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Spécification des besoins et modèle conceptuel

4.2 Une pédagogie réutilisable : la pédagogie par objectifs

4.2.1 Qu’est-ce qu’un objectif pédagogique ?

En pédagogie, un objectif est un énoncé d’intention décrivant ce que l’apprenant saura (ou saura faire) après apprentissage. Les objectifs sont normalement dérivés des finalités de l’éducation et des buts de formation, lesquels se décomposent en objectifs intermédiaires de différents niveaux.

En d’autres termes, un objectif pédagogique (OP) est une expression claire qui décrit en terme de comportement, ce que l’apprenant doit être capable de réaliser à la fin de son activité d’apprentissage. Par exemple « à la fin de ce module, l’apprenant doit être capable de concevoir une base de données relationnelle». Les objectifs pédagogiques peuvent être définis à plusieurs niveaux hiérarchiques. En partant d’un objectif global « But », le nombre et l’appellation de ces niveaux diffèrent selon les auteurs. Nous avons retenu une hiérarchie à trois niveaux (Figure

4.1) définie dans [Hameline 90] et [Tagliante 91] : les « objectifs généraux », les « objectifs

spécifiques » et les « objectifs opérationnels ».

• Le But Pédagogique est un énoncé définissant de manière générale les intentions poursuivies soit par une institution, soit par une organisation, soit par un groupe, soit par un individu à travers un programme ou une action de formation. Exemple « l’enseignement du module bases de données aux ingénieurs informaticiens a pour but de développer chez l’apprenant les capacités d’analyser et de concevoir les bases de données appliqués à la gestion et de comprendre le fonctionnement des SGBD ».

But

Objectifs Opérationnels Objectifs Spécifiques

Objectifs Généraux

Figure 4.1. Hiérarchie des 3 niveaux d’objectifs pédagogiques d’un but pédagogique

• Les objectifs généraux (OPG) indiquent en terme de capacités, les résultats escomptés à la fin de l’activité d’apprentissage d’un module ou d’une unité d’enseignement. Un objectif général est généralement un énoncé d’intention pédagogique relativement large, il est également appelé objectif terminal d’intégration. Par exemple « à la fin de cette séquence l’apprenant devra être capable de normaliser une base de données ».

• Les objectifs spécifiques (OPS) affinent un objectif général en le démultipliant en autant d’objectifs spécifiques qu’il est nécessaire pour que l’apprenant l’atteigne. Par exemple « à la fin de cette séquence l’apprenant devra être capable de mettre une relation en 2ième forme normale et en 3ième forme normale». On remarque que ces deux objectifs spécifiques affinent l’objectif général précédent.

• Les objectifs opérationnels (OPO) affinent à leur tour un objectif spécifique de telle façon qu’ils soient directement évaluables. Par exemple « à la fin de cette séquence d’apprentissage, l’apprenant sera capable de montrer, en 5 minutes et sans s’aider de documents, que la relation possède au moins une clé et que toutes les dépendances fonctionnelles de la clé vers les autres propriétés de la relation sont élémentaires ». On remarque que ces deux objectifs opérationnels affinent l’objectif spécifique précédent qui vise la capacité de mettre en 2ième forme normale une relation.

Sur le plan de la formulation des objectifs, deux éléments sont à considérer. D’une part, cet objectif porte sur une partie principale de la matière enseignée, d’autre part, l’objectif est associé à l’une ou l’autre des taxonomies : il doit refléter un des différents niveaux taxonomiques selon

l’intention de celui qui le formule. Pour permettre de mieux cerner la nature de ce qui est attendu, il s’est développé des taxonomies qui portent sur l’un ou l’autre des domaines du savoir : le

domaine cognitif concerne les connaissances et les habilités intellectuelles, le domaine affectif

est associé aux attitudes, aux valeurs, aux intérêts, aux représentations, le domaine

psychomoteur concerne les habilités motrices.

Selon Hameline [Hameline 90], pour qu'un OP soit véritablement opérationnel, quatre principes doivent être respectés lors de la formulation de cet OP :

• l’univocité : vérifier que rien n’est équivoque dans la formulation de l’objectif, c’est à dire aucune ambiguïté;

• le comportement observable : décrire une activité de l’apprenant identifiable par un comportement observable. Dans la formulation, on utilisera un verbe d’action qui aura l’apprenant pour sujet et qui permet de visualiser le résultat. On doit proscrire les verbes mentalistes qui ne permettent pas l’observation du comportement (comme: connaître, savoir, comprendre, apprécier, etc.).

• les conditions : mentionner les conditions dans lesquels le comportement souhaité de l’apprenant doit se manifester. Par exemple: « . . . , en cinq minutes sans l’aide de documents, . . . ».

