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1.10 Explosion d'une naine blanche à la masse de Chandrasekhar . 31

1.10.2 Déagration turbulente pure

Les problèmes posés par la détonation pure à haute densité ont conduit à l'hy-pothèse d'une déagration turbulente. Dans ce processus, la amme induit une expansion de la NB qui voit ainsi sa densité décroître progressivement au passage de la amme turbulente. Cette combustion subsonique à basse

Chap.1 Les supernovae de type Ia : caractéristiques et modèles 32 densité empêche l'incinération totale de l'étoile et favorise ainsi la produc-tion des éléments intermédiaires. Cependant, la forte expansion de l'étoile induite par une trop faible vitesse de propagation conduit à une extinction de la amme. Une étude détaillée de la amme laminaire de déagration du mélange C-O indique que la propagation de cette combustion est beaucoup trop lente pour conduire à la destruction totale de l'objet [71]. Sur cette base, la turbulence comme facteur accélérant la amme a été prise en compte. Vu les ressources informatiques limitées disponibles dans les années 80, les pre-miers modèles numériques prenant en compte les eets de la turbulence sur la amme laminaire étaient restreints à une dimension spatiale et à la sy-métrie sphérique. La vitesse de la amme était un paramètre libre ajusté de manière à reproduire au mieux les observations (voir en particulier [82]). Cette paramétrisation rend ces modèles peu prédictifs, mais leur principal vertu est de mettre en évidence les ingrédients physiques importants de l'ex-plosion. Les ressources informatiques croissantes ont permis d'eectuer des simulations tentant de reproduire une accélération naturelle de la amme turbulente par la prise en considération des instabilités multidimensionnelles (voir 1.9.2).

Les simulations hydrodynamiques multi-D eectuées depuis les travaux pion-niers [83, 84] utilisent tant les approches lagrangiennes (SPH) qu'eulériennes. La plupart des simulations eulériennes sont basées sur la méthode PPM dé-veloppée par [85] et d'un code astrophysique dédié à la combustion thermo-nucléaire stellaire. De très nombreux travaux ont ané cette technique et l'on appliquée en particulier à la modélisation des SNeIa [86]. Diérents mo-dèles ont été utilisés pour déterminer la valeur deSt, mais tous s'accordent sur la nécessité d'une vitesse de propagation de l'ordre de 30% de la vi-tesse du son pour pouvoir induire une explosion et reproduire les observables. La diculté majeure des simulations de déagration relatives aux SNeIa, et sans doute plus généralement à l'étude de la combustion thermonucléaire explosive en astrophysique, réside dans la très grande diversité des échelles de longueurs caractéristiques. Dans le cas de la modélisation des SNIa (voir chapitre 4), 12 ordres de grandeur séparent la taille de la NB (108 cm) des échelles de la cascade turbulente dont les eets s'étendent en-dessous de l'échelle de Gibson (104 cm). Cette situation rend impossible la simula-tion directe de toutes les échelles spatiales. Trois stratégies ont été adoptées an de prendre en compte les dimensions spatiales non résolues au niveau de la structuration interne de la amme. Elle peut être traitée comme une surface de discontinuité séparant le combustible du milieu brûlé [87, 88]. Au départ cette technique fut utilisée dans le cadre d'un maillage statique rané au centre de l'étoile. Un maillage uniforme qui se dilate avec la matière de la naine blanche en expansion a ensuite été développé [89]. Une autre stratégie de technique de capture de amme (ame tracking) a été mise au point

Chap.1 Les supernovae de type Ia : caractéristiques et modèles 33 par la prise en compte d'un mécanisme de diusion articielle joint aux réac-tions [90, 76]. La structure interne de la zone de combustion est ainsi étalée sur plusieurs mailles de calcul tandis que celles-ci évoluent par un algorithme adaptatif dans le temps. Il n'entre pas dans le cadre de notre travail de décrire plus en détails les techniques numériques ainsi que les modèles sous-mailles de vitesse de propagation de ammes qui y sont incorporés. Une troisième stratégie remplace l'utilisation d'un solveur hydrodynamique compressible par une modication des équations de l'hydrodynamique réactives sous l'hy-pothèse d'un écoulement à faible nombre de Mach [91]. Cette méthodologie a fourni une approche alternative utilisable uniquement dans les premières étapes d'instabilité de la amme laminaire, lorsque l'accélération de celle-ci n'invalide pas encore l'hypothèse d'incompressibilité de l'écoulement simulé. Passons maintenant brièvement en revue les résultats essentiels fournis par ces simulations multi-dimensionnelles. Les instabilités de Landau-Darieus dans une NB de C-O ont été etudiées à 2D par Niemeyer et al. (1995) [92]. Les fronts de déagration dans les NB apparaissent aectées par diverses instabilités à mesure que le front de amme se propage dans un milieu de densité décroissante. En-deça de 5×107 g cm3, la amme devient com-plètement turbulente. D'après Röpke et al.(2003)[93], l'apparition de cette turbulence est articielle et est due à une résolution spatiale insusante. Ils signalent également une accélération de la amme dont la vitesse augmente de 30% par rapport à sa vitesse laminaire. Cependant, les résultats de Bell et al.(2004) [94] contrastent avec ceux de [93], seule une augmentation de 2% étant prédite. Les travaux de [92] et [93] résumés ci-dessus utilisent un code PPM qui traite la amme comme une discontinuité qui se propage initialement à la vitesse laminaireSl, tandis que celui de [94] utilise une mé-thode dédiée aux écoulements à faible nombre de Mach. L'accélération du front de amme résultante des instabilités de LD semblent insusante pour conduire à une combustion thermonucléaire libérant susamment d'énergie pour faire exploser l'étoile.

