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Mode auteur coopératif − architecture logicielle

6.2 Travail Coopératif Assisté par Ordinateur

Littéralement, l’expression « travail coopératif » désigne un travail effectué en commun par plusieurs personnes aboutissant à une œuvre commune. Les personnes interagissent pour se donner ou accomplir un objectif commun, lequel implique une répartition des tâches (coordination) et une convergence des efforts (coopération) des membres du groupe. Nous précisons que l’expression « travail coopératif » est toujours orientée vers la réalisation d’un produit final tangible, alors que ce n’est pas toujours le cas pour « travail en équipe » qui peut être une finalité – d’apprentissage, par exemple – sans nécessairement donner lieu à un résultat tangible.

Les dix dernières années ont vu la taille des réseaux informatiques s’accroître dans une proportion considérable. Parallèlement à cela une pléthore d’applications réparties mettant en jeu ces nouvelles ressources ont vu le jour. Parmi celles-ci se trouve toute une catégorie d’applications regroupées sous le vocable TCAO (Travail Coopératif Assisté par Ordinateur : en anglais CSCW pour Computer Supported Cooperative Work).

Le but de ces applications (appelées Collecticiels ou Groupwares) est de fournir la logistique nécessaire à un groupe de personnes qui travaillent à un but commun et qui se trouvent généralement géographiquement dispersés. Si ce mode de travail coopératif existe depuis longtemps, il prend un tout autre intérêt lorsque les systèmes informatiques peuvent apporter un gain de temps précieux, en libérant les personnes des déplacements physiques, réunions de travail, et des tâches fastidieuses liées à la diffusion de l’information (téléphone, fax, courrier), en

assurant la cohérence des informations manipulées ou encore en coordonnant les actions de chacune des parties en présence.

Parmi ces applications, le travail d’édition coopérative de documents constitue une classe qui mobilise une bonne partie de la communauté scientifique travaillant sur le TCAO. En effet, ce type d’outils représente un réel intérêt puisque selon les études, 65% à 85% des articles, papiers, rapports et documentations techniques sont écrits conjointement par plusieurs auteurs [Ede & Lunsford 90], [Bair 85]. De nombreuses réalisations ont vu le jour ces dernières années tant au niveau de projets universitaires que de grands groupes industriels.

6.2.1 Notion de Collecticiel

Le « collecticiel » (ou groupware) est un néologisme qui désigne tout à la fois les processus de travail en équipe et les outils logiciels qui supportent ces processus. En d’autres termes, le Collecticiel peut être compris comme un ensemble de méthodes et de techniques de travail en équipe, ces méthodes et techniques étant « instrumentées » par des outils logiciels conçus pour améliorer les mécanismes de communication, de coopération et de coordination

Sur les plans organisationnels et humains, le collecticiel désigne de nouvelles façons de travailler privilégiant la coopération entre les individus et une meilleure coordination des actions menées. Elles reposent généralement sur un ensemble d'outils génériques : de messagerie, de bibliothèque (stockage et partage de documents, édition conjointe, etc.), de réunion, de calendrier (agendas partagés) , de gestion de tâches, etc.

L'idée d'utiliser les ordinateurs pour aider les humains à collaborer remonte au moins à la fin des années 50, avec l'invention de la notion de document hypertexte et hypermédia, par Ted Nelson et Douglas Englebart et la description de son utilisation pour créer une véritable intelligence collective dans les organisations. Depuis, l’adoption d’outils tels que le courrier électronique et les forums de discussion ont modifié nos manières de travailler.

Cependant, ces systèmes ne représentent qu’une partie des outils de communication médiatisée. Hormis pour le dialogue en temps réel, ils reposent sur des échanges de messages relativement lents, et principalement textuels. Les relations qu’ils créent entre individus, même si elles permettent de constituer de véritables communautés virtuelles, ne sont pas assez fortes pour remplacer le contact direct entre personnes situées dans un même lieu.

D’autres types de collecticiels existent pour les situations nécessitant un plus fort couplage entre participants. C’est le cas des négociations commerciales où l’influence directe entre

personnes est essentielle. De même le contrôle aérien demande un haut niveau de sécurité et des opérateurs bien coordonnés [Chatty 96]. Dans ce cas les recherches sur le TCAO proposent des outils basés sur des protocoles de communication informatiques permettant de synchroniser des applications pouvant être situées à des milliers de kilomètres, et de transmettre de la voix ou de la vidéo sur les mêmes réseaux. Par exemple les éditeurs partagés permettent à plusieurs personnes de travailler simultanément sur un même document, texte ou dessin, De même les agendas partagés permettent à un groupe de personnes de mettre en commun leurs emplois du temps.

