• Aucun résultat trouvé

Présentation d’Ouest en Est des zones humides étudiées

CHAPITRE II Les zones humides étudiées : des contextes variés et des géosystèmes

A- Présentation d’Ouest en Est des zones humides étudiées

Les divers terrains d’étude que nous avons retenus participent tous d’un même ensemble géographique, l’Europe du Nord-Ouest, caractérisé par une situation à la croisée des climats océaniques et continentaux et à la croisée des grandes structures géologiques et écologiques. La Région Nord-Pas de Calais se caractérise par un morcellement des unités topographiques, constituées de bas pays dont les altitudes n’excèdent pas 80 mètres (plaine de la Scarpe, plaine de la Lys) et de hauts pays (80 à 180 mètres, le haut Artois par exemple), de pays littoraux (pays de Montreuil, bas champs) et de pays intérieurs (Pévèle, Avesnois, plaine de l’Escaut). Du point de vue géologique, la région se situe « à la marge septentrionale de la zone de loess de l’Europe moyenne » (Sommé, 1977). Cette situation est déterminante pour la mise en valeur agricole de la région. Concernant le climat, il est défini comme un climat « tempéré et changeant » (Flatrès, 1980, Petit-Renaud, 1972). C’est un climat arrosé (700 mm/an à Lille Lesquin) aux températures fraîches (température moyenne mensuelle maximum : 17, 5° en Juillet). C’est donc une région qui dans l’ensemble, ne présente pas de grandes oppositions de relief ou de climat. Cependant, une présentation plus précise de la situation de chaque secteur d’étude met en évidence une importante diversité locale.

Trois des sites que nous étudions appartiennent à la même région administrative, le Nord-Pas-de- Calais. Le site de Berck-Merlimont est situé sur la côte d’Opale, la haute vallée de la Deûle est au contact de deux petites unités physiques, les Weppes et le Mélantois, le complexe de Chabaud-Latour avoisine la frontière avec la Belgique, dans la zone de confluence entre la Haine et l’Escaut. Un

d’Harchies-Hensies-Pommerœul (Cf. Figure 9). Tous ces sites abritent des milieux humides de différents types. Ils présentent également des situations régionales et locales variées.

Figure 9 : Carte de situation de tous les sites étudiés

En comparaison avec le reste de la France, le Nord-Pas-de-Calais est trois fois plus densément peuplé (322 hb/km2 contre 108 pour la moyenne nationale, INSEE, 1999). C’est la région la plus artificialisée

de France (14,7 % du territoire) et la seconde région la plus urbanisée après l’Île-de-France (95 % de la population vit dans un espace à dominante urbaine) (IFEN, 2004). La métropole lilloise a la plus forte densité de population après Paris (1281 habitants/km2). En matière d’occupation du sol, les conséquences sont visibles : le développement urbain est très diffus et le réseau de transport est particulièrement dense (densité routière : 901 m/km2 contre 674 m/km2 en moyenne nationale ; densité

ferroviaire : 95 m/km2 contre 50 m/km2 pour la France). Dans le cas de l’étude d’espaces dits naturels

que l’anthropisation a laissé peu de place aux espaces naturels. Aujourd’hui, le Nord-Pas-de-Calais est effectivement la région ayant la plus faible part d’espaces naturels de toutes les régions françaises (seulement 12,3 % du territoire régional). Parmi ces espaces, les zones humides sont en régression et représentent 9 % des espaces naturels (IFEN, 2004) (voir aussi le chapitre III). La figure ci dessous (Figure 10) montre la répartition des dernières zones humides de la Région, en fonction de l’inventaire « Corine Land Cover ». Ce n’est pas un relevé exhaustif, mais la carte donne une assez bonne idée de l’étendue très limitée des zones humides dans toute la Région. Notons que les zones humides que nous étudions sur la Côté d’Opale et dans la vallée de la Deûle ne figurent pas dans le recensement CORINE Land Cover. Ceci tient au type d’approche de cet inventaire en ce qui concerne le massif dunaire et au caractère extrêment dégradé des zones humides de la Deûle.

