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CHAPITRE II CADRE CONCEPTUEL

2.1 La construction identitaire

2.1.2 Éléments inhérents à la construction identitaire

2.1.2.4 Tensions identitaires

Les différentes mises en relation du soi avec soi (transaction interne/ biographique) et du soi avec autrui (transaction externe/ relationnelle) produisent soit des effets de congruence ou soit des tensions identitaires. Barbier (2006) écrit en ce sens que la mise en relation sur le mode de la congruence produit le plaisir identitaire tandis que la mise en relation sur le mode tension produit un sentiment de « souffrance identitaire » (p.44).

Plus précisément, l’écart peut engendrer une tension. Les écarts, ou décalages,

perturbent l’unité et la cohérence identitaire en des pôles contrastants induisent un déséquilibre, un inconfort, une tension que l’individu est forcé de gérer pour retrouver la cohérence identitaire. Les tensions32 peuvent entraîner des oppositions entre des conceptions, des visions, des finalités, des missions ou des approches nouvelles ou encore des confusions de logiques d’action opposées.

Pour nous, l’écart suggère un espace créé entre deux pôles dans lequel l’EDMS doit se positionner sur le plan identitaire. Ainsi, le mot écart implique une dualité, un entre- deux. L’écart (de logiques, de valeurs, de représentations) offre une zone de croissance identitaire qui force (dans le déséquilibre) un positionnement, un choix de pôles ou un compromis entre deux pôles, forçant la résolution d’un problème identitaire.

Pour Dubar (1998), la crise (synonyme de tension) est une « perturbation de relations entre les éléments structurant de l’activité» d’identification qui consiste à « caractériser soi-même et les autres » (p.10). Ainsi les changements de normes, de repères,

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Les auteurs utilisent parfois d’autres termes pour parler de tension: crise (Dubar, 2001; Dubet, 1994; Legault, 2003), malaise (Blanchard-Laville et Nadot, 2000), clivage ou contradiction (Tap, 1980b), agacement (Kaufmann, 2004a, 2004b), entre-deux (Sibony, 1991), souffrance (Lantheaume et Hélou, 2008), perturbation (Lipiansky, 1990), discordance (Festinger, 1957), perturbation (Bourgeois, 2006b), distorsions (discrepency Higgins, 1987) ou encore : doute, ambivalence, difficulté, paradoxe, dilemme, frustration, insatisfaction, opposition, conflit, dysfonctionnement, ambiguïté, irritants, décalage, oscillation, contradiction.

de terminologie, de modèles « provoquent une déstabilisation des repères ainsi que des systèmes symboliques antérieurs» et entraînent des remises en question. Ces changements perturbant l’identité sont décelables dans les trajectoires et les représentations. Ils aident à identifier les ruptures ou les continuités dans le processus de construction identitaire.

La négociation identitaire des tensions implique alors de retrouver des références ou des repères identitaires par une nouvelle définition de soi-même, des autres et du monde en conciliant de nouveaux repères, de nouvelles références sociales pour, progressivement, incorporer une autre configuration identitaire contingente, un autre arrangement entre identité pour autrui et identité pour soi.

Pour changer sur le plan identitaire, à partir d’une tension, il faut qu’il y a ait rupture. Une sorte de dépassement des contradictions qui redéfinit les termes de la contradiction et qui les recadre différemment. Il peut s’agir de contradictions entre, par exemple, différentes images de soi par lesquelles une personne se définit.

Par ailleurs, lorsqu’il n’y a pas de tension, il y a congruence et continuité pour le maintien identitaire. Continuité par l’unification des pôles contraires pour apaiser la tension dans une quête d’unicité et de cohérence dans la représentation de soi. Un individu confronté à des tensions peut donc agir pour les réguler.

Les tensions peuvent émerger sur deux axes, temporel ou spatial. Sur l’axe temporel de la transaction biographique, il y a rupture ou continuité lorsqu’il y a tension entre les identités héritées, acquises et projetées qui sont complémentaires et/ou interactivement conflictuelles. Elles sont appelées tensions identitaires intrasubjectives. Sur l’axe spatial de la transaction relationnelle, il y a conflit ou compromis, lorsqu’il y a tension dans les interactions avec autrui, d’où résultent les tensions intersubjectives appelées aussi « interactions tensionnelles ».

« Il y a deux types de tensions : des tensions inter-dynamiques (ou intersubjectives) et des tensions intra-dynamiques (ou intrasubjectives). On peut avoir des tensions ou des conflits dans la composante professionnelle ou sociale de l’identité. On peut également avoir des tensions à l’intérieur de chaque dimension identitaire, on peut tout à fait être conduit à vivre des conflits de rôle : on peut être en difficulté quand on a plusieurs rôles à jouer, si ces

différents rôles s’excluent mutuellement. Il y a alors un choix ou un positionnement de la personne sur un ou plusieurs rôles» (Yessad-Blot, 2003).

Autrement dit, la tension intrasubjective serait la résultante d’un écart entre soi et soi ou entre soi et soi idéal : tension entre image de soi tel que l’on est (image de soi actuelle) et image de soi tel que l’on voudrait être (image de soi idéale ou prescrite). Pour sa part, la tension intersubjective serait la résultante d’un l’écart un écart entre soi et autrui, soi et l’institution, soi et la prescription : tension entre image de soi et celle qu’autrui a de soi, tensions entre image de soi et celle prescrite. Il peut se produire une tension entre la façon dont on se perçoit aujourd’hui (soi actuel) et la façon dont on aimerait être (idéal de soi), une tension entre deux idéaux de soi concurrents ou, encore, une tension entre l’image que l’on a de soi-même et l’image que l’on croit que les autres ont de soi. Une multitude d’autres tensions sont possibles. Elles procurent un inconfort identitaire que l’individu va essayer de réduire grâce à l’engagement dans certaines activités.

En résumé, tout changement de configuration identitaire passe par les tensions

intrasubjectives qui accompagnent les « moments cruciaux » de l’existence, les changements de statuts, de rôles et les événements marquants de l’histoire personnelle. Cependant, le changement implique non seulement la reconstruction d’une nouvelle identité personnelle parce que le statut change « objectivement », mais aussi parce que l’enseignant doit gérer « subjectivement » de nouvelles relations avec les autres lorsqu’il expérimente des tensions intersubjectives. Ainsi, il gère les changements entre « son passé, son présent et son futur » (Bossard, 2000, p 172-173) par des stratégies identitaires personnelles, soit intrasubjectives, soit intersubjectives, en contexte, pour construire son identité professionnelle.