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Dans le cadre du modèle sub-Chandrasekhar, la détonation CJ de l'enve-loppe synthétise essentiellement 56Ni lorsqu'elle se produit à basse densité et à basse température. A densité et à température plus élevées, celle-ci synthétise un mélange d'hélium et de nucléides du groupe du fer. Ainsi, la détonation CJ de l'hélium à la surface d'une naine blanche ne produit au-cun élément intermédiaire comme le silicium ou le soufre. La détonation du

Chap.3 Détonation thermonucléaire à l'équilibre nucléaire statistique 118 carbone à haute densité (108à5×108 g cm3), lorsqu'elle suit la détonation de l'hélium (modèle sub-Chandrasekhar) où lorsqu'elle résulte de l'allumage central directe du carbone (modèle Chandrasekhar), conduit à un résultat identique, à savoir une production d'hélium et d'éléments du groupe du fer. Dans le cadre du modèle Chandrasekhar, la détonation CJ du carbone à faible densité (108 à 5×108 g cm3), induite par la transition d'une déa-gration vers une détonation, peut également être écartée puisqu'elle produit essentiellement56Ni.

Il semble donc, au travers des résultats que nous venons de présenter, qu'une détonation de Chapman-Jouguet qui se propage dans une étoile naine blanche n'est pas un scénario viable pour expliquer les supernovae de type Ia. Rap-pelons cependant que la détonation CJ suppose une combustion instantanée du combustible aboutissant à l'ENS. Aucune information sur la dynamique de la détonation, ni sur les échelles caractéristiques nécessaires pour aboutir à cet ENS n'est prise en considération. Ainsi, par exemple, la détonation de l'enveloppe d'hélium ne pourra produire un milieu riche en 56Ni que si la taille de cette enveloppe est de l'ordre de grandeur de l'échelle caractéris-tique de combustion permettant d'atteindre l'équilibre nucléaire statiscaractéris-tique. En d'autres termes, la détonation peut constituer un scénario favorable pour expliquer les SNeIa à condition que celle-ci ne soit pas une détonation de Chapman-Jouguet. Nous allons examiner cette situation dans les chapitres suivants.

CHAPITRE 4

Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane

Le présent chapitre se consacre à l'étude des détonations unidimensionnelles planes (ZND plan) dans les étoiles naines blanches de température, densité et compositions chimiques initiales présentées au chapitre précédent. Rappelons (Ÿ2.2) que le calcul d'une structure ZND nécessite la résolution du sytème = −ρ (D−u) σ·w (1−M2) , (4.1) dT = ∂p ∂T ¯ ¯ ¯ ¯ 1 ρ,Y ( à (D−u)2 ∂p ∂Y ¯ ¯ ¯ ¯ ρ,T ! X i ∂p ∂Yi ¯ ¯ ¯ ¯ T,ρ,Yj6=i wi D−u ) , (4.2) dY = w D−u , (4.3)

avec les fonctions constitutives p = p(ρ, T,Y), e = e(ρ, T,Y) et σ · w

(eq. 2.52) dénies au chapitre 2. L'équation (4.3) dénit le réseau de ré-actions nucléaires qui lie la variation des abondances des espèces dans le plasma aux taux de réactions nucléairesw. Pour chaque espècei,

wi = X j Ci(j)λjYj+X j,k Ci(j, k)ρNA < σnv >j,k YjYk + X j,k,l Ci(j, k, l)ρ2NA2 < σnv >j,k,l YjYkYl . (4.4) 119

Chap.4 Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane 120 Les termes du membre de droite de l'équation (4.4) sont appellés ux de réaction. Le premier désigne la contribution des réactions à un corps c'est-à-dire des processus d'interaction faible (désintégrationsβ et captures électro-niques) et électromagnétiques (photodésintégrations). Le second et le troi-sième terme désignent respectivement les réactions à deux et à trois corps. La quantité λj désigne le taux d'interactions faible et électromagnétique ; tandis que < σnv >j,k et < σnv >j,k,l désignent respectivement le produit de la section ecace de réactionσn par la distribution des vitesses relatives des processus à deux et trois corps. Ce produit est déni par

< σnv > =

Z 0

v σn(v)ϕ(v)dv , (4.5) oùϕ(v)représente la distribution de Maxwelle-Boltzmann des vitesses rela-tives [114]. Les coecientsCi sont des facteurs statistiques dénis par

Ci(j) = ±Ni , (4.6)

Ci(j, k) = ± Ni

Nj!Nk! , (4.7)

Ci(j, k, l) = ± Ni

Nj!Nk!Nl! , (4.8) oùNj,NketNldésignent respectivement le nombre de particules de l'espèce

i,j,k, et l impliquées dans la réaction. Le signe + ( - ) se rapporte à la production (destruction) de l'espècei.

