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1.10 Explosion d'une naine blanche à la masse de Chandrasekhar . 31

1.10.3 Transition déagration-détonation (DDT)

La transition d'une déagration vers une détonation (déagration to détona-tion transidétona-tion ou DDT) a été observée dans les expériences de combusdétona-tion terrestre de déagration dans des tubes [72], mais semble très dicile à réa-liser en milieu non conné. Ceci peut être attribué aux eets géométriques d'expansion : un choc à l'avant d'une déagration peut être aaibli s'il n'est pas susamment soutenu pour amorcer une détonation. On pense que les DDT dans les SNIa sont induites par le mécanisme de gradient de Zeldo-vich [98]. Il s'agit de l'explosion d'une région de combustible préconditionné de façon non uniforme dans laquelle un gradient de temps d'induction a été créé par la turbulence [99]. Deux contraintes majeures doivent être rencon-trées pour qu'une transition DDT puisse se produire. Elles concernent la distance critique Lc nécessaire au développement d'une détonation stable et l'intensité ou vitesse minimaleUcde la turbulence pour produire un mé-lange sur une région de tailleLc. Dans une naine blanche de carbone-oxygène (50%C-50%O) à une densité comprise entre 109 et 107 g cm3, les simula-tions semblent indiquer qu'une DDT ne peut apparaître que si la densité de l'étoile est de l'ordre de ' (15)×107g cm3 [100, 101]. Dans le cas des SNeIa, il existe deux scénarios possibles pour l'apparition d'une DDT : le modèle de détonation retardée où la déagration turbulente crée une large région de mélange et le modèle de détonation pulsée où la amme s'éteint suite à une expansion trop importante de l'étoile.

1.10.3.1 Détonation retardée

Les premières simulations 1D de détonations retardées ont montré leur ex-cellente capacité à reproduire les caractéristiques spectrales et la courbe de lumière des SNeIa [102, 103]. Les simulations les plus récentes de détona-tions retardées [104, 105, 106] considèrent une NB de 1.4MJ à l'équilibre hydrostatique avec un rayonRNB = 2×108 cm, à une densité centrale ini-tiale de ρc = 2×109 g cm3, à une température uniforme de T = 105 K et une composition initiale uniforme d'égales fractions de masse de C-O. Le réseau nuclaire est réduit à 4 éléments de base : les éléments intermédiaires représentés par C, O, Mg, Si et les éléments du groupe du fer symbolisés par Ni. Le développement de la amme peut être suivi sur la gure (1.15). La combustion débute par une déagration, suite à un point chaud initié au centre de la NB, dont la amme qui se propage initialement à une vitesse la-minaire105 cm s1 est rapidement plissée suite aux instabilités de RT qui vont accroître sa surface et l'accélérer à une vitesse qui demeure néanmoins inférieure à 2×105 cm s1. La déagration qui débute à très haute densité porte les régions centrales de la NB à une température de1010 K, provo-quant ainsi une levée de la dégénérescence qui va conduire à une dilatation de l'étoile. Après 1.6 s, la déagration a consommé 1/3 de la NB, son

Chap.1 Les supernovae de type Ia : caractéristiques et modèles 39 rayon a augmenté d'un facteur1.55et la densité de la matière non brûlée au voisinage du centre a chuté à2.5×108 g cm3. Une détonation à cette densité synthétise essentiellement du Ni, mais lorsqu'elle atteint les régions externes de l'étoile en expansion, elle rencontre un milieu dont la densité est inférieure à(15)×107 g cm3 où elle va synthétiser les éléments inter-médiaires. Avant la détonation, la NB est caractérisée par une composition non uniforme : des imbrûlés (carbone et d'oxygène) ainsi que des éléments intermédiaires sont encore présents dans les régions centrales (Fig. 1.16d). La détonation transforme tout le carbone et l'oxygène de ces régions en éléments du groupe du fer et produit les éléments intermédiaires dans les régions externes (Fig. 1.16a et 1.16c). La détonation retardée libère une énergie de(1.31.6)×1051 ergs (Fig. 1.18), synthétise'1MJ de Ni et

'0.4MJ d'éléments intermédiaires (Fig. 1.19). Ces résultats sont en par-fait accord avec les observations qui montrent'1MJ d'éléments du groupe du fer, dont'0.6MJ de 56Ni pour alimenter la courbe de lumière, et une énergie de(11.5)×1051ergs [107]. La stratication ainsi que la vitesse des éjecta semblent également reproduites (Fig. 1.17).

