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Des couples de notions liées par l’analyse systémique : panorama conceptuel

CHAPITRE I Le rôle des représentations dans l’aménagement des zones humides Notions

B- Des couples de notions liées par l’analyse systémique : panorama conceptuel

Étudier l’appropriation des zones humides, c’est accorder un rôle aux pratiques et aux représentations, à la nature et à la culture, au paysage et au territoire. C’est avoir une approche systémique discursive et diachronique. C’est aussi mettre en évidence les différents degrés et les différents modes d’appropriation spatiale qui existent. C’est enfin étudier les transitions et les discontinuités qui caractérisent l’appropriation des zones humides.

Pour présenter le cadre conceptuel de cette approche, un ordre est défini, qui ne présume pas de l’importance des notions, les unes par rapport aux autres. Le premier parti pris est de considérer le cadre conceptuel et épistémologique du traitement des questions environnementales et de leur aménagement par les sciences sociales (nature et culture). Le croisement de ces deux concepts nous plonge au cœur de la réflexion géographique en nous amenant à considérer les dimensions territoriales et paysagères du sujet (territoire et paysage). Ce n’est que par la suite que nous pouvons envisager une approche discursive de l’évolution des territoires afin de mettre en évidence les transitions et les discontinuités dans le temps, dans l’espace et dans les rapports sociaux de l’appropriation des zones humides (transitions et discontinuités).

I/ N

ATURE ET CULTURE

Quel terme choisir pour parler de nature ? Doit-on parler de milieu ou d’espace naturel ? Quel serait l’apport du terme environnement ? Que recoupe l’idée de culture par rapport à celle de nature ? Est-ce une posture de la société vis-à-vis de son environnement ? Si la culture est en partie la marque de l’homme sur la nature, ne peut-on pas la relier à la notion d’aménagement ? Ce premier couple de concepts pose à la fois des questions terminologiques et des problèmes de fond sur la question de « l’appropriation de l’environnement ».

1- « Du milieu à l’environnement » (Robic, 1992)

Pourquoi parler d’environnement ? Cette notion est vague, elle est passée dans le langage courant et désigne à la fois une idée, un objet, une conception, un objectif… Plusieurs raisons nous poussent à parler d’environnement. Toute d’abord, parce que c’est un terme largement utilisé dans le cadre des questions de l’aménagement des espaces dits « naturels ». En d’autres termes, c’est une manière plus globale d’évoquer ce qui est couramment appelé la nature (Drouin, 1997). L’autre raison de faire appel au terme d’environnement découle directement de la polysémie et de la connotation du terme nature (Bourg, 1997). Celui-ci est fréquemment opposé à la notion de culture. Cette vision dualiste du monde est typiquement occidentale, elle est parfois réductrice (Besse, 1997). Enfin, on comprend aisément que c’est du fait de la prise en compte des zones humides dans ce travail que la notion d’environnement s’impose à nous. Remarquons que c’est précisément le terme d’environnement qui retient notre attention, et non celui de milieu physique au sens où l’écologie l’emploie.

a- Gestion écologique contre aménagement environnemental ?

Le terme d’écologie provient du grec ''Oikos'' qui signifie maison (sciences de l'habitat), et de logos qui signifie discours. « Il s'agit donc de la science des conditions d'existence et des interactions entre les organismes et leur environnement » (Encyclopédie de l’environnement, 2005). L’écologie se caractérise par une approche quantitative des milieux physiques. Elle est héritière de l’approche scientifique moderne de la nature aux 17e et 18e siècles (Bourg, 1997). Le terme d’écologie qui

apparaît en 1866 consiste à « emprunter les méthodes et les concepts des sciences biologiques pour étudier les rapports des espèces entre elles et avec leur milieu ». (Lacoste, 2001). C’est une façon ancienne et fortement ancrée dans la tradition scientifique française d’approcher les milieux humides. Sa caractéristique est de focaliser son attention sur les milieux et les espèces « naturelles », qui préexistent à l’homme. L’écologie que l’on peut qualifier de « latine » et qui prédomine en France se caractérise par une approche des milieux biocentrée, où l’homme possède une place à part. Il est le perturbateur qui n’entre pas dans le champ d’étude de l’écologie (Cans, 1997). A ce titre, il est d’usage de parler de « gestion écologique ». L’expression désigne l’action de l’homme sur les milieux, dans le but de restaurer ou d’encourager des fonctionnements spontanés observés au sein des écosystèmes.