Les zones humides participent, dans le Nord-Pas-de-Calais, d’une mosaïque de milieux à la fois hérités d’une diversité structurelle (haut-pays, bas-pays, vallées alluviales, littoraux) et d’une longue tradition d’anthropisation (polders, exploitation minière, agriculture intensive…). Nos exemples sont représentatifs des types de situation classifiés par la DIREN (DIREN, 2001) :

- « les marais arrière-littoraux situés à l’arrière des cordons dunaires », avec l’exemple de Berck- Merlimont,

- « les zones humides en fond de vallée » illustrées par la vallée de la Deûle

- « les milieux humides issus des affaissements miniers » dont le complexe de Chabaud-Latour constitue une bonne description en France. Les marais d’Harchies-Hensies-Pommerœul forment son pendant belge.

D’autres raisons justifient le choix de ces sites. Pour Berck-Merlimont, c’est l’articulation d’un massif dunaire qui abrite des zones humides avec les marais arrières-littoraux de Balançon, au pied de l’ancienne falaise qui fait l’originalité du site (c’est un cas de poldérisation incomplète ; Sommé, 1977). Plus encore, c’est la prise en compte des zones humides dans le massif dunaire, au « détriment » des arrières-marais qui distingue ce site parmi les autres zones dunaires du littoral. Ce qui est paradoxal, c’est de constater que les dunes ont été protégées au titre des zones humides qu’elles abritaient et en quelque sorte à l’encontre des représentations banales qui existaient du site (dunes, sable, milieu sec). L’institutionnalisation de cette protection date des années 1970, elle a permis la protection d’un grand ensemble « naturel » en position littorale. Nous aurons l’occasion de revenir sur la forte pression balnéaire que subit le site.

En ce qui concerne la vallée de la Haute Deûle, les zones humides sont peu présentes à vue d’œil. En effet, elles sont morcelées et ne forment pas une unité paysagère. On parle cependant de « marais de la Deûle ». C’est un site qui, a priori, peut sembler peu caractéristique des zones humides dans le Nord- Pas de Calais (zones humides dégradées, voire disparues, urbanisation et industrialisation dominante). Notre choix s’y est cependant porté du fait des enjeux politiques très forts qui émergent aux abords de la métropole lilloise. Nous reviendrons sur deux points en particuliers : d’une part la pression urbaine et le besoin en espaces verts, d’autre part, l’existence de champs captants qui alimentent en eau potable une grande partie de la métropole.

Enfin, les sites de Chabaud-Latour et d’Harchies-Hensies-Pommerœul ont été choisis au sein du bassin minier car ils illustrent à la fois une situation historiquement héritée, celle de la mine, mais aussi la mobilisation de nombreux acteurs autour d’un espace de friche destiné à devenir un espace naturel. En effet, parmi les friches minières du bassin Nord-européen, ces deux sites ont été maintenus en eau et ont fait l’objet de plans de requalification l’un pour devenir un espace de loisirs, l’autre un espace naturel protégé. Les enjeux politiques liés ne sont pas tous consensuels et c’est ce qui fait l’intérêt de ces sites.

Avant de présenter plus précisément ces sites, il nous semble important de nous attarder sur leurs toponymes. C’est d’une part l’occasion d’énumérer les différents noms utilisés pour chacun des sites dans ce texte. C’est d’autre part un moyen de souligner les valeurs symboliques attribuées à chacun des sites et contenues dans leurs dénominations.

2- La toponymie, révélatrice des valeurs attribuées à un lieu

L’une des premières questions qui se pose au moment de présenter nos terrains d’étude est de savoir comment les dénommer. En effet, les noms attribués aux sites choisis relèvent de choix plus ou moins rationnels, certains sont personnels, d’autres répondent à une exigence de commodité, d’autres sont des raccourcis. Si le problème se pose au moment de présenter les sites, c’est également parce qu’il se pose sur le terrain, dans les discussions et entretiens avec les acteurs locaux ou les usagers rencontrés. Comment appellent-ils tel ou tel lieu ? Choisissent-ils un nom qui englobe largement le site ou généralisent-ils l’appellation d’un site par le nom d’un lieu-dit ou d’un élément marquant dans le paysage ? Si cette question est ici posée, c’est également parce qu’elle est significative de l’appropriation que l’homme se fait de l’espace et des références qu’il fait ou pas à des lieux, des milieux, des éléments du bâti. La référence aux limites administratives est à cet égard particulièrement significative. Les noms scientifiques qui désignent les zones humides sont rarement employés par les aménageurs et les usagers.