Après l'allumage au centre de la NB, la amme subsonique se propage vers l'extérieur dans un milieu à densité décroissante. Cette combustion lente provoque une inversion de la stratication de la densité imposée naturelle-ment par le champ de gravité de la NB en superposant le combustible dense et froid au sommet des cendres peu denses et chaudes. Un mouvement des bulbes de gaz chauds en combustion vers les gaz frais apparaît (instabilités de RT), tandis que le front de amme se plisse (instabilités de KH), augmen-tant ainsi et par conséquent sa vitesse de propagation. Le taux de production d'énergie étant proportionnel à la vitesse de propagation du front de amme, ces instabilités semblent à priori être un moyen ecace pour la déagration de détruire l'étoile.

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Fig. 1.12 Développement d'une amme turbulente suite à l'allumage par 5 points chauds au voisinage du centre de la NB qui n'explose pas.[95]

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Fig. 1.13 Développement d'une amme turbulente suite à l'allumage par 9 points chauds au voisinage du centre de la NB qui induisent son explosion.[95]

Chap.1 Les supernovae de type Ia : caractéristiques et modèles 36 Les premières simulations 2D à grandes échelles (taille de la NB) laissent planer le doute sur la capacité d'une déagration turbulante à provoquer l'explosion de l'étoile [75, 87]. La situation se complique davantage du fait que les simulations 3D montrent une tendance de la amme turbulente à se stabiliser à des vitesses trop faibles pour induire la destruction de la naine blanche [76, 90]. Une alternative a été proposée par Reinecke et al. (2002)[95], l'allumage en plusieurs points pourrait conduire à une explosion bien que la vitesse de la amme turbulente reste largement inférieure à la vitesse du son (Fig. 1.12 et Fig. 1.13). Bien que la vitesse des éjecta soit grossièrement reproduite, la combustion semble se dérouler sous forme de grumeaux sépa-rés par des régions de C et d'O qui demeurent imbrûlées dans toutes la NB. D'autre part, l'énergétique de l'explosion, et donc la destruction éventuelle de l'étoile, ainsi que la composition des éjecta semblent sensiblement dépendre du nombre de points chauds [96]. Gamezo et al. (2003)[97] ont alors suggéré la prise en compte de la convection pour accroître la vitesse de propagation de la amme turbulente. Ils ont ainsi étudié l'impact d'un point chaud qui dé-marre dans un milieu initialement turbulent, la turbulence initiale étant créée par des mouvements convectifs qui apparaissent lorsque la NB se contracte brutalement juste avant l'allumage à l'approche de la masse de Chandrase-khar. La convection produit une légère accélération de la amme conduisant pour la première fois dans une simulation 3D, un taux de libération d'éner-gie susant pour induire une faible explosion de la NB lorsqu'un seul point chaud est initié en son centre (Fig.1.14). Cependant, l'augmentation de la vitesse de propagation combinée avec un plissement élevé de la surface du front de amme conduit à un mélange accru des cendres avec le combustible au voisinage du centre. La composition des éjecta résultant des simulations 3D contient des imbrûlés ainsi que des éléments intermédiaires qui s'étendent depuis les couches les plus profondes jusqu'à la surface de l'étoile.

Les travaux de [95] et [97] présentés ci-dessus constituent les avancés les plus récentes en matière de simulations multidimensionnelles à grande échelle de l'explosion d'une NB à la masse de Chandrasekhar par le mécanisme de dé-agration pure. Une fois initiée, suite à l'allumage de un ou plusieurs points chauds au voisinage du centre, la amme se propage à la vitesse laminaire qui est de l'orde de 1% de la vitesse du son. En moins d'une seconde, la dynamique de propagation est principalement gouvernée par les instabilités de RT issue de la propagation d'une amme hautement plissée soumise au champ gravitationnelle de la naine blanche de C-O en expansion. La poussé des cendres chaudes dans une direction opposée à la gravité, induit des mou-vements descendants de matière non brûlée vers le voisinage du centre de l'étoile, générant de nouvelles instabilités de RT, et ainsi de suite. Ainsi, la présence d'imbrûlés au voisinage du centre et l'inhomogénéité de la composi-tion des éjecta semblent inévitables dans le cadre du modèle déagracomposi-tion pure. Ces inconvénients peuvent être levés uniquement si la déagration donne naissance à une détonation, comme nous allons le montrer ci-dessous.

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Fig. 1.14 Développement d'une amme turbulente (gris) et de la vitesse d'expansion des gaz frais (couleur) suite à l'allumage par un point chaud au centre de la NB.[97]

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