L'énergétique de l'explosion, l'absence d'éléments intermédiaires dans les régions centrales de la NB et la petite dispersion observée dans les SNIa normales pouvant être expliquée par les conditions initiales d'explosion font de la détonation retardée un scénario prometteur. D'autre part, la violence de l'explosion inhérente à la détonation rendent ce modèle très peu sensible aux conditions de transition vers la DDT, comme la distance au centre ou la densité de transition, ce qui lui confère également sa robustesse [104, 106]. 1.10.3.2 Détonation pulsée

Si la vitesse de la amme turbulente est trop faible, la déagration est inca-pable de supporter l'expansion rapide de la NB : la combustion du carbone et de l'oxygène s'arrêtent dans les régions où la densité est inférieure à106

g cm3. Le modèle de détonation pulsée envisage la possibilité de l'appari-tion, lors de la phase de contraction qui suit l'extinction de la amme, d'un gradient de temps d'induction sur une région susamment large pour initier une détonation viable [103, 108, 109]. Les premiers résultats montrent une faible production de56Ni, mais de quantités substantielles de silicium et de calcium, suggérant que ce modèle pouvait expliquer les SNIa sublumineuses comme SN1991bg [103].

Chap.1 Les supernovae de type Ia : caractéristiques et modèles 40

Fig. 1.15 Développement d'une amme turbulente (centre) suivit d'une détonation (gris) initiée après 1.52 s (à gauche) et 1.62 s (à droite). L'échelle de couleur indique la position, normalisée au domaine de calcul xmax = 5.35×108cm, de la matière brûlée par rapport au centre.[104]

Chap.1 Les supernovae de type Ia : caractéristiques et modèles 41

Fig. 1.16 Distribution des abondances d'une NB qui explose par déa-gration pure (d) et par détonation retardée (a etc) respectivement à 1.94, 1.94 et 1.82 s après l'allumage. L'échelle de couleur représente le numéro atomique moyen A = PXiAi, Xi étant les fractions massiques du C, O, Mg, Si et Ni.[104]

Chap.1 Les supernovae de type Ia : caractéristiques et modèles 42

Fig. 1.17 Distribution des abondances pour le modèle de déagration pure (d) et pour le modèle de détonation retardée (c) en fonction de la distance au centre normalisée au domaine de calculxmax = 5.35×108cm.[104]

Fig. 1.18 Energie totaleEtot, diérence entre l'énergie libérée par les réac-tions nucléaires et l'énergie de liaison de la NB en fonction du temps dans une déagration pure (d), et dans deux détonations retardées avec un allumage déclenché au centre (c) et à108 cm du centre (b).[104]

Chap.1 Les supernovae de type Ia : caractéristiques et modèles 43

Fig. 1.19 Distribution intégrale de la masse M d'une NB qui explose par déagration pure, modèle d, et par détonation retardée, modèle, c, en fonction de la distance au centre normalisée au domaine de calcul xmax = 5.35×108cm. [104]

CHAPITRE 2

Eléments de la théorie des détonations dans les gaz

2.1 Modèle de Chapman-Jouguet

Les premiers éléments de la théorie des détonations ont été énoncés indé-pendamment par le chimiste russe V. A. Mikhelson (1893) [110], par le chi-miste anglais D. Chapman (1899) et par le physicien français E. Jouguet (1905). Les travaux du scientique russe étant alors inconnus en dehors de la Russie, cette théorie sera référencée ultérieurement comme le modèle de Chapman-Jouguet ou modèle CJ. Dans ce modèle, l'onde de détonation est vue comme une discontinuité plane adiabatique de type choc séparant les gaz brûlés des gaz frais (dit également non brûlés) qui sont por-tés instantanément à l'équilibre chimique suite à une combustion complète et instantanée au passage de l'onde de choc (Fig. 2.1). L'hypothèse d'un front de combustion d'une épaisseur innitésimale permet l'utilisation des relations de Rankine-Hugoniot (RH) [70]. Ces relations expriment les lois de bilans hydrodynamiques, c'est-à-dire la conservation des ux de masse, de quantité de mouvement et d'énergie au travers d'une discontinuité (non nécessairement plane ou de célérité constante).