• le critère : il s’agit ici de déterminer le seuil d’erreurs acceptées pour qu’on puisse considérer l’objectif comme néanmoins atteint.

Afin de bien distinguer un objectif opérationnel d'un autre qui ne l'est pas, nous allons présenter ici les caractéristiques que doit posséder un tel objectif :

• Il est toujours exprimé en fonction de l'apprenant.

• Il est univoque, c'est-à-dire précis et n'acceptant qu'une seule interprétation. • Il décrit un comportement observable chez le sujet.

• Il précise, s'il y a lieu, les conditions spéciales de manifestation de ce comportement et les critères qui permettront de juger si l'objectif est atteint.

L'objectif opérationnel est exprimé en fonction de l'apprenant

Le fait d'exiger qu'un objectif soit exprimé en fonction de l'apprenant pour qu'il puisse être désigné comme étant opérationnel signifie qu'il faut se concentrer sur l'apprentissage de l'étudiant plutôt que sur l'enseignement du formateur. En effet, il ne suffit pas que le formateur ait donné son enseignement, il faut que ses apprenants aient appris.

Il serait souhaitable que cette exigence liée à la rédaction d'objectifs incite à la réflexion sur le lien enseignement apprentissage. En effet, le formateur devrait chercher à préciser ses objectifs non plus en se concentrant sur ce qu'il enseigne, mais sur les changements qu'il veut susciter chez ses apprenants.

L'objectif opérationnel est univoque.

L'objectif opérationnel doit être univoque, c'est-à-dire qu'il doit être précis et n'avoir qu'une seule signification. Les expressions nébuleuses sont sujettes à une interprétation libre. L'objectif doit exprimer clairement ce que l'étudiant doit faire. Ce n'est qu'à cette condition que l'objectif remplisse son rôle :

• assurer une communication claire entre le formateur et les apprenants et entre les formateurs eux-mêmes;

• aider le formateur à choisir les activités d'apprentissage et d'évaluation appropriées.

Un objectif tel que « l'apprenant fera preuve de curiosité » est sujet à interprétation. Il en serait de même pour l'objectif suivant: « l'étudiant sera capable de concevoir une base de données ». Afin d'arriver à rendre ces objectifs univoques, il faut se demander ce que l'étudiant fera pour démontrer qu'il fait preuve de curiosité ou qu'il est capable de concevoir une base de données.

Certains termes peuvent sembler sans équivoque et c'est à l'usage qu'on s'aperçoit qu'il faut les préciser davantage pour que l'objectif soit univoque. Des termes généraux comme connaître, savoir, comprendre, se familiariser, prendre conscience, apprécier, etc., prêtent à diverses interprétations. Il faut spécifier ce à quoi on s'attend de la personne qui connaît, sait ou comprend, afin d'inférer qu'elle connaît, sait ou comprend. Des termes aussi vagues renvoient plutôt à des à des objectifs généraux ou à des objectifs spécifiques.

Pour clarifier l'objectif spécifique, on déduit de celui-ci un échantillon d'objectifs opérationnel. On choisit parmi diverses possibilités les objectifs qui paraissent les plus pertinents, compte tenu du contexte, pour permettre d'atteindre l'objectif spécifique dont ils découlent. Par exemple, l'objectif spécifique « comprendre la signification de termes techniques » peut engendrer les objectifs suivants: « définir le terme en ses propres mots », « identifier le sens d'un terme quand il est utilisé dans un contexte », « distinguer entre des termes ayant des significations similaires ». Les utilisateurs doivent donc s'entendre sur la terminologie utilisée et rendre ainsi l'objectif univoque.

L'objectif opérationnel décrit un comportement observable.

L'objectif doit décrire une capacité que le sujet doit avoir acquise à la fin de son apprentissage. Il s'agit de préciser une capacité observable et non pas une catégorie de comportements comme le suggèrent les mots "comprendre" et "savoir". On doit pouvoir se représenter cette capacité au moyen d'une action concrète, observable. Ainsi, un objectif comme "voir la valeur de telle expérience" n'est pas opérationnel.

Il faut faire ici la différence entre le processus et le résultat, entre les moyens et ce qu'on veut atteindre. Par exemple, "découvrir tel principe de classification" n'est pas un objectif, mais un processus d'apprentissage qui ne peut être répété; "lire tel texte" n'est pas un objectif, mais une activité, une tâche à accomplir.