6.2.2 Coopération vs Collaboration

Il peut s'avérer nécessaire de distinguer les deux termes au demeurant proches, souvent employés indifféremment.

• Un processus sera collaboratif s'il est issu d'acteurs qui voient différents aspects d'un problème, exploitent de façon constructive leurs différences et cherchent à mettre en œuvre des solutions communes.

• Un processus sera coopératif lorsque ses acteurs ont des intérêts similaires qu'ils planifient ensemble, où ils négocient leurs rôles mutuels et partagent des ressources pour atteindre un objectif commun tout en maintenant leur identité séparée

La coopération entraîne également un certain nombre de contraintes pour les individus. Travailler à plusieurs pour atteindre un objectif commun implique de renoncer à un certain degré de liberté, à contribuer à une tactique commune, à accepter une coordination et une discipline propre à l'équipe de travail, il faut agir en commun.

Dans la littérature, les définitions des termes “coopération” et “collaboration” changent d’un domaine à l’autre et d’un auteur à l’autre au sein d’un même domaine. Il ressort néanmoins une différenciation autour du partage des objectifs : objectif global partagé ou objectifs individuels, et autour du partage des tâches ou leur regroupement. Un consensus semble se former autour de la distinction entre les activités en groupe organisées et coordonnées, auquel cas il s’agit de « coopération », et les activités de groupe spontanées et autogérées par des règles implicites, auquel cas, il s’agit de « collaboration ».

Dans le domaine de l’enseignement coopératif assisté par ordinateur (CSCL), [Roschelle & Teasley 95] considèrent que le travail coopératif est accompli par le partage de l’effort entre les participants et qu’il s’agit d’une activité où chaque personne est responsable d’une partie de la résolution du problème. D’un autre côté, il considère que le travail collaboratif implique

l’engagement mutuel des participants dans un effort coordonné pour résoudre le problème ensemble.

Dans le même domaine, d’après [Sinia 02], la coopération et la collaboration ne diffèrent pas en termes de distribution ou de non-distribution de la tâche, mais en vertu de la façon dont elles sont décomposées. En coopération, la tâche est décomposée (hiérarchiquement) en sous tâches indépendantes ; en collaboration, les processus cognitifs peuvent être (hiérarchiquement) décomposés en couches entrelacées. En coopération, la coordination est nécessaire seulement lors de l’assemblage des résultats partiels alors que la collaboration est une activité synchrone coordonnée qui est le résultat d’une tentative permanente pour construire et pour maintenir une conception partagée du problème.

6.2.3 Coopération synchrone vs Coopération asynchrone

La présence simultanée ou différée des participants à une activité de coopération permet de qualifier la coopération, respectivement de synchrone ou d’asynchrone. Cette distinction est répercutée sur les logiciels de coopération utilisés. Ellis, Gibs et Rein [Ellis & al 91] proposent deux taxonomies pour les différentes catégories de logiciels de coopération. La première taxonomie, la plus connue, est basée sur les notions de « temps et d’espace ». La deuxième taxonomie est fonctionnelle et se base sur le type de partage : « orienté tâche » ou « orienté environnement de travail ». Les logiciels de coopération peuvent appartenir à l’une des quatre catégories de la taxonomie spatio-temporelle [Ellis & al 91] [Grudin 94] (Figure 6.1), à savoir :

• Activité de type “même place/même moment” soutenue par l’interaction de type face-à-face.

• Activité de type “même place/différents moments” soutenue par l’interaction asynchrone. • Activité de type “différentes places/même moment” soutenue par l’interaction synchrone

distribuée.

• Activité de type “différentes places/différents moments” soutenue par l’interaction asynchrone distribuée.

Pour la classification fonctionnelle, [Ellis & al 91] distinguent :

• Les activités à faible besoin de partage de tâche, comme celles soutenues par les systèmes temps partagé.

• Les activités à fort besoin de partage de tâche, comme celles soutenues par les systèmes de revue de logiciel.

• Les activités à faible besoin de partage d’environnement, comme celles soutenues par la messagerie électronique (e-mail).

• Les activités à fort besoin de partage d’environnement, comme celles soutenues par les salles de réunion virtuelle.

Figure 6.1. Classification espace-temps