De façon générale, selon la direction normale à la discontinuité (disconti-nuité inerte ou totalement réactive) et dans un référentiel lié à l'état initial, ces lois de bilans s'écrivent :

ρ0D = ρ1(D−u1), (2.1) p0+ρ0D2 = p1+ρ1(D−u1)2, (2.2) e0+p0 ρ0 + 1 2D 2 = e1+p1 ρ1 + 1 2(Du1) 2−q01, (2.3) 44

Chap.2 Eléments de la théorie des détonations dans les gaz 45

D

gaz brulés (1) gaz frais (0)

p

x

(état 1)

(état 0)

Fig. 2.1 Représentation schématique d'une détonation CJ, discontinuité totalement réactive qui sépare les gaz non brûlés (gaz frais) des gaz brûlés. Au passage de la détonation se propageant à la vitesseDdans les gaz frais, ces derniers subissent un saut brutal de pression p qui les porte de l'état 0 (état initial) à l'état 1 (état nal des produits de combustion à l'équilibre chimique). Ce modèle suppose donc une combustion instantanée des gaz frais et une épaisseur innitésimale de la zone de réaction .

où les indices 0 et 1 désignent respectivement les états devant (amont) et derrière (aval) la discontinuité. Le passage de l'état 0 à l'état 1 s'eectue en l'absence de tout processus dissipatif (viscosité, conduction thermique, diusion) ; le transfert de chaleur est donc négligé. Les quantitésD,ρ,u,p,

e,q01représentent respectivement la vitesse de propagation de la détonation, la vitesse des gaz brûlés, la pression, l'énergie interne spécique et l'énergie spécique libérée par la combustion. Les bilans de masse (2.1) et de quantité de mouvement (2.2) peuvent se combiner pour donner l'équation

p1=p0+ρ0D2 Ã 1 ρ0 ρ1 ! (2.4) qui représente l'équation de la droite de Rayleigh-Michelson (RM) dans le plan (p1,V1 = 11) oùV1 est le volume spécique des gaz brûlés. La

combi-Chap.2 Eléments de la théorie des détonations dans les gaz 46 naison des trois équations (2.1-2.3) fournit la relation de Rankine-Hugoniot

e1−e0= 1 2 Ã 1 ρ1 1 ρ0 ! (p1+p0) +q01. (2.5) Cette équation donne le lieu de tous les états possibles de la matière après le passage du choc. Suivant la valeur deq01, nous pouvons distinguer deux si-tuations diérentes. Celle du choc inerte (q01= 0), c'est-à-dire d'une onde de choc qui n'induit aucune combustion et donc aucune modication de la composition chimique initiale du milieu. Cette situation se produit lorsque la compression induite par le choc est insusante pour conduire à l'auto-inammation du gaz. D'autre part, le choc totalement réactif (q01 >0) est celui qui induit une combustion complète en portant le milieu initial à la composition chimique de l'équilibre thermodynamique. Dans le premier cas, l'équation (2.5) dessine une courbe dans le plan (p1,V1) appelée adiabatique de choc (H) ; dans le second cas, elle dessine une courbe appelée adiabatique de détonation ou de déagration. Cette dernière courbe est également ap-pelée courbe de Crussard (C) et elle représente le lieu des états possibles des produits à l'équilibre chimique. L'interprétation des équations (2.4) et (2.5) est schématisée à la gure (2.2). L'équation (2.4) montre que la pente (tanθ = (ρ0D)2) de la droite de RM est proportionnelle au carré de la vitesseDde la détonation. Pour une valeur deD, la droite de RM issue du pointO (état initial) coupe la courbeC en deux points distincts excepté en

I etI0 où elle lui est tangente. En ces deux points, la vitesse de propagation du front est telle qu'elle satisfait à la relation de Jouguet, ou relation de sonicité,

D=u1+ae . (2.6)

La quantité ae dans cette équation resprésente la vitesse du son à l'équi-libre [111], c'est-à-dire la célérité des ondes acoustiques dans les gaz brû-lés calculée en tenant compte des variations innitésimales de composition s'ajustant pour maintenir l'équilibre chimique.

L'analyse de la courbe de Crussard permet de distinguer diérents régimes de combustion :

Le lieu des détonations fortes qui occupent la branche supérieure de C, au dessus du pointI.

