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CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL

2.1 La construction identitaire

2.1.2 Éléments inhérents à la construction identitaire

2.1.2.3 Transaction externe de nature relationnelle : représentations

Dubar (1991) explique que la transaction relationnelle, sur l’axe spatial, consiste à la gestion des interactions avec un « autrui significatif » dans le cadre du travail. Elle conduit à l’identité pour autrui. Dubar (1992) spécifie que la transaction externe/relationnelle vise à faire reconnaître ou non par les partenaires institutionnels la légitimité de ses actes, compte tenu des objectifs et des moyens de l’institution. Le

contexte relationnel, situé dans l’espace, est hérité de la sociologie compréhensive. Ainsi, l’identité d’un individu s’élabore à partir des rapports sociaux qui donnent sens à ses conduites (Poupart, 1997).

Pour l’EDMS, la transaction relationnelle serait faite de la gestion de ses rapports au public en général, aux apprenants, et aux collègues ainsi que de son appartenance au groupe, à l’art et à l’institution scolaire. Elle serait aussi faite de ses conceptions, de ses constructions de sens, de ses besoins, des représentations de son travail et de ses responsabilités liés au contexte dans lequel il s’inscrit (Gohier et al., 2000). Ainsi, les identités professionnelles sont multiples, dialectiques et évolutives. Elles dépendent des transactions relationnelles permanentes effectuées entre les individus. Ces derniers essaient de développer des stratégies identitaires individuelles selon le système culturel dans lequel ils s’inscrivent et selon les valeurs et normes qui s'imposent à eux.

Dubar (1991) a construit un ensemble de concepts explicatifs rendant compte de trois mécanismes de la socialisation professionnelle que nous considérons dans cette étude. Le premier mécanisme est « l’immersion dans la culture professionnelle ». Selon Hughes (1955, cité par Dubar, 1991), il y a quatre éléments de base à cette culture professionnelle : la nature des tâches, la conception du rôle, l’anticipation des carrières et l’image de soi. Le deuxième mécanisme est « l’installation dans la dualité entre un modèle idéal et le modèle pratique », ici, les rôles attendus inclus dans la définition de l’enseignant de la danse du PFEQ et la pratique réelle (Berger et Luckmann, 1986). Le troisième mécanisme est « l’ajustement de la conception de soi » ou l’identité en voie de constitution, qui est ce que l’EDMS se voit faire en pratique.

Pour Blin (1997) les représentations professionnelles sont des manifestations des transactions relationnelles. Elles sont des images, des contenus concrets portant sur un ou plusieurs aspects particuliers de l’objet. En l’occurrence, « l’identité professionnelle serait un réseau d’éléments particuliers des représentations professionnelles, réseau spécifiquement activé en fonction de la situation d’interaction et pour répondre à une visée

d’identification/différenciation avec des groupes sociétaux ou professionnels » (Blin, 1997, p.187).

Les représentations ont donc plusieurs fonctions : elles concourent à la construction d’un savoir professionnel, guident les pratiques professionnelles et participent au positionnement de l’individu dans le monde du travail. Les attitudes (Moscovici, 1961) positives et/ou négatives vis-à-vis de l’objet des représentations conduisent aux goûts, intérêts, orientations concernant des objets : valeurs, groupes de travail, stratégies, méthodes. Elles favorisent l’action et les prises de position dans le cadre du travail.

Ainsi, la construction opératoire de l’identité professionnelle passe non pas par des données objectives ou des sentiments subjectifs, mais, par la compréhension interne des représentations cognitives et affectives, perceptives et opérationnelles, stratégiques et identitaires, individuelles, subjectives et professionnelles des acteurs eux-mêmes (Barbier

et al., 2006; Blin, 1997; Dubar, 1991; Kaddouri, 2006; Mucchielli, 1986). Les

représentations mettent alors en jeu divers types de savoirs indicateurs possibles des identités sociales enracinées dans l’agir social et l’agir communicationnel. Elles sont les résultats « à la fois stables et provisoires d’un processus de socialisation conçu en termes stratégiques et communicationnels » (Dubar, 1991, p.108), autrement dit, de la transaction relationnelle.

Barbier (2006) affirme que « l’identité se donne à voir comme une construction mentale et /ou discursive opérée par des sujets » (p.20). « C’est souvent par inférences à partir d’observables des activités ou des discours que les représentations identitaires peuvent être supposées » (ibid, p.25). Il considère trois types de représentations interreliées qui se transforment, ensemble ou non: 1- les représentations du sujet, 2- les représentations de l'action et 3- les représentations de l'environnement (Barbier et al., 2006, p.16).

Cohen-Scali (2000, p.99) explique pour sa part que l’interaction entre attitudes, représentations et identité permet de dégager la dynamique de construction et de transformation identitaire dans le champ du travail. De plus (Baillauquès, 2002), précise

que l’identité est un discours, une image, un lieu social, elle marque la catégorie et la place de la personne et l’encourage à ses propres marges d’autonomie.

En résumé, la transaction relationnelle, inscrite dans l’axe spatial, s’effectue entre

la projection de l’avenir individuel et les projets de l’institution scolaire. C’est une transaction externe par laquelle les individus entrent en interaction avec les institutions et les acteurs significatifs d’un champ particulier : décideurs, élèves, parents, collègues, milieu artistique, autrui significatif. Le rapport à autrui se construit donc à travers les relations de l’individu avec autrui, dans un processus relationnel, car toute identification (identité pour soi) est en même temps différenciation. Les relations se transforment dans les échanges avec les autres (Cuche, 1996, cité parCattonar, 2005) et ainsi, la transaction relationnelle s’actualise dans les représentations, les rapports discursifs qui visent à se faire reconnaître, à affirmer la légitimité de ses prétentions par les partenaires institutionnels compte tenu des objectifs et des moyens de l’institution (Dubar, 1992). Elle conduit à l’identité pour autrui.

Nous sommes intéressée à la façon dont les EDMS effectuent la double transaction pour en saisir les négociations identitaires. Ainsi, les trajectoires sur l’axe temporel, résultantes de la transaction biographique, seront étudiées pour saisir les identités héritées, acquises et visées d’EDMS telles que repérables dans les récits biographiques. Pour étudier la transaction relationnelle, sur l’axe spatial, nous allons utiliser le concept des représentations pour rendre compte des interactions entre l’identité pour soi et l’identité pour autrui. Nous porterons attention aux ruptures qui émergent de ces deux transactions qui créent des tensions que l’individu va essayer de soulager à l’aide de stratégies identitaires. En effet :

« la figure de la transaction évoque aussi l’existence d’une dimension conflictuelle (tensions) qui implique une série de compromis provisoires et de perpétuelles renégociations, donnant le primat au changement qui résulte d’une nécessité d’articuler des exigences contraires» (Rémy, 1992, p.302).

Nous abordons les tensions dans le prochain point avant d’aborder les stratégies identitaires. Ce sont deux mécanismes de la construction identitaire dont il sera particulièrement question dans l’étude.