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d’inflammation et/ou d’infection

2.2 Risque d’infection systémique

Dans notre étude, 24 heures après la SM, nous avons analysé chez les rats de 10 et 20 jours l'incidence de translocation bactérienne, c'est-à-dire le nombre d'animaux positifs pour la présence de bactéries viables (par organe ou tissu d’intérêt) sur le nombre total étudié, et en parallèle déterminé la concentration en colonies (i.e. log UFC par organe) en utilisant la méthode traditionnelle de culture sur des milieux non sélectifs (limite de détection à 30 UFC).

Chez le rat de 10 jours, la SM de 4h ne s’accompagne pas d’un passage de bactéries vers les ganglions mésentériques lymphatiques, déjà positifs chez les témoins quelque soit le sexe. Ces premières observations étaient en accord avec les données de Yajima et al. en

104 2001 qui décrivent ce phénomène comme spontané durant la période néonatale précoce. De plus la charge bactérienne n’a pas été affectée par la SM unique, ce qui sous-entend que cette translocation était déjà maximale en conditions basales et non modifiée par le stress. Plusieurs travaux on déjà admis pour d’autres facteurs de stress néonatal, à l’exemple de l'hypoxie, ne modifiait pas la fréquence de translocation bactérienne basale vers les ganglions mésentériques (Yajima et al., 2001 ; Urao et al., 1996). Cette translocation physiologique est maximale au 7ième jour de vie chez le raton, pour diminuer avec l’âge et ne plus être détectable à la 5ième semaine (Yajima et al., 2001). Un tel passage bactérien est contemporain à la colonisation bactérienne de l'intestin et de l’installation des grands phylas, permettant de stimuler le développement des fonctions immunitaires (Perez-Cano

et al., 2012). A l’inverse, si le foie et la rate sont dépourvus de bactéries en conditions

basales, confirmant les données de la littérature (Yajima et al., 2001), le même épisode de SM s’est accompagné d’une translocation de bactéries viables vers ces organes. Une souche bactérienne identifiée dans le foie correspond à Stenotrophomonas maltophilia, une bactérie de la flore intestinale du rat, soulignant ici un passage bactérien d'origine endogène. Bien que cette bactérie soit de type aérobie comme la plupart des bactéries constitutives du microbiote chez le rat de 10 jours, elle reste néanmoins minoritaire. En effet, comme souligné par Yajima et al. (2001), la translocation bactérienne sera fonction de la capacité que présente la bactérie à transloquer plutôt que de sa quantité au sein du microbiote (Yajima et al., 2001).

Par rapport à l’homme, un tel passage systémique souligne la possibilité d’un risque réel pour le nouveau-né séparé de sa mère de développer une infection systémique si un microorganisme opportuniste, potentiellement pathogène, venait à se présenter au niveau de la lumière intestinale et de l’épithélium. Afin d'explorer cette hypothèse à partir de notre modèle animal, nous avons administré à des rats de 10 jours une souche d’Escherichia coli pathogène extra-intestinale (ExPEC). Une ExPEC a été choisie pour sa capacité à coloniser d’autres systèmes en dehors de la sphère intestinale. Elle peut être en effet responsable d’infections du tractus urinaire (cystites et pyélonéphrites), de la cavité abdominale (péritonite), de la pneumonie nosocomiale, de sepsis et aussi de méningites chez le nouveau-né (Johnson et Russo, 2002). La souche utilisée dans notre modèle (Sp15) a été isolée d’une méningite néonatale et présente, compte tenu de ses facteurs de virulence, la faculté entre autre de transloquer vers les organes systémiques (Johnson et al., 2003). Au laboratoire, il a été démontré que cette souche, lorsqu’elle était transmise de la mère au

105 nouveau-né, était effectivement retrouvée au niveau systémique, mais uniquement au cours des 15 premiers jours de vie et à condition qu’elle ait la faculté de produire une toxine bactérienne, la colibactine.

