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1.3 L’épithélium intestinal

1.3.5 Translocation bactérienne : définition et méthodes d’évaluation

La barrière épithéliale, le système immunitaire et la flore intestinale sont les éléments clés dans l’homéostasie de la fonction de barrière de l’intestin. Lorsque l’un de ces trois composants est altéré, il peut se produire un phénomène dit de translocation bactérienne. (Balzan et al., 2007). Il s’agit du passage de bactéries viables (bactérémie), d’endotoxines ou d’antigènes du tractus intestinal vers les ganglions mésentériques et les organes extra- intestinaux tels que le foie et la rate, pouvant s’accompagner d’une infection systémique. En conditions physiologiques, le phénomène de translocation concerne une faible quantité de microorganismes qui vont accéder à la lamina propria via un passage transcellulaire et favoriser une réponse immunitaire dite « de tolérance ». Cependant, ce passage est limité du fait de la perméabilité sélective de l’épithélium et de la réponse immunitaire adaptée. Ce n’est que lorsque ces derniers sont altérés que la translocation bactérienne va s’étendre au niveau systémique et devenir pathologique pour l’hôte. En condition pathologique, la translocation bactérienne a été décrite à la fois chez l’homme et chez l’animal, même si les données de la littérature s’appuient essentiellement sur ce dernier. Chez l’homme, il est montré que la translocation bactérienne est plus fréquente chez les patients atteints d’obstruction intestinale

29 et ceux immunodéprimés (MacFie, 2004), ainsi que dans le cas de cirrhoses (Chang et al., 1998). La translocation bactérienne est associée à une forte incidence de septicémie (MacFie

et al., 1999). De nombreuses études ont établi un lien entre la microflore et les infections

nosocomiales, mettant en évidence le rôle de l’intestin comme réservoir de bactéries et

d’endotoxines (Emori et Gaynes, 1993 ; Marshall et al., 1993). Cependant le lien direct entre

ces observations et la translocation bactérienne au niveau intestinal n’a pas été établi. Cela

reflète en particulier les difficultés à recueillir les échantillons nécessaires et le manque de méthodes non invasives suffisamment sensibles. Il existe tout de même des techniques dont le principe repose sur la détection de bactéries au niveau des ganglions mésentériques ou du sang porte, mais essentiellement accessibles dans le cas de chirurgies abdominales lourdes ou de septicémies graves (O'Boyle et al., 1998). Les ganglions mésentériques et le sang porte représentent le lieu de passage des bactéries d’origine intestinale. Cependant selon les études réalisées, la corrélation entre la présence ou l’identité de la souche bactérienne présente dans l’intestin et celle retrouvée au niveau systémique reste discutée. La technique la plus répandue, aussi bien en clinique qu’en expérimentation animale, est la culture bactérienne de sang ou de ganglions lymphatiques mésentériques. Pour cela, les échantillons sont ensemencés dans des milieux de cultures à 37° pendant plusieurs jours. Ces milieux contiennent tous les éléments nutritifs (ions minéraux, facteurs de croissance, source de carbone et d’énergie) dont le microorganisme a besoin pour se multiplier. Pour ce faire, différents milieux existent avec une différence de consistance et de composition. Les milieux liquides favorisent la croissance bactérienne mais l’isolement des souches nécessite des milieux solides contenant de la gélose. D’autres peuvent être plus ou moins sélectifs et ainsi permettre de cibler une population bactérienne. Les milieux de culture non sélectifs (Figure

17) sont généralement composés d’une base nutritive constituée de molécules azotées (acides

aminés, facteurs de croissance divers) provenant de l’hydrolyse de produit d’origine vivante (animale, végétale, mycélienne) comme les peptones, les extraits de viande ou de levure. Ces supports ne contiennent pas de molécules inhibitrices et permettent de cultiver un large spectre de bactéries. Pour pallier aux exigences de certaines souches de bactéries, il existe des milieux non sélectifs enrichis en molécules organiques apportées par le sang, le sérum, l’ascite, l’extrait globulaire ou par des suppléments polyvitaminiques. L’un des supports de culture les plus utilisés est la gélose au sang d’origine diverse (cheval, mouton, lapin), qui favorise la culture des bactéries anaérobies strictes (Figure 17). Pour identifier plus finement une source bactérienne, il existe des milieux sélectifs qui empêchent la culture de certaines

30 bactéries par sélection chimique ou antibiotique. Ces supports donnent un ou plusieurs caractères biochimiques d’orientation de la bactérie permettant son identification.

Gélose Trypcase soja Gélose

schaedler

Figure 17 Gélose schaedler au sang frais et Gélose Trypcase soja.

Les bactéries les plus aptes à « transloquer » sont les bactéries «Gram négatif» (O'Boyle et al., 1998, MacFie et al., 1999). Un des composants de la paroi externe de celles- ci, le lipopolysaccharide (LPS), a pu être identifié grâce au développement de la technique du Lysat d’amoebocytes de limule (LAL). En clinique, lors d’infections, il existe une libération spontanée de LPS, ou provoquée lors de la lyse bactérienne induite par les antibiotiques. Ainsi le dosage sérique de cette endotoxine pourrait permettre un diagnostic précoce des infections à bactéries gram négatif. Ce test repose sur la réaction d’oxydation entre le LPS et la lymphe du crabe Limulus amebocyte contenu au sein du réactif. Cependant ce test a été décrit comme étant peu sensible et peu spécifique à l’infection. Ceci semble lié au fait que la lymphe utilisée dans le LAL réagit avec plusieurs agents pathogènes, rendant le test peu spécifique (Marshall

et al., 2002). Un autre test : l’Endotoxin Activity (EA) s’est développé et permet de révéler la

présence de LPS dans le sang par des anticorps murins anti-endotoxine marqués par le lumipol 3. Ce test semble avoir une meilleure corrélation entre le dosage d’endotoxines et les infections à bactéries gram négatif que le test LAL (Marshall et al., 2004).

Pour pallier à l’absence de tissus disponibles en clinique et dans le souci d’augmenter la sensibilité de détection, des études ont suggéré d’évaluer la présence bactérienne par l’analyse de l’ADN bactérien par PCR (Réaction de Polymérisation en chaîne ; Kane TD et

al., 1998). Cette méthode consiste à détecter ou à identifier l’ADN par les techniques de PCR

universelle ou par PCR spécifique (Figure 18). La PCR universelle présente un large spectre taxonomique consistant à amplifier un gène commun à toutes les bactéries, le gène ARN ribosomal 16S. Après l’amplification, une étape de révélation consiste à faire migrer les échantillons sur un gel d’agarose, permettant de vérifier la présence ou l’absence de bactéries. Les étapes de séquençage et de comparaison aux banques de données sont nécessaires pour identifier la bactérie en cause. En revanche, la PCR spécifique est une approche ciblée sur un

31 microorganisme en utilisant des amorces spécifiques. La PCR est une méthode très sensible ; elle peut dans certains cas s'appliquer directement à l'échantillon à analyser, supprimant ainsi les délais de mise en culture et les problèmes liés aux germes non cultivables. Cette méthode présente l’avantage d’être plus rapide que les méthodes classiques. Cependant elle présente le désavantage d’être non discriminante pour des bactéries génétiquement proches.

Figure 18 Les méthodes de détection bactérienne par PCR : universelle et spécifique.

D’après « outils diagnostiques moléculaires », Boisset, 2008.

2 Le foie