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traitements de base plus élevés que le niveau habituel du marché, [des] prêts à la construction accordés au personnel à des taux d’intérêt inférieurs au niveau habituel du marché, [des]

indemnités de licenciement, [des] sureffectifs (rémunération de fonctionnaires sans véritables

attributions), etc. »

234

. Le juge de l’Union européenne retient une analyse semblable. Ainsi,

dans un arrêt du Tribunal des Communautés européennes, Danske Busvognmænd

235

, était en

cause un versement de l’État Danois qui permettait à l’entreprise Combus, société de droit

privée à capitaux majoritairement public mais employant des fonctionnaires, de mettre en place

une politique d’incitation du personnel à changer de statut (par le biais de bonification). Le

juge communautaire considère que ce versement ne constituait pas une aide d’État, au sens de

l’article 87 §1 du TCE au terme d’une analyse intéressante. Le Tribunal des Communautés

européennes explique en effet que « la mesure en question visait à remplacer le statut privilégié

et coûteux des fonctionnaires employés par Combus par un statut d’agent contractuel

comparable à celui des employés d’autres entreprises de transport par autobus se trouvant en

concurrence avec Combus. Il s’agissait donc de libérer Combus d’un désavantage structurel

par rapport à ses concurrents privés »

236

.

142. Cette indulgence ne doit cependant pas leurrer car les juges et autorités européens font

en réalité preuve d’un bien grand pragmatisme en analysant la situation concrète de l’entreprise

publique. Ainsi, dans chacune de ces affaires ils vérifient in concreto l’existence d’un

« désavantage structurel » qui peut notamment s’expliquer par « les missions d'intérêt général

qui leur sont confiées [et qui peuvent] avoir placé les entreprises publiques dans une situation

structurelle de surinvestissement : au-delà du service public, ces entreprises doivent souvent

faire face à des charges héritées du passé : des charges liées au statut spécifique du personnel

234 Com. eur., 19 juin 2002, déc. n° 2002/753/CE concernant des mesures prises par la République fédérale d'Allemagne en faveur de Deutsche Post AG.

235 TPICE, 16 mars 2004, aff. T-157/01, Danske Busvognmænd.

236Ibid., cons. 57. Or, selon le juge communautaire : « l’article 87, paragraphe 1, CE a pour seul objet d’interdire des avantages qui favorisent certaines entreprises, la notion d’aide ne recouvrant que des interventions qui allègent les charges grevant normalement le budget d’une entreprise et qui sont à considérer comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (…). Par ailleurs, l’État danois aurait pu, au lieu de verser la somme de 100 millions de DKK directement aux fonctionnaires employés par Combus, obtenir le même résultat par la réaffectation desdits fonctionnaires au sein de l’administration publique, sans versement de bonification spécifique, ce qui aurait permis à Combus d’employer immédiatement des agents contractuels relevant d’un statut de droit privé ».

de l'entreprise [ou par des] charges liées aux "coûts échoués", c'est-à-dire des investissements

rendus inutiles du fait de l'introduction de la concurrence dans les activités principales des

entreprises publiques »

237

. Autrement dit, ils n’excluent pas de sanctionner, sur le fondement

de l’interdiction des aides d’État illégales, l’édiction ou l’existence de règles plus favorables

applicables aux prestataires publics et susceptibles de fausser le jeu concurrentiel.

B. La neutralisation incidente des juges et autorités de la

concurrence

143. Si en principe, l’utilisation d’un personnel de droit public n’est pas considérée comme

étant en soi un avantage concurrentiel, en pratique, les juges et autorités de la concurrence

neutralise son incidence en contrôlant attentivement qu’elle n’est pas constitutive d’une aide

d’État illégale (1) ou qu’elle n’a pas servi à la proposition d’une offre anormalement basse en

matière de commande publique (2).

1. Par le contrôle des aides d’État : l’exemple du statut social du

personnel

144. Le mécanisme de contrôle des aides d’État peut utilement servir à compenser

l’exorbitance du statut social du personnel public. Ainsi, s’agissant du système de financement

des retraites du personnel des établissements publics industriels et commerciaux – à l’instar de

la RATP

238

, de La Poste

239

ou de France Télécom

240

– la Commission européenne a pu avertir

qu’il pouvait, le cas échéant, constituer une aide d’État illégale. Par exemple, dans le cadre de

la procédure d’enquête ouverte à l’encontre de France Télécom, la Commission européenne a

pu conclure que « jusqu'à présent le mécanisme de financement des retraites du personnel

fonctionnaire de France Télécom est compatible avec les règles de l'UE relatives aux aides

d'État du fait que les contributions réduites ont été compensées par le paiement d'une soulte de

5,7 milliards d'euros par France Télécom à l'État français en 1997. Cette décision est,

néanmoins, subordonnée à l'alignement complet, à partir de juillet 2012, du calcul de la

contribution annuelle de France Télécom sur celui de ses concurrents. La décision n'affecte en

237 H. Courivaud, Droit de la concurrence et entreprises publiques, J.-Cl. conc.-cons., fasc. 122, 2009, n° 69.

238 Cf. not. Com. eur., communiqué IP/07/1477 du 10 octobre 2007.

239 Cf. not. Com. eur., communiqué IP/07/1465 du 10 octobre 2007.

rien les contributions des salariés, ni le montant de leur retraite »

241

. Autrement dit, la

Commission européenne vérifie in concreto que « le niveau des contributions sociales et

fiscales obligatoires payées par La Poste soit équivalent à celui supporté par les entreprises

concurrentes. […] Le basculement de ces régimes vers le régime général, moyennant une soulte

versée par l’EPIC, est donc surveillé »

242

.

2. Par le contrôle des offres de la personne publique, candidate à

un contrat de la commande publique

145. Le juge administratif contrôle que les offres soumises par les personnes publiques dans

le cadre d’un contrat de la commande publique respectent le principe d’égale concurrence. En

effet, comme le rappelle Mme Catherine Bergeal « le respect de l’égalité des conditions de

concurrence doit se juger sur pièces, c'est-à-dire sur offres »

243

. Ainsi, il vérifie notamment

que le calcul des coûts du personnel n’a pas été « manifestement sous-évalué »

244

pour diminuer

fictivement le prix de l’offre.

146. On constate que le juge administratif fait preuve d’une particulière attention dans

l’analyse de la structure du prix de l’offre et n’hésite pas à procéder à un calcul des coûts

notamment du personnel. Par exemple, le raisonnement employé par le Tribunal administratif

de Dijon est particulièrement instructif et mérite, à ce titre, d’être reproduit dans son

intégralité

245

: « l'IGN a remis au district de l'agglomération dijonnaise une offre d'un montant

de 217 000 francs hors taxes ; si l'écart de prix, même important, entre l'offre du candidat

retenu et celles de ses concurrents n'est pas en soi constitutif d'un manquement au principe de

libre concurrence, il appartient en revanche au tribunal d'examiner les modalités de fixation

de ce prix ; l'IGN a produit un document, établi à partir de sa comptabilité analytique, par