Le lieu des détonations faibles situé sur l'arcIA.

Une région interditeAA0 où la vitesse de la détonation prendrait une valeur non physique (l'équation (2.4) montre que D2 < 0 dans cette région).

Chap.2 Eléments de la théorie des détonations dans les gaz 47 Le lieu des déagrations faibles situé sur l'arcA0I0.

Le lieu des déagrations fortes qui occupent la branche inférieure, en dessous du point I0.

Notre travail traite uniquement des détonations ; le reste de notre analyse portera par conséquent exclusivement sur ce régime de combustion. Notons seulement que l'utilité d'un tel diagramme pour l'étude du régime de dé-agration est très limitée. En eet, comme discuté au Ÿ1.9.2, le front de déagration est rapidement dominé par des instabilités non adiabatiques.

déflagrations détonations A I d’ d

p

I’

.

.

.

.

.

V

O

.

A’ C H

Fig. 2.2 Courbes d'Hugoniot (H) et de Crussard (C). Pour un état initial

Odonné, l'adiabatique de choc et la courbe de Crussard donnent l'ensemble des états naux respectivement après le passage de la discontinuité inerte et totalement réactive.

Chap.2 Eléments de la théorie des détonations dans les gaz 48

V

p

O A d b

.

.

.

.

H C

.

I e c

.

.

.

θ k f

.

Fig. 2.3 Détonations idéales fortes, faibles et CJ. Partant de l'état initialO, la détonation CJ est celle pour laquelle la droite de RM est tangente (droite

Od) à la courbeC des produits à l'équilibre chimique. Au point I (point de Chapman-Jouguet), la relation de sonicité est vériée (D−u1 =ae). Pour une célérité supérieure àDCJ, la droite de RM (droiteOc) coupe la courbe

Caux pointseetf qui sont respectivement les états naux d'une détonation forte et d'une détonation faible. Enn, pour une célérité inférieure àDCJ,la droite RH n'intercepte jamais la courbeC. Les points b,cetdsont des états post-chocs où les grandeurs thermodynamiques du milieu initial ont subi un saut compressif sans variation de composition chimique.

Chap.2 Eléments de la théorie des détonations dans les gaz 49 Les perturbations acoustiques qui naissent derrière un choc inerte nissent toujours par rattraper ce dernier : sa vitesse de propagation est telle que l'inégalitéD < (u1+ae) est toujours vériée. A l'opposé, dans le cas d'un choc totalement réactif, D < (u1 +ae) et D > (u1 +ae) respectivement au-dessus et en-dessous du point I (Fig. 2.3). Du fait que D < (u1 +ae)

pour les détonations fortes, ces dernières ne peuvent subsister que si elles transitent vers le régime CJ représenté par le point de tangenceI. Ce type de détonation est dit soutenu ou supporté au sens où il ne peut subsister que si une condition externe (simulée par l'action d'un piston) soutient sa propagation. Bien queD >(u1+ae) pour les détonations faibles, leur exis-tence potentielle est encore aujourd'hui sujette à débat et controverse. Nous reparlerons de ce type de détonations au Ÿ2.2.

On appelle détonation de Chapman-Jouguet toute détonation plane dont la vitesse de propagation satisfait à la relation de sonicité (2.6) à l'équilibre chi-mique. Dans ces conditions, la vitesse de l'écoulement derrière le choc égale la vitesse locale du son : (D−u1) =ae. Un tel écoulement est dit sonique et est caractérisé par la propriété qu'aucune perturbation apparaissant en aval du front de détonation n'est susceptible de le rattraper et de l'aaiblir, ou voire même le détruire. Pour ces raisons, la détonation CJ et plus gé-néralement toute détonation sonique est également qualiée d'autonome ou d'auto-entretenue. Comme on peut le constater à la gure (2.3), sa vitesse

DCJ représente la vitesse minimale possible de propagation d'une détonation décrite par le modèle CJ.

Le calcul de la vitesse de propagation d'une détonation CJ nécessite, outre les relations de de Rankine-Hugoniot, la formulation d'une équation d'état du uide ainsi que des équations qui traduisent l'équilibre chimique. Dans les paragraphes qui suivent, nous allons développer ces équations pour une telle détonation dans un plasma stellaire.