Le réseau de réaction est couplé aux équations de l'hydrodynamique au tra-vers du taux de production d'énergie par le biais de la thermicité (voir eq. 2.52). Le système d'équation (4.1 - 4.3) est dit système raide ou sti car les dif-férentes grandeurs thermodynamiques évoluent sur des échelles qui dièrent de plusieurs ordres de grandeurs. La résolution de ce système nécessite un schéma d'intégration particulier qui est en mesure de gérer des pas d'intégra-tion extrêmement petits sur des distances relativement grandes. Dans notre cas, le domaine d'intégration évolue entre 108 et 1017 cm pour un pas d'intégration qui peut être inférieur à104cm. Sur toute l'étendue du do-maine d'intégration, la grande majorité des processus physiques semblent se dérouler dans la discontinuité (Fig. 4.1). Nous utilisons l'intégrateur VODE (Variable Coecient Ordinary Dierential Equations Solver) spécialement adapté aux systèmes sti [136]. Après divers tests, la résolution optimale a été xée à 104 points distribués logarithmiquement sur le domaine d'inté-gration. Le temps de calcul (sur un microprocesseur 64 bits) passe de 1

minute à 3 jours pour chaque ittération surD suivant que l'on utilise le réseau réduit ou le réseau étendu (voir Ÿ4.2).

Chap.4 Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane 121

Fig. 4.1 Evolution de la température d'un mélange He-C-O : Echelle li-néaire en noir et logarithmique en bleu àT0= 5×108 K et ρ0 = 107g cm3.

Fig. 4.2 Evolution de la thermicité : Echelle logarithmique (en noir) et linéaire (en rouge) de la détonation de l'hélium à5×108K et107g cm3.

Chap.4 Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane 122

4.1 Comportement au voisinage du point-selle

L'équation (2.1) du bilan de masse permet d'écrire

D−u1 = ρ0D

ρ1 . (4.9)

En terme des variables réduites dénies au chapitre précédent, les équations de la droite de Rayleigh-Michelson (eq. 2.4) et du bilan d'énergie (eq. 2.5) se réécrivent P = ρ0D2 p0 (1V) + 1, (4.10) ε = ε0−ε1+ D2 2e0(1V 2) + 1. (4.11)

Pour un état initial donné (ρ0, T0 et Y = cst) et une valeur arbitraire de

D, le système (4.10 - 4.11) est résolu par la méthode de Newton-Raphson multidimensionnelle avec T1 et ρ1 comme quantités inconnues. La solution de l'état post-choc est ensuite utilisée comme condition initiale pour inté-grer le sytème (4.1 - 4.3). Cette opération est répétée de façon dichotomique jusqu'à l'identication de la valeurDf de D permettant de faire converger asymptotiquement ce système vers la solution qui satisfait à la contrainte

σ·w= 0 lorsque M = 1 (voir Ÿ2.2.1).

Rappelons que σ·w = 0 symbolise l'équilibre chimique. Cependant, vu la complexité de la cinétique à considérer et les conditions thermodynamiques extrêmes qui règnent dans les naines blanches, le pic de thermicité peut dé-passer1030. Durant la combustion,σ·wchute et change éventuellement de signe à mesure que le système transite vers l'ENS, mais ne s'annule jamais (Fig. 4.2). Lorsque l'ENS est atteint, les grandeurs thermodynamiques sont stationnaires, la thermicité atteint une valeur minimale, mais ce minimum dière de plusieurs ordres de grandeurs (jusqu'à 106) d'un état d'ENS à l'autre (Fig. 4.3). On normalise la thermicité en dénissant la quantité

φ = σc·wc

σ·w , (4.12)

σc·wc désigne la thermicité à l'état post-choc. Pour chaque mélange, on choisit une valeur deDsupérieure à, mais pas trop éloignée de DCJ. Le sys-tème (4.10 - 4.11) est ensuite intégré depuis l'état post-choc (ξ = 0) jusqu'à une valeurξ où toutes les quantités thermodynamiques atteignent un état stationnaire. Si cet état représente un état nal d'équilibre, les abondances des nucléides dominants seront proches de celles calculées par le modèle CJ.