Cette approche n’est pas celle que nous privilégions. Au contraire, l’intégration des problématiques d’environnement avec les questions d’aménagement repose sur une vision plus globale de ce qui « environne » l’homme. Lorsqu’on évoque l’environnement, l’homme est replacé au sein de la nature, il est une cause de changement parmi d’autres. En effet, on peut dire de l’environnement que c’est « l’ensemble des conditions naturelles ou artificielles (physiques, chimiques et biologiques) et culturelles (sociologiques) dans lesquelles les organismes vivants se développent (dont l'homme, les espèces animales et végétales) » (Encyclopédie de l’environnement, 2005). Certains reprochent à l’environnement son anthropocentrisme (Drouin, 1997). Pour autant, c’est le terme qui nous semble le mieux convenir pour parler des zones humides au sens où nous les abordons. Il nous est nécessaire de ne pas considérer les zones humides simplement comme des milieux. Nous perdrions le cas échéant l’apport de la géographie des représentations.

b- De nouveaux objets d’étude pour la géographie des représentations

Nous avons brièvement évoqué l’historique des géographies sociale et culturelle, celles-ci nous inspirent dans l’approche qu’elles ont de l’homme dans son milieu. Il faut cependant noter qu’en France leur objet n’a pas souvent été l’environnement (ce n’est pas le cas chez les anglo-saxons). Les

objets d’étude de ces courants géographiques sont le plus souvent urbains. Il peut s’agir des ségrégations spatiales dans la ville, de l’influence des dimensions économiques dans la structuration des métropoles mais rarement d’une étude des milieux naturels (si l’on excepte l’étude de l’espace montagnard). Ceci tient à l’histoire de ces courants disciplinaires qui ont été fondés et développés à une époque où les villes se transformaient très rapidement et concentraient les tensions et les interrogations. Le fait est que la géographie sociale s’est focalisée sur l’individu et l’acteur en tant qu’être social, au détriment du type d’espace sur lequel il se trouvait. On peut se poser la question de savoir pourquoi l’étude de l’environnement est restée à l’écart. Est-ce parce que la ville était en plein essor ? Est-ce parce que la ville est une création purement humaine quand la nature est considérée comme préexistante à l’homme ? Outre le fait que cette vision est fortement critiquée par nos contemporains (voir ci-dessous), on peut noter la difficulté que la géographie humaine et les sciences sociales en général ont de s’investir dans la dimension physique d’objets tels que l’environnement et les milieux naturels. Pour cette raison, il nous paraît intéressant d’appliquer les grands principes des géographies sociales et culturelles à l’objet « nature ». Cependant, cet intérêt implique immédiatement une question, celle des rapports entre nature et culture. Comme nous le suggérions, la nature n’est peut-être pas ce qui est extérieur à l’homme.

2- L’appropriation de la nature : une question de culture ?

En quelques décennies, on peut dire que la géographie est passée de l’étude des milieux à celle de l’environnement (Lévy, 2003). On peut s’interroger sur les conséquences de ce changement. Les hommes ont-ils un rapport différent à la nature ? Les acteurs en charge de la gestion de la nature gèrent-ils des milieux ou aménagent-ils l’environnement ? Comment peut-on de ce fait qualifier l’appropriation des zones humides ? La question du rapport nature/culture passe par la question de l’appropriation par une société de ce qui l’environne et de ce qu’elle considère comme une « nature environnante ».

