement des agents de l’État en région, des chargés de mission de cabinets de conseil ou des acteurs privés locaux. Concernant la répartition des entretiens entre échelles de gouvernance régionale et infrarégionale, nous comptabilisons dans la figure suivante les 67 personnes que nous avons enquêtées au sein d’une collectivité territoriale (élus et agents). Leur répartition est la suivante :

Figure 10 : Répartition des enquêtés en fonction de leur appartenance institutionnelle

Pour les raisons décrites plus haut, nous ne traitons pas dans ce travail de thèse des politiques alimentaires mises en œuvre par les services déconcentrés d’État (Draaf et ARS) ou par les conseils départementaux bien que nous les ayons étudiées lors des différentes phases de terrain, comme illustré dans la figure précédente (Figure 10). Le traitement de ces entretiens nous a cependant permis d’une part d’appréhender le paysage global de la régulation locale des systèmes alimentaires et d’autre part d’apporter un éclairage complémentaire à l’action publique alimentaire des conseils régionaux ou des centres urbains étudiés.

Ainsi de manière globale la constitution de notre base de données témoigne d’un équilibre d’entretiens entre régions d’étude, entre forums d’analyse et entre échelles de gouvernance. Cet équilibre est garant de l’analyse comparative que nous avons déployée.

D) Les bornes chronologiques de la thèse : étudier des politiques