Chap.4 Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane 123

Fig. 4.3 Evolution de la thermicité lors de la détonation de l'hélium à

ρ0 = 5×105 (noir), 106 (rouge), 5×106 (vert) et107g cm3(bleu).

Fig. 4.4 Fluctuations de la thermicité à l'approche de l'ENS pour une ciné-tique calculée avec le réseau large. Vu que les uctuations portent également sur le signe deφ, nous avons représentélog|φ|.

Chap.4 Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane 124

Fig. 4.5 Evolution de l'énergie q libérée par la détonation de l'hélium à

T0 = 4×108 K etρ0= 5×106 g cm3et pour diérentes valeurs de D.

Fig. 4.6 Comportement de l'écoulement au voisinage du point-selle pour diérentes valeurs deD.Df représente la valeur propre du système calculé avecεD = 107.

Chap.4 Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane 125 La valeur φ de φ au point ξ sera alors prise comme valeur de référence pour la thermicité symbolisant l'approche de l'équilibre. Une recherche di-chotomique pour identier la valeurDf qui permet au système (4.10 - 4.11) de converger de sorte queφ→φlorsqueM 1au voisinage du point-selle. La dichotomie s'arrête lorsque les deux valeursDmin etDmax qui encadrent

Df présentent un écart ∆ = ¯ ¯ ¯ ¯ ¯1 Dmin Dmax ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ (4.13)

inférieur à une valeur arbitraireεD. Les gures (4.5 et 4.6) montrent le com-portement du prol de libération d'énergie q calculée avec une cinétique réduite de 13 espèces couplées par 27 réactions [137], au voisinage du point-selle de la détonation de l'hélium à4×108K et5×106g cm3. L'identication deDf est obtenue avec εD = 107.

Bien que cette méthode soit assez robuste pour identier le point-selle, elle ne peut être automatisée et nécessite quelques précautions particulières. Comme nous allons le montrer, si la cinétique conduit à une combustion en plusieurs étapes, l'existence de régimes basse-vitesse de propagation devient possible (voir Ÿ2.3). Dans ces conditions, l'une des étapes intermédiaires peut se termi-ner par un état stationnaire susamment long oùφprend une valeur voisine de, voire inférieure à, φ alors que le milieu est encore éloigné de l'ENS. Des endothermies locales peuvent également apparaître, se traduisant par un changement de signe de la thermicité qui pourrait être interprété comme un comportement pathologique (voir Ÿ2.2.2). D'autre part, avec un réseau de nucléides étendu, la transition vers l'ENS n'entraine pas une chute de la thermicité vers une valeur φ bien dénie, mais induit une uctuation avec changement de signe de celle-ci autour d'une valeur moyenne qui peut diérer pour chaque valeur deD (Fig. 4.4). Cette situation exclut toute contrainte possible sur φ et impose que l'intégration du système (4.10 - 4.11) doit se poursuivre sur un intervalle susamment long an de s'assurer que la com-position nale à l'ENS a bien été atteinte.