a- Dépasser la disjonction nature/culture : les formes d’appropriation

Des nombreux auteurs contemporains font leur cette affirmation de S. Moscovici : « les sociétés édifient les états de nature qui correspondent à leurs schèmes culturels et à leurs logiques sociales à un moment historique donné » (Moscovici, 1968). Dans cette conception, la nature (re)devient « l’ensemble des phénomènes, des connaissances, des discours et des pratiques résultant d’un processus sélectif d’incorporations des processus physiques et biologiques par la société » (Lussault, 2003). Si la nature est une construction sociale, son étude par le biais des représentations est un exemple parmi d’autres de l’approche « phénoménologique » qu’il est possible d’en avoir. Cette idée nous intéresse d’autant plus qu’elle est récurrente dans les discours mais qu’elle reste difficile à faire admettre à l’ensemble de nos contemporains. Le chercheur, tout convaincu qu’il est, est sans cesse « rattrapé » par une conception de la nature indépendante de la culture (des expressions telles que « la nature reprend ses droits » sont là pour le rappeler). La question du traitement et de la considération de « milieux naturels », considérés comme fragiles et menacés parce qu’extérieurs, s’en trouve non pas invalidée mais déplacée. L’une des façons de l’appréhender est de se baser sur la notion d’appropriation.

b- L’appropriation : condition sine qua non d’une intégration des zones humides dans le sociosystème

Il nous semble fondamental de (re)donner une importance à la notion d’appropriation et du même coup à celle d’adhésion sociale. En effet, R. Brunet constate que la géographie néglige les dimensions d’appropriation et d’adhésion (Brunet, 1992).

• Le terme d’appropriation est défini de deux façons par R. Brunet. Le premier sens est celui d’une attribution à soi. Le second est celui d’un acte social fondamental. Le premier sens correspond à une « prise de possession d’une étendue de terrain. L’acte peut être individuel, mais s’exprime par rapport aux autres, il est bien un acte social. Il peut également être collectif, le fait d’un groupe, d’une communauté, d’un peuple. L’appropriation crée le maillage de l’espace, sous ses diverses formes (du parcellaire aux Etats) et dans toutes ses limites, du simple bornage aux frontières » (Brunet, 1992). Le deuxième sens est complémentaire du premier Il s’agit de « l’affectation de l’espace à une activité ou une production déterminée : l’étendue dont on dispose (appropriée au premier sens) est appropriée à cette activité » (Brunet, 1992).

• Il nous importe de dépasser ces deux sens qui renvoient assez précisément aux domaines décisionnels et organisationnels pour aborder l’impact des représentations sociales. En effet, l’étude de l’appropriation du territoire par des acteurs sociaux permet aussi « de rendre compte de la façon dont sont structurées les relations entre les sociétés et dans le cadre des jeux sociaux internes, des relations entre des individus qui se traduiraient dans le territoire » (Ellisalde, 2005). C’est ce que Ellisalde appelle la « force » des représentations sociales (Ellisalde, 2005). Mais c’est aussi l’occasion de prendre la mesure du lien entre les individus et les territoires, du sentiment d’identité qui découle de l’appropriation d’un territoire. Au sens où nous l’entendons, l’appropriation fait référence à « l’expérience que chaque individu a dans sa relation intime avec les lieux » (Ellisalde, 2005). Le territoire découle de l’appropriation des lieux de vie par chacun et de la contribution apportée à l’établissement d’une identité individuelle et collective. Ainsi l’appropriation des territoires se manifeste aussi bien par les pratiques quotidiennes que par l’importance symbolique attribuée à un lieu (Berque, 1982).

C’est pour cette raison que nous rattachons la notion d’appropriation à l’idée d’adhésion sociale. L’appropriation des territoires requiert une certaine adhésion de la part des individus ou des groupes sociaux. L’adhésion d’un individu se marque par sa fréquentation, son utilisation des espaces mais aussi par son investissement dans les instances décisionnelles liées à ces espaces. Cette notion qui peut paraître théorique est en réalité une façon d’envisager comme un tout l’appropriation de l’espace, l’investissement du citoyen dans la vie de la société et le souci des acteurs d’être entendus et de répondre au bien commun. En effet, en filigrane dans toute notre recherche, on constate que la poursuite du bien commun peut s’opposer aux intérêts individuels ou à ceux de l’Etat. L’adhésion est une sorte de caution que fournit chaque individu sur son acceptation et sa résolution à faire passer les intérêts collectifs avant les siens propres. L’appropriation et l’adhésion s’étudient aussi bien par le biais des pratiques que des représentations. Elles ont des impacts spatiaux plus ou moins marqués sur lesquels nous reviendrons.

Finalement, la notion d’appropriation ne renvoie plus principalement à l’idée d’un contrôle de l’espace et à des limites telles que les frontières pour la matérialiser. L’appropriation consiste « simplement » en des usages de l’espace, en des images plus ou moins symboliques. De ce fait, l’appropriation de la nature n’est plus non plus son contrôle et sa soumission à l’homme, comme si elle était extérieure à la société. La notion d’appropriation permet de lier dans les faits la nature et la société (la culture) entre elles. C’est à la fois l’occasion d’étudier les représentations et les pratiques qui font les formes d’appropriation des zones humides et l’occasion de considérer les impacts spatiaux que les

représentations ont sur les zones humides. On est bien au cœur d’un système de rétroaction qui lie nature et sociétés.

L’appropriation d’un lieu ou d’un espace s’étudie au travers de media qui traduisent les manifestations de l’appropriation. Ph. et G. Pinchemel proposent notamment la région comme unité d’analyse des rapports entre l’homme et le milieu. En ce qui concerne les zones humides, il est pertinent de retenir deux de ces média, le territoire et le paysage. Le territoire renvoie notamment à la définition première de l’appropriation comme prise de contrôle d’un espace. Le paysage est une façon reconnue de considérer les espaces naturels. La notion d’appropriation nous permet de dépasser ces sens reconnus mais anciens et d’y appliquer d’autres approches géographiques.

II/ T

ERRITOIRE ET PAYSAGE

Territoire et paysage sont deux notions que les géographes aussi bien français qu’anglo-saxons ou russes ont abondamment étudiées. Il n’est donc pas possible de revenir sur des définitions exhaustives, ni de se prêter à une histoire de l’évolution de la réflexion à leur sujet. Nous choisissons en conséquence de présenter le territoire puis le paysage sous l’angle de notre approche spécifique : la géographie sociale et la prise en compte des représentations.

1- Le territoire dans sa dimension « vécue »

Se pencher sur le terme « territoire » a ceci de difficile en géographie que toutes les interrogations de la discipline y sont contenues. En outre, il est compliqué pour un géographe de parler de territoire sans évoquer l’espace.

a- De l'espace au territoire

Si l'on part de la définition assez floue mais généralement acceptée par tous que la géographie est «l'étude de l'organisation de l'espace» (Gumuchian, 1991) on se heurte à la vastitude du sujet. Si cette étude est appréhendée par le biais des représentations, on peut plus précisément aborder l'espace au travers des idéaux et des vocations qui y sont projetés, des usages et des pratiques qui y ont cours, des images qu'un espace véhicule. Il ne s’agit plus d’étudier l’espace en tant que tel et pour lui-même mais en sa qualité de support, de miroir, de vecteur de sens.

Le concept d'espace, avec toute sa complexité, justifie le bien fondé du croisement entre représentations et géographie. Considérant que l'on cherche à étudier son sens, il faut tout d'abord poser ce que sont les constituants de l'espace. On peut tout d'abord parler d'un espace donné, l'espace terrestre, en tant qu'entité physique. Cependant la dimension de l'espace et son intérêt pour le géographe est qu'il est également construit par l'homme, il est un produit humain (Dauphiné, 1998). La troisième composante est l'espace en tant que vécu, pratiqué, imaginé, jugé par ceux qui le fréquentent ou non. Si la notion d'espace n'a été reconnue comme objet de la géographie que tardivement dans les années 1950, celle d'espace vécu est encore plus récente et a été insufflée dans la géographie française par A. Frémont au début des années 1970 (Claval, 1995). L’expression « espace

vécu » est la plus intégrée à la réflexion en géographie. Elle découle d’une autre idée, qui ne s’est pas implantée, celle d’espace perçu.

• L’espace perçu est l’espace « tel que le voient et se le représentent une personne, un groupe » ; il présente des « déformations par rapport au réel qui renseignent sur la personnalité des témoins » (Brunet, 1992).

• L’espace vécu reprend la notion d’espace perçu et y ajoute une dimension matérielle : c’est l’espace « tel qu’il est perçu et pratiqué par les êtres qui y vivent » (Staszak, 2003). La notion d’espace vécu est celle qui a été la plus approfondie par Frémont (Frémont, 1976) et la seule qui susbsiste véritablement du point de vue du vocabulaire parmi le trio formé par les trois types d’espaces que Frémont distingue :

• L’espace de vie est constitué des « lieux fréquentés par une personne ou un groupe » • L’espace social est l’espace de vie auquel on ajoute « les interrelations sociales »

• Enfin, l’espace vécu intègre « l’espace social et les valeurs psychologiques qui s’attachent aux lieux et qui unissent les hommes à ceux-ci par des liens matériels » (Frémont, 1980).

La notion d’espace a été très largement abordée par tout le courant de la géographie humaine (Auriac, Brunet, 1986). Son étude a permis de montrer que l'espace n'est pas seulement un lieu, mais qu’il est une étendue de terre (mais pourquoi pas de mer) que l'homme s'approprie. C'est en cela que l'espace a ses bases épistémologiques dans la géographie « humaniste ». Cette dernière intègre le social au spatial et autorise ainsi l'introduction de nouvelles tendances dans la géographie telles que la prise en compte des représentations (Auriac, Brunet, 1986). L'appropriation d'un « lieu » par l'homme en fait un espace dans la mesure où il lui donne du sens en l'habitant et en l'occupant. Il lui reconnaît des ressources, des contraintes, lui attribue des pouvoirs, le hiérarchise. On en arrive donc à ne plus pouvoir dissocier les composantes physiques et sociales de l'espace et c'est précisément ce en quoi consiste la géographie : considérer le binôme société/milieu comme un «même système» (Chamussy, 1986). La preuve de l'appropriation de l'espace par l'homme est sa «sémiotisation» (Raffestin, 1986) qui le transforme, finalement, pour Raffestin, en territoire.

Le vocable territoire est très utilisé de nos jours par les géographes mais aussi par tous les médias et finalement dans le langage courant, si bien que son sens est bien difficile à saisir. C'est une notion qui évoque un sentiment d'unité et d'appartenance et qui réduit la vastitude de la notion d'espace géographique. Pour mieux le comprendre, pensons le territoire en son sens premier, en éthologie, où il est l'espace que l'animal «possède et défend contre les membres de sa propre espèce» (Gumuchian, 1991). Si l'espace géographique est approprié par les hommes en général, le territoire est approprié par des hommes en particulier et est à la base de leur identité. Par conséquent, le territoire s'aborde à une échelle spécifique en fonction des sociétés mais il évolue également en fonction du temps. Pour M. Marié, « l'espace a besoin de l'épaisseur du temps, de répétitions silencieuses, de maturations lentes, du travail de l'imaginaire social et de la norme pour exister comme territoire » (Marié, 1982). Le territoire animal est, lui aussi, confronté au temps : la hiérarchie dans une meute, la domination d'un mâle sur un autre font changer le territoire, tout comme le territoire que les géographes entendent étudier (Lévy, Lussault, 2003). Il faut alors envisager que les territoires naissent, vivent et meurent, peut-être renaissent-ils également, mais ils ne sont pas immuables. Partant de là, ce qui a été un territoire, une forêt, une vallée peut n'être qu'un «espace» abandonné quelques décennies plus tard, et inversement. Le territoire est, dans la durée, vécu, perçu, organisé, «aménagé», en fonction de nombreuses données. Celles-ci peuvent être idéologiques (pensons au Feng Shui, au Japon surtout, où les maisons sont orientées en fonction de vibrations, d'ondes positives), mythologiques, politiques ou