• Aucun résultat trouvé

Les troubles fonctionnels digestifs, dont le syndrome de l’intestin irritable (SII), sont définis comme un ensemble de manifestations cliniques liées à des troubles digestifs en l’absence de pathologie organique (Mertz, 2003). Le SII est caractérisé par une alternance de diarrhées et de constipation, de ballonnements et de douleurs abdominales. Par ailleurs, il est décrit que les personnes atteintes de ce syndrome présentent une augmentation de la perméabilité intestinale (Spiller et al., 2000 ; Marshall et al., 2004), quelque soit le sous-type de SII (Piche et al., 2009). Chez les patients atteints de SII, la relation entre l’état de stress et

63 la sévérité des symptômes a été établie, mettant en évidence une réponse anormale au stress du système nerveux autonome, de l’axe HPA et une exacerbation de la perception de la douleur viscérale (Mayer et al., 2000).

2.1 1 Effet du stress sur la douleur viscérale

Les principaux neuromédiateurs du stress sont localisés au niveau du système nerveux central mais également au niveau de l’intestin (Taché et Bonaz, 2007). Chez l’animal, il a été montré qu’un stress de contrainte mimant une situation de stress aigu induisait une hypersensibilité viscérale (Gue et al., 1997). Les mécanismes impliqués dans ces altérations sont à la fois périphériques (Larauche et al., 2009) et centraux. Ils font intervenir le CRF au niveau central responsable des troubles moteurs (Taché et Perdue 2004) et de la sensibilité viscérale, puisque la sensibilité colique est atténuée après l’administration d’un antagoniste des récepteurs au CRF. L’augmentation de la sensibilité viscérale fait également intervenir les mastocytes au niveau colique où leur nombre ou encore le degré de granulation est corrélé avec l’intensité des symptômes. Les mastocytes se localisent à proximité des fibres nerveuses et il a été montré que la substance P, via l’activation des récepteurs NK1, induisait la dégranulation mastocytaire et la libération d’histamine, de cytokines ou de NGF pouvant agir sur les terminaisons des neurones afférents (Bradesi et al., 2002). L’administration de doxantrazole, un stabilisateur des mastocytes, bloque l’effet délétère du CRF sur la sensibilité viscérale (Barreau et al., 2007a).

2.1.2 Effets du stress sur la perméabilité intestinale

Chez l’animal, de nombreuses études ont établi une relation causale entre l’exposition au stress et l’augmentation de la perméabilité intestinale. Les modèles d'études s'appuient essentiellement sur le rongeur et le stress étudié peut être de nature ou de durée différente, gardant en commun de mimer un événement de vie stressant, tel qu’il pourrait se produire chez l’homme.

Le stress aigu, dit de contrainte, appliqué chez le rat s’accompagne d’une augmentation du passage au travers de l’épithélium intestinal de mannitol et de Chrome-EDTA (Saunders et

al., 1994), un passage pouvant s’étendre à des macromolécules de plus haut poids moléculaire

telles que la HRP (44 KDa) (Kiliaan et al., 1994) et entraînant une altération des échanges ioniques entérocytaires associés à la translocation bactérienne (Santos et al., 1999).

64 Le stress chronique d’évitement de l’eau ou WAS (water avoidance stress), s’accompagnant d’un état d'anxiété prolongé chez l'animal, est un modèle de stress psychologique chronique ayant permis d’affirmer les effets délétères sur la perméabilité intestinale (Santos et al., 1999). Le passage exacerbé de HRP a suggéré que le stress chronique pouvait faciliter le passage de bactéries, confirmé par Velin et al. en 2004 montrant une translocation bactérienne au niveau des plaques de Peyer (Velin et al., 2004). L'exposition à une session de stress acoustique et de contrainte de façon répétée a montré chez la souris, une augmentation de la perméabilité intestinale et une translocation bactérienne systémique qui s'étendait jusqu'au foie (Ferrier et al., 2003). De façon intéressante, il a été décrit que le stress chronique pouvait stimuler l’adhésion des bactéries au niveau des cellules épithéliales par un mécanisme dépendant des mastocytes (Soderholm et al., 2002a).

Ces modèles de stress aigu ou chronique ont tous contribués à l’identification des médiateurs impliqués dans les effets du stress sur la perméabilité intestinale, impliquant le CRF (Taché et al., 2009), les GC et les médiateurs des mastocytes. Le CRF et les GC sont impliqués dans le développement des altérations digestives (Santos et al., 1999 ; Saunders et

al., 2002). En effet, l’administration de CRF mime l’augmentation de perméabilité intestinale

liée au stress en activant les mastocytes (Santos et al., 1999, Wallon et Soderholm, 2009). D’autre part, Meddings et al. ont montré qu’une adrénalectomie ou un blocage pharmacologique des GR par le Ru486 bloquait les altérations de perméabilité dues au stress (Meddings et Swain, 2000). Très récemment, Zheng et al ont montré que l’administration de corticostérone mimait l’augmentation de la perméabilité intestinale induite par un stress chronique et que ces effets étaient essentiellement médiés par les GR exprimés dans l’épithélium du côlon (Zheng et al., 2013). Ces observations sont à relier aux travaux d’Ait- Belgnaoui et al en 2005 rapportant que l’augmentation de perméabilité paracellulaire colique induite par un stress aigu était responsable d’une hypersensibilité viscérale (Ait-Belgnaoui et

al., 2005). Au niveau cellulaire, l’utilisation du ML7, un inhibiteur spécifique de la kinase des

chaines légères de myosine (MLCK) a permis de mettre en évidence le rôle jouée par cette enzyme dans l’augmentation de la perméabilité intestinale. L’augmentation du passage paracellulaire résulte donc de la contraction du cytosquelette des cellules, via l’activation de la MLCK, provoquant l’ouverture de jonctions serrées. Cet effet en cascade favoriserait le passage d’agents luminaux au travers de la barrière épithéliale, susceptibles d’activer le système immunitaire de la muqueuse jusqu’à sensibiliser les terminaisons nerveuses sensitives (Ait-Belgnaoui et al., 2005) (Figure 30).

65

Ouverture des jonctions serrées

Figure 30 Mécanismes impliqués dans l’hyperalgésie viscérale induite par un stress de contrainte.

(D’après Ait-Belgnaoui et al., 2005).

3 Séparation maternelle et conséquences sur la santé de l’adulte