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Le travail sur les sources indirectes : la recherche de l’objectivité

CHAPITRE I Le rôle des représentations dans l’aménagement des zones humides Notions

A- Le travail sur les sources indirectes : la recherche de l’objectivité

1- Travail bibliographique et documentaire : l’intérêt de la littérature grise

Le travail qui consiste à explorer la littérature est intéressant dans la mesure où il suggère les orientations et les analyses existantes qui sont susceptibles de fournir des points de départ ou des hypothèses au chercheur (Gumuchian, Marois, 2000).

La littérature explorée relève de tous les sujets abordés dans cette recherche (les zones humides, les représentations, mais aussi l’aménagement, le jeu des acteurs, etc…). Ce sont les publications qui concernent les zones humides qu’il est intéressant de détailler. Les thèmes et les approches abordés à propos des zones humides sont une émanation des représentations que les auteurs s’en font, c’est aussi une façon de véhiculer certaines conceptions des zones humides, au détriment d’autres. Quatre grands thèmes peuvent être distingués : le premier aborde les données physiques et la vision écologiste des milieux humides ; le second porte sur la gestion de l’eau et les fonctions des zones humides ; un troisième prend en compte les usages et les acteurs et le dernier englobe l’approche des paysages de zones humides. Une analyse exhaustive de ce corpus n’est cependant pas possible, en outre, elle ne serait pas pertinente. En effet, les types d’ouvrages qui traitent de ces thèmes sont variés, ne touchent pas le même public et ne revêtent pas les mêmes formes. Ils ne sont donc pas comparables. Pour exemple, on peut distinguer les ouvrages « techniques » destinés principalement à un lectorat expert et « praticien » type « cahier de gestion » des ouvrages de vulgarisation pour le grand public ou les amateurs de nature (comme les guides découvertes). La littérature grise et les articles des revues scientifiques se distinguent totalement des livres d’images où les photos sont en très grand nombre. (Donadieu, 2002). Au lieu de mettre face à face des ouvrages qui ne sont pas comparables, il nous semble préférable de nous intéresser à un type de production scientifique : les thèses.

L’analyse du corpus des thèses en France est possible grâce au catalogue du Système Universitaire de DOCumentation (SUDOC) qui est régulièrement mis à jour. Notre analyse porte sur la mise à jour de 2004, dernière disponible à l’heure actuelle. Plusieurs recherches ont été menées à partir du titre des thèses déposées depuis l’origine de ce catalogue. Si les textes les plus anciens auxquels il est fait référence datent du 19e siècle et du début du 20e, ce n’est qu’à partir de des années 1970 qu’une nette

tendance à s’intéresser aux zones humides se dessine. Les critères retenus sont la présence des mots « marais » et « zones humides » dans les mots clés enregistrés dans la base de données. Un peu plus de 170 thèses ressortent de cette analyse. Les titres et les résumés disponibles permettent alors de définir un certain nombre de thématiques plus ou moins abordées selon les époques (voir le chapitre 2).

2- Les documents d’aménagement et les publications informatives : la lecture

des représentations telles qu’elles sont affichées

Nous utilisons le terme de documents d’aménagement de façon générique pour regrouper des écrits tels que des projets, des plans de gestion, des chartes, mais aussi des documents juridiques ou législatifs. Leur regroupement dans une même catégorie tient au fait que ce sont des textes ou des figures qui projettent, planifient, analysent ou décrivent un ou plusieurs éléments d’organisation du territoire. Ils relèvent de l’aménagement du territoire au sens très large. Les publications à caractère informatif sont les parutions gratuites, distribuées librement au public qui font part des projets ou plus souvent des aménagements réalisés. Ces deux types de documents sont analysés dans la mesure où ils traduisent les représentations de leurs auteurs et les représentations qu’ils souhaitent véhiculer.

La particularité de ces sources est qu’elles sont donc censées être compréhensibles sans explications venant de leurs concepteurs ou réalisateurs. Bien entendu, les informations contenues dans ces sources indirectes ne sont pas toutes destinées au même public. Mais ce sont des documents dont la finalité est d’être diffusés, même à une sphère réduite (il ne s’agit jamais de documents internes ou de documents de travail, qui précèderaient un rendu mieux finalisé).