Il faut également distinguer les objectifs d'une liste de contenus, comme on en trouve dans certains plans de cours. En effet, un objectif comprend au moins trois parties : un sujet (l'apprenant), un verbe d'action (le comportement observable qui est attendu) et un complément (le contenu). Ainsi, dans l'objectif opérationnel « l'apprenant devra être en mesure d'énumérer les différents types de modèles de SGBD existants », le sujet est bien l'apprenant, le verbe énumérer réfère à un comportement observable et le contenu est lié aux types de modèles de SGBD. On ne peut donc confondre des objectifs et des listes de contenus. Il faut que le verbe et le complément soient précis pour que l'objectif soit opérationnel.

L'objectif opérationnel précise les conditions de manifestation du comportement

Cette caractéristique signifie que l'objectif doit, s'il y a lieu, faire mention des conditions dans lesquelles le comportement doit se manifester et des critères qui serviront à déterminer si l'objectif est atteint ou non.

Les conditions spéciales relatives à la manifestation du comportement sont toutes les conditions qui peuvent faire varier la difficulté d'un objectif et qui permettent de concevoir une situation concrète dans laquelle le comportement doit se manifester. S'il n'est pas nécessaire que tous les objectifs fassent mention de telles conditions spéciales, certains objectifs, l'exigent. Par exemple, l'objectif: « l'étudiant sera capable de dactylographier à la vitesse de quatre-vingt-dix mots à la minute » ne pourrait être suffisamment précis pour être opérationnel si les conditions de manifestation relatives au temps n'étaient pas indiquées.

L'indication des critères qui serviront à déterminer si la performance est satisfaisante est, elle aussi, facultative. Atteindre ou non un objectif s'exprime parfois en termes de tout ou rien

(exemples: on est capable ou non d'énumérer les quatre caractéristiques obligatoires d'un objectif opérationnel). Dans ces cas, on n'indique pas de critères quantitatifs pour vérifier si la performance a été atteinte; les critères qualitatifs mentionnés ou sous-entendus suffisent. Par contre, on doit parfois indiquer un critère exprimé en pourcentage ou en proportion de "bonnes réponses" à l'instrument d'évaluation de l'objectif; il peut aussi s'agir de la déviation acceptable établie à partir d'une norme donnée (exemple: couper une pièce de métal en acceptant une tolérance de 0,0150 mm dans les dimensions).

L’opérationnalisation des objectifs est faite surtout dans un souci d’évaluation car il est difficile d’évaluer l’atteinte d’un objectif spécifique, et plus difficile encore celle d’un objectif général.

Les quatre exigences opérationnelles sus-citées (univocité, comportement observable, condition, critère) facilitent en effet, grandement la tâche de l’enseignant qui doit élaborer ses tests d’évaluation, en particulier en ce qui concerne les qualités les plus difficiles à atteindre: la validité du test et l’objectivité de l’évaluation. En conséquence, clarté des objectifs et objectivité d’évaluation sont deux notions solidaires et il ne saurait être question d’un enseignement de qualité tant que ces deux notions ne sont pas réunies [Louanchi 87].

Pour l’enseignant comme pour l’apprenant, si l'évaluation est intégrée à l'apprentissage, du début à la fin du cursus, l’évaluation va être un appui, une aide. Elle ne sera plus une sanction mais plutôt un outil, dont on se servira pour construire l’apprentissage en sachant vraiment où l’on va. Le premier, en faisant son diagnostic, ne pourra ignorer les lacunes et les points forts du second et ce dernier saura à tout moment où il en est, sur quoi s’appuyer et l’étendue de l’effort qui lui reste à fournir [Tagliante 91].

Cette évaluation continue, que nous privilégierons dans notre modèle de système auteur, est appelée « évaluation formative » par opposition à « l’évaluation sommative » qui n’intervient qu’au terme d’un cursus d’apprentissage en vue de certifier un niveau ou une maîtrise de compétences. Les spécialistes s’accordent généralement pour définir trois grandes fonctions de l’évaluation [Tagliante 91]:

• le pronostic qui intervient avant la phase d’apprentissage et a pour rôle d’évaluer les prérequis de l’apprenant ;

• le diagnostic qui intervient pendant la phase d’apprentissage et a pour rôle de réguler l’enseignement ;

• l’inventaire qui intervient après la phase d’apprentissage et a pour rôle d’évaluer la somme des connaissances acquises.

Aussi, l’évaluation nécessite-t-elle des outils pour sa mise en oeuvre. Ces outils sont extrêmement divers. Des plus fermés comme les Questions aux Choix Multiples (QCM) aux plus ouverts comme les sujets de synthèse, chaque enseignant peut, dans son domaine, concevoir et élaborer des outils nouveaux, adaptés aux objectifs qu’il souhaite évaluer. Des outils comme test lacunaire, test d’appariement, test de classement sont désormais devenus classiques.