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Transformations du système d'éducation supérieure

Etant donné ces nouvelles exigences sur le plan des compétences, les entreprises font montre d'un intérêt renouvelé pour les questions liées à la formation professionnelle, et en particulier à la formation professionnelle supérieure. Quand a ans la période fordiste les entreprises ne faisaient valoir que peu d'exigences à l'égard dtt système de formation supérieure, elles émettent aujourd'hui des recommandations pr_essantes dans ce domaine. La plus générale consiste en un rapprochement entre les hautes écoles et le monde de l'économie, qui se traduit en deux revendications particulières: d'une part, que les cursus soient adaptés afin de permettre la formation d'individus créatifs, polyvalents et réactifs. Les milieux industriels affirment par exemple que "ce qui_ comptera à l'avenir, ce ne sera plus l'acquisition de capacités spéëifiques à la profession acquise, mais la transmission cf e connaISsances pluridisciplinaires utiles à la compréhension et d'�tallations de pr<;>duction toujours plus complexes." (De Pury, Hauser, & Sclirrtjdt, 1996, 66). Dans la pratique, cette exigence devrait se traduire par un raccourcissement de la durée des études et une généralisation des pratiques de stage (Bamett, 1994, 15, 44). On constate ainsi une réévaluation des dimensions professionnelles-,pratiques de .la formation supérieure. En Suisse, cette réévaluation a pris une forme particulièrement spectaculaire dans la création des hautes écoles spécialisées, qui sont des écoles de formation professionnelle supérieure censées être en synergie avec le monde des entrepr.ises. Mais cette réévaluation touche aussi l'université traditionnelle: elle est aujourd'hui de plus en plus

encouragée à dispenser des formations pratiques et à assurer le contact des étudiants avec le monde de l'entreprise . (CSS, 1997;

Carrier & van Vught, 1993, 91-92), notamment en développant des programmes de formation continue. Cette dernière a connu récemment un important développement : pour prendre l'exemple de la France, "en 1993 ( ... ) près d'un actif sur trois [a}

bénéficié d'une action de formation, soit deux fois plus que vingt ans auparavant." (Gahery, 1996, 37). Dans le sectem universitaire, la formation continue prend le plus souvent la forme de troisièmes cycles orientés vers la pratique, doublés de période de stages, et financés par les demandeurs mêmes ( ce qui a l'avantage supplémentaire d'augmenter les ressources à disposition de Tuniversité): "l'émergence de nouvelles clientèles étuiliantes et le rapprochement de l'université et de l'entreprise ont par exemple offert des occasions nouvelles pour de nouveaux programmes d'études ; programmes 'coopéraâ.fs' (combinaison d'études traditionnelles et de formation en cours d'emploi), cours de développement professionnel intensifs ( ... ), etc." (Carrier &

van Vught, 1993, 92). Mais la formation continue est également assurée par les entreprises elles-mêmes ou dans certains cas, par des associations sans but lucratif (Colardyn, 1996, 42-43): ce qui fait que la formation continue est le secteur de l'éducation où la mise en place d'un marché est la plus avancée (OFS, 1997, 48).

La formation continue s'est pareillement imposée dans les années 80 notamment pour deux raisons: premièrement, la formation continue correspond au nouveau modèle d'organisation d'W1e économie au sein de laquelle la réactivît ' et la polyvalence sont perçues comme toujours plus importantes.

En effet, la formation continue repose sur W1 socle large de connaissances acquises, le plus souvent généralistes (savoir-être, culture, etc.), et développe des compétences spécifiques, techniques, pointues: on retrouve là l'idéa1 du travailleur p1uri­

actif, à la fois teclmicien et gestionnaire (Coriat, 1990, 224-229).

Par ailleurs, confo1mément aux besoins nouveaux des firmes globalisées toujours en crainte de ne pas disposer du personnel qualifié au moment voulu, la fonnation continue a f'avantage d'être flexible, organisable aisément, et de proposer des formations brèves et pratiques (OFS, 1995, 12-13). Les entreprises peuvent ainsi s'appuyer sur des cursus de formation continue auxquels elles recourront à mesure de l'évolution de leurs besoins. En ce sens, la formation continue est la meilleure formule pour qui recherche une adéquation optimale entre offre et demande de qualifications.

D'autre part, l'université devrait devenir un partenaire cles entrE;Prises dans le domaine de la recherche-développement ou en d autres termes, elle devrait mettent l'accent sur la recherche appliquée (Polster, 1996). L'idée sous-jacente est ici la suivante:

étant donnée d'une part la prise d'importance cruciale de la recherche-développement pour l'activité des firmes, et étant donné de l'autre le caractère extrêmement coûteux des investissements en R-D, les firmes cherchent à externaliser une partie de la recherche vers les universités publiques (subventionnements privés de recherches effectuées à l'université). Mais l'extemalisation des tâches ne peut avoir un effet de réduction des frais que si le mandataire (le sous-traitant) est lui allSSi contraint de réduire ses coûts au maximum. Un objectif supposé irréalisable dans le cadre actuel de l'université publique dont la masse salariale pèserait beaucoup trop lourd par rapport aux prix du marché. Aux yeux des milieux mdustriels, c'est l'mtroduction d'un marché académique qui serait le plus· susceptible de tirer à la baisse les coûts de fonctionnement de l'université. Ce marché pourrait naîh'e d'une privatisation intégrale des diverses institutions universitaires, qui seraient dès lors financées par des taxes dont les usagers s'acquitteraient par le biais de l'empnmt bancaire (cf. par exemple Straubliaar & Winz, 1992). Cette solution pourrait pourtant poser problème aux firmes, qui ont intérêt à ce que le financement de Tuniversité reste en partie public (sous peine de devoir elles-mêmes participer davantage au financement). C'est pourquoi on rencontre également des propositions de financement de la demande de formation par les oons éducatifs ("vouchers") qui permettrait de combiner privatisation de l'université et Iinaricement public (Comtesse, 1998). D'après ce modèle, 'les universités deviendraient des institutions privées offrant un service de formation à prix coûtant, tandis que les étudiants recevraient des chèques de formation censés couvrir les frais d'étude. La conséquence principale (et recherchée) de ce modèle, c'est la mise en concurrence des institutions: dans ce contexte, les universités seraient contraintes, afin de dégager un maximum de fonds pour la recherche - garante de la qualité de l'université et donc de l'afflux des étudiants sources de financement - de tirer à la baisse leur frais de gestion (notamment par le biais d'une baisse des salaires - ce qui suppose d'une part l'abolition du statut de fonctionnaire, explicitement revendiqué par les firmes; et de l'aub·e un relatif report des tâches du corps professoral vers le corps intermédiaire, une tendance clairement en cours aujourd'htù. Cf. Lévy, Roux & Gobet, 1997).

Ces transformations revendiquées par les firmes marqueraient une importante rupture d'avec le modèle universitaire classique. A l'exception du cas américain en effet, le modèle de l'université moderne (19e siècle) est un modèle d'université publique, c'est-à-dire d'université ayant (aussi) à r�hfilir des fonctions sociales: .inté�ati.on sociale, éducation, q · ·cati.on, diffusion de la culture (Renaut, 1995). C'est ce qui explique le monopole d'Etat sur la forma.Hon supérieure dans la plupart des pays ew·opéens, qui est resté .incontesté jusque dans les années 80. En revanche, la fonction sociale de l'université se voit contestée dans le cadre de la conception de "l'entreprise universitaire du savoir".

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