La discussion qui précède montre que la construction d'un algorithme per-mettant d'automatiquement isoler la valeur propreDf est délicat, voire im-possible dans notre cas. En astrophysique, le calcul d'une structure ZND de chaque mélange constitue un cas d'espèce qui nécessite un traitement particulier. Bruenn et Marroquin (1975) ont été les premiers à envisager ce type de calcul dans le contexte astrophysique [138]. Avec une équation d'état polytropique (loi gamma) et un réseau simplié de 13 espèces couplées par 26 réactions, ils ont essayé de calculer la structure ZND d'une détonation dans un mélange de carbone et d'oxygène (C-O) à des densités supérieures à

Chap.4 Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane 126

1010g cm3. Ils ont échoué dans leurs tentatives car la cinétique nucléaire de la détonation dans le mélange C-O induit une libération d'énergie non mono-tone aux densités qu'ils avaient sélectionnées. Leurs calculs ne convergèrent pas vers une détonation de Chapmann-Jouguet (CJ), seul type de détona-tions que leur algorithme pouvait gérer. Le second calcul de ce type a été présenté par Imshennick et Khokhlov (1984) pour la détonation du carbone pur à des densités comprises entre 106 et 108 g cm3avec une cinétique de 84 noyaux couplés par 600 réactions [139]. Les auteurs concluent que toutes les détonations se propageant dans un plasma de carbone pur à des densités supérieures à107 g cm3sont de type pathologique (voir Ÿ2.2.2). Les cal-culs de Bruen et al. sont repris par Khokhlov (1989) qui étudie la détonation du mélange C-O et de l'hélium pur à des densités comprises entre 106 et 3x109 g cm3 avec un ensemble de 112 noyaux [140]. Il conclut que les dé-tonations dans l'He pur sont toujours de type CJ alors que dans le mélange C-O, elles sont pathologiques pour toutes densités supérieures à 2×107

g cm3. Sharpe (1999) propose une méthode pour obtenir la structure com-plète (calcul de la zone de réaction au-delà du point-selle) d'une détonation pathologique avec un réseau réduit de 13 espèces couplées par 27 réactions dans un mélange C-O pour des densités de108 à 109 g cm3 [141].

24He + α ­ 12C + γ 12C + α ­ 16O + γ 16O + α ­ 20Ne + γ 20Ne + α ­ 24Mg + γ 24Mg + α ­ 28Si + γ 28Si + α ­ 32S + γ 32S + α ­ 36Ar + γ 36Ar + α ­ 40Ca + γ 40Ca + α ­ 44Ti + γ 44Ti + α ­ 48Cr + γ 48Cr + α ­ 52Fe + γ 52Fe + α ­ 56Ni + γ 12C + 12C 20Ne + α 16O + 12C 24Mg + α 16O + 16O 28Si + α

Tab. 4.1 Réseau réduit de 13 espèces couplées par 27 réactions (chaine alpha) habituellement utilisé dans les simulations de combustions thermonu-cléaires explosives astrophysiques.

Chap.4 Détonation thermonucléaire unidimensionnelle plane 127 Les travaux présentés ci-dessus sont les seuls de ce type eectués en astrophy-sique : Il faut noter que toutes les analyses de détonations dans les mélanges C-O ont toujours adopté un mélange de 50%C et 50%O. Le présent chapitre se propose de

I réexaminer les résultats des calculs des structures ZND dans les condi-tions de température, de densité et de composition envisagées dans les travaux ci-dessus avec le réseau habituellement utilisé de 13 nucléides couplés par 27 réactions, mais avec une gamme de compositions plus large que celle étudiée jusqu'à présent ;

I de répéter cette étude dans les mêmes conditions, mais avec une ciné-tique nucléaire nettement plus détaillée. Nous utiliserons un réseau de 333 noyaux (comprenant les protons et les neutrons) couplés par 3262 réactions. Les taux de réaction proviennent de la banque BRUSLIB de données nucléaires [131] qui regroupe les prédictions des vitesses de réaction basées sur les modèles nucléaires les plus élaborés disponibles actuellement.

Notre but est notamment de déterminer les diérentes longueurs caractéris-tiques (Li,Lc,ls etl) et de mettre en évidence l'inuence sur ces longueurs de la composition chimique initiale du combustible et de la cinétique nu-cléaire. Il est important de préciser la notion d'équilibre chimique pour le réseau réduit de 13 espèces. Il est clair que l'équilibre nucléaire statistique ne peut être atteint pour ce réseau puisqu'il ne comporte ni protons ni neu-trons. Dès lors, lorsque nous parlerons d'état d'ENS pour ce réseau, nous ferons référence à l'état stationnaire d'équilibre atteint par le mélange à la n de la combustion.

4.2 Calcul de la zone de réaction avec une cinétique