a- « Merlimont », une réduction falsificatrice mais révélatrice

La tentation d’appeler cette zone d’étude comme étant celle « de Merlimont » dérive d’un biais très fort, l’existence d’une réserve domaniale appelée par son gestionnaire la « Réserve Biologique Domaniale de Merlimont ». Une appellation officielle récente consiste à appeler le site la réserve domaniale « de la côte d’Opale », mais les projets anciens (projet NORSPA4 puis L IFE5 « dunes de

Merlimont »), les études (« chantier pilote de Merlimont ») et les actuels panneaux informatifs in situ font référence à « Merlimont ».

Le site étudié est le complexe dunaire qui s’étend du Nord au Sud, entre les agglomérations de Merlimont et de Berck-sur-Mer. C’est pour cette raison que nous nous efforcerons de parler du site de Berck-Merlimont. Notre collaboration avec l’Office National des Forêts, plus soutenue qu’avec les autres gestionnaires, peut aussi expliquer ce « raccourci ». Il faut cependant également y voir l’influence très forte de l’ONF sur les terrains qu’il gère, ainsi que sur les terrains voisins, ceux du Conservatoire du Littoral, situés à Berck.

b- « Parc de la Deûle », cherchez le parc !

Ce qui s’appelle le parc de la Deûle dans les projets d’aménagement de la communauté urbaine de Lille désigne des espaces distincts, disjoints et variés et dans le même temps, un ensemble de communes de la métropole lilloise situées dans la vallée de la Haute Deûle. À la différence d’un parc naturel régional, le parc de la Deûle consiste en trois sites délimités dans trois communes différentes, ce sont le Jardin Mosaïc, le site des Ansereuilles et les marais de la Gîte. Les sites actuels ont été réaménagés pour le Parc de la Deûle (ouvert en 2004) et n’existaient pas en l’état auparavant. Ils constituent des sortes de jardins créés pour l’occasion sans lien logique ou visible entre eux. Pour autant, à la manière d’un parc naturel régional, les communes qui appartiennent au parc de la Deûle sont identifiées par un panneau à l’entrée des agglomérations. Les communes de Houplin-Ancoisne, Wavrin et Santes abritent bel et bien les trois « jardins » réalisés. Mais, à ce jour, les trois autres

4 North Sea Special Programme of Action

communes n’ont ni équipement particulier à proposer, ni signe de reconnaissance les identifiant comme faisant partie du parc de la Deûle.

Les réalisations du parc de la Deûle donnent lieu à un assemblage de sites formant un parc « de loisirs » alors que l’appellation parc se réfère à une intégrité territoriale basée sur un découpage administratif. L’appellation de parc de la Deûle peut donc à la fois faire référence aux réalisations existantes, aux projets à venir, aux communes concernées ou à un territoire dont la Deûle serait la colonne vertébrale, mais dont les critères restent à définir. Nous parlerons de vallée de la Haute Deûle pour désigner l’ensemble des communes longeant la Deûle dans cette partie du Sud de Lille.

c- « Chabaud-Latour », une réduction connotée

La situation de ce que certains appellent « Chabaud-Latour » est peut-être la plus complexe, tant les réalités sont variées dans cet espace. Pour commencer, Chabaud-Latour est le nom d’un ingénieur, donné à un puits de mine de Condé-sur-l’Escaut (1873). De nos jours, Chabaud-Latour désigne précisément le plus grand plan d’eau que l’exploitation des fosses Chabaud-Latour et Ledoux a laissé. Les évolutions topographiques liées aux affaissements miniers ont agrandi cet étang, jusqu’à ce qu’il se confonde avec un plan d’eau mitoyen plus petit, appelé « Ma campagne ». L’actuel étang de Chabaud-Latour est donc constitué de deux plans d’eau. La base de loisirs installée sur les bords de l’étang depuis une quinzaine d’année porte ce même nom de Chabaud-Latour. D’autres étangs parsèment le site et ont chacun un nom précis ; l’étang de la digue noire, délimité par le dernier terril formé (la dernière digue issue de l’exploitation des schistes rouges), les étangs Sarrels 1 et Sarrels 2 du nom de l’entreprise qui exploitait l’emplacement où ils se trouvent à présent. La désignation du site comme « site de Chabaud-Latour » est donc une sorte de synecdoque où la partie désigne le tout.