Plusieurs critères peuvent être retenus et croisés pour classer les documents d’aménagement et d’information. Parmi eux, on peut citer ceux qui nous paraissent les plus significatifs.

• Le statut des documents : caractère officiel (lois, schéma directeur) ou non officiel (relais, communication, information) : est-ce un document de prescription, qui a valeur d’obligation, de conseil ?

• La temporalité du document : s’agit-il d’un plan ayant été appliqué, en application, à venir ou à l’état de projet ?

• Le public visé : qui est censé lire le document ? les techniciens et les décideurs ou l’opinion publique en général ou certains utilisateurs ?

• L’espace concerné : est-ce un document qui s’applique précisément aux zones humides, à certaines parties des zones humides ou aux milieux naturels en général, voire à des territoires plus vastes (parcs, métropole…) ? Quelle est l’échelle que prend en compte le document ?

• Le domaine concerné : le document a-t-il trait à l’aménagement du territoire ou à une politique sectorielle (l’environnement notamment) ?

• Le site de distribution de l’information : faut-il se procurer le document sur place, auprès de l’organisme émetteur, est-il disponible dans des offices du tourisme, dans d’autres lieux publics, dans les sièges des administrations ou in situ, dans le site concerné ?

Tous les critères ne peuvent être retenus à la fois. Nous en présentons quatre, croisés entre eux dans le tableau ci-dessus (Tableau 3). Nous avons retenu d’une part, l’échelle et le domaine dont les documents relèvent et d’autre part, le public visé et le statut du document.

Tous les documents listés dans le tableau ne peuvent être retenus dans notre analyse et les choix sont délicats dans la mesure où chacun d’entre eux illustre un aspect des choses. Le choix opéré ne peut pas prétendre à la représentativité dans la mesure où celle-ci n’existe pas. Chaque document livre un avis, une conception qui fait partie de la réalité des représentations des zones humides. Les documents retenus le sont en fonction de la diversité des cas de figure illustrés et selon les terrains dont ils relèvent. Les documents que nous avons retenus font référence à trois échelles.

• Les premiers sont les lois et les chartes qui orientent le fonctionnement des établissements publics tels que l’ONF2, le Conservatoire du Littoral, l’EPF3.

• La seconde série de documents concerne l’échelle régionale et les documents retenus sont le Schéma Directeur de Développement et d’Urbanisme (SDDU) qui a fait suite Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) de l’agglomération lilloise, le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE), les chartes des parcs naturels (Scarpe Escaut, Plaines de l’Escaut)

• Enfin, la troisième catégorie est celle qui concerne plus précisément les terrains étudiés, tels que les projets de développement locaux, les projets de paysage et les plans locaux de gestion, émis par les mairies ou d’autres organismes institutionnels ou associatifs.

Quels critères sont retenus pour analyser ces documents ? Tous les textes sont analysés de manière manuelle, leur contenu est évalué, les thèmes abordés sont relevés. Les mentions faites des zones humides sont précisément notées. Elles peuvent alors être comparées en fonction des textes. Le cas échéant, une analyse de l’iconographie est menée. Elle est plus fréquente en ce qui concerne les documents informatifs, qui relèvent davantage d’une logique de communication. Les photos, les schémas, les cartes et les graphiques sont plus nombreux et reflètent la conception que l’organisme émetteur se fait des zones humides. Pour l’analyse de l’iconographie, les critères retenus sont : l’échelle considérée, les éléments figurant sur l’illustration, leur éventuelle déformation, les légendes, les titres, les ajouts de textes et enfin, les omissions et les falsifications (trucage de photos, manipulation de cartes).

L’analyse des sources indirectes est une première façon d’obtenir des informations sur les représentations des zones humides, ainsi que sur certaines pratiques d’aménagement et de gestion. C’est cependant un contenu extrêmement « mesuré » parce que publié et officiel. En outre, ce moyen de communication est « réservé » à une partie de la population et plus précisément aux « grands acteurs » en charge de la décision ou de la programmation de l’aménagement. Il est donc nécessaire de faire appel à une seconde source d’information, plus directe. C’est le travail de terrain qui permet d’y accéder.