Pour s’affranchir d’une translocation basale de E coli Sp15 chez nos ratons de 10 jours, un gène de virulence (clbA), nécessaire à la synthèse de la colibactine, a donc été délété et remplacé par une cassette de résistance à la kanamycine, nous permettant ainsi de l’isoler et de l’identifier plus facilement au sein des tissus. Après l'administration de 109

UFC d’E.coli, les rats mâles et femelles de 10 jours ont été exposés à la SM de 4h et le niveau de translocation bactérienne a été analysé 24 heures après que le nouveau-né ait été remis à la mère. Puisqu’aucun dimorphisme sexuel n’a été observé au cours de nos travaux, les données des deux sexes ont été poolées et traitées selon les mêmes critères que ceux choisis précédemment (i.e. limite de détection à 30 UFC). Les résultats montrent que la souche exogène ExPEC administrée oralement est présente au niveau des nœuds mésentériques pour plus de la moitié de l'effectif testé, à la fois chez les animaux séparés que chez les contrôles, confirmant une fois de plus que la SM n'a pas d'effet sur la translocation bactérienne physiologique au niveau des ganglions mésentériques à cet âge précoce. Au niveau du foie, nous avons observé une tendance à l’augmentation de la translocation de la souche ExPEC, à la fois en termes de prévalence et de charge bactérienne pour le groupe séparé de la mère et une tendance similaire est apparue au niveau de la rate (Figure 37). Afin d’optimiser la sensibilité de détection des bactéries, nous envisageons d’utiliser des d’outils moléculaires tels que l’analyse de l’ADN bactérien par PCR, pour nous renseigner sur la diversité des bactéries ayant passé la barrière intestinale. De plus, il est envisagé de répéter cette expérience plus tôt dans la vie, comme le suggère l’étude de Birchenough et al. en 2013 où le rat de 2 jours apparaît plus susceptible que celui âgé de 9 jours pour développer une infection systémique après l’exposition à une ExPEC responsable de méningites néonatales (Birchenough et al., 2013).

106 L og ( U F C g/ foi e ) L og ( U F C g/ rat e ) Contrôle SM Contrôle SM L og (U F C g/ M L N ) Contrôle SM

Limite de détection à 30 colonies

MLN Foie Rate

Figure 37 Analyse de la translocation bactérienne après l’administration d’ E.coli chez le rat de 10 jours exposé à la séparation maternelle de 4 heures.

Les données sont exprimées en UFC par g de tissu testé, SM : séparation maternelle. (n=14 animaux par groupes)

La voie de passage transépithélial supportant la translocation bactérienne en conditions de stress chronique de SM a souvent été discutée. Certains auteurs ont suggéré que la translocation bactérienne systémique était associée à un passage paracellulaire (Barreau et

al., 2004b), quand d’autres l’ont attribué essentiellement à la voie transcellulaire (Gareau et al., 2006). De façon intéressante, une étude a montré qu’une infection chez la souris par Yersinia pseudotuberculosis provoquait une altération à la fois du passage para- et

transcellulaire (Jung et al., 2012). De plus, il a été montré que l’inhibition de la MLCK pouvait prévenir l’augmentation de perméabilité transcellulaire (Barreau et al., 2010), suggérant que la réorganisation des filaments d’actine en conditions de SM pourrait réguler les mécanismes d’endocytose. En utilisant notre modèle expérimental de SM de 4h, il serait intéressant de tester le résultat d’un traitement ML7 sur l’augmentation de perméabilité tant para- que transcellulaire (Figure 38), pour déterminer si l’activation de la MLCK a un impact marqué sur le passage transcellulaire. L’analyse en chambre de Ussing du passage de HRP dans le côlon des rats traités au ML7 après la SM permettrait de vérifier cette hypothèse.

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Figure 38 Voies impliquées dans la translocation bactérienne systémique suite à la séparation maternelle.

La translocation bactérienne peut faire intervenir la voie paracellulaire et la voie transcellulaire. JS : Jonctions serrées ; MLCK : kinase des chaines légères de myosine MLC : chaîne légère de la myosine. MLCP : Forme phosphorylée de la chaîne légère de la myosine.

Chez l’homme et particulièrement chez l’enfant de faible poids de naissance, les infections nosocomiales sont une cause majeure de mortalité (Stoll et al., 1996). Chez ces enfants, le traitement à la DEX peut s’accompagner d’effets néfastes sur la santé du nouveau-né en termes d’infection systémique, notamment lorsqu’un traitement durant 28 jours dés la naissance était associé à une augmentation de la bactérémie (Yeh et al., 1997). D’autres auteurs ont également rapporté chez ces enfants de faible poids de naissance un risque plus élevé d’infection lorsqu’ils recevaient un traitement de 14 jours à la DEX dés la 2ième semaine de vie (Stoll et al., 1999). L’ensemble de ces observations préconise d’éviter l’utilisation systématique de la thérapie à la Dexaméthasone chez le nouveau-né de faible poids de naissance et de comparer les bénéfices du traitement au risque d’infection.

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III Impact d'une séparation maternelle de 4h sur le

transcriptome hépatique du rat femelle âgé de 10 jours