L’autre appellation employée est celle de « pays de Condé ». Outre sa longueur, ce nom présente le risque de focaliser l’attention sur la commune de Condé-sur-l’Escaut quand d’autres communes sont concernées par ce complexe de zones humides. Les territoires de St Aybert et de Thivencelle sont situés de part et d’autre du canal et abritent nombre de marais et d’étangs (« Ma Campagne » se trouve par exemple à St Aybert). Historiquement le pays de Condé, (pagus condatensis) recouvre une réalité qui nous intéresse : il va du « Mont de Péruwelz à Odomez, et d’Hergnies à St Aybert, en passant par Bonsecours et Bernissart » (voir la carte de la Figure 13 ci-après) (Carpentier, 2004). La Belgique est donc partie prenante de ce pays et les zones humides qui s’y étalent sont considérées sans distinction de nationalité. Bien entendu, il ne faut pas confondre cette appellation avec le « pays » au sens de la loi Voynet, ni avec la « communauté de commune du pays de Condé » qui a effectivement existé mais qui ne comprenait pas St Aybert et Thivencelle. Enfin, plusieurs noms désignent précisément des parcelles, des milieux ou des lieux d’habitation, et ne peuvent faire référence à un espace plus vaste. C’est le cas du « hameau de la Canarderie », de la « roselière de la Canarderie », de la « ferme Blanchart »…

L’autre appellation utilisée à propos de ce site désigne le canal qui traverse les zones humides. Il est tantôt appelé par les acteurs le « canal de Mons », « le Condé-Pommerœul », le « Canal de Condé ». Son nom officiel sur les cartes d’état major est canal de Mons-Pommerœul-Condé, désignant ainsi les trois villes qu’il traverse. On remarque que c’est le nom de Condé qui revient le plus souvent, du fait que la commune de Condé-sur-l’Escaut est celle qui domine l’espace étudié et qu’elle est la plus étendue en surface. Cependant et pour relativiser une fois de plus la toponymie, rappelons que le nom de la concession des Houillères Nationales du Bassin Minier du Nord Pas de Calais (HBNPC) était à cet endroit la « concession de Vieux-Condé » (Vieux condé étant le nom de la commune voisine de Condé-sur-l’Escaut).

d- « Harchies-Hensies-Pommerœul », un triptyque pour une réalité plus globale Ce qui s’appelle les marais d’Harchies-Hensies-Pommerœul désigne précisément les zones humides situées à la jonction de ces trois communes belges, la tentation étant de réduire à l’appellation « marais d’Harchies ». De nombreuses autres appellations et lieux-dits existent sur le site mais qui désignent des parties très précises des marais, elles ne sont donc pas utilisées par les acteurs et les usagers pour désigner le site dans son ensemble. Cette désignation, somme toute assez simple, a ceci d’ironique qu’elle est utilisée dans un contexte où les communes sont très peu investies dans la gestion et l’utilisation de ces zones. La réduction à « marais d’Harchies » ne s’explique pas seulement parce que c’est un nom plus court et qu’il est le premier alphabétiquement dans la liste de trois noms. Harchies se trouve être la commune où la cellule de recherche et le centre d’interprétation en charge de la gestion des zones humides sont situés. Ce nom triple donne l’image d’un site varié, découpé en plusieurs entités administratives alors qu’il est géré par un gestionnaire unique qui ne fait pas de différence de « traitement » entre les communes.

Les noms que nous emploierons ne seront donc pas toujours les mêmes et présenteront parfois l’inconvénient de ne pas respecter une désignation officielle. Pour mieux comprendre ces différentes « réalités » de terrain que nous avons évoquées, nous pouvons à présent décrire un à un les terrains que nous avons retenus pour cette étude. Nous conserverons l’ordre d’Ouest en Est que nous avons suivi jusqu’à présent.

B- Situations locales : des zones humides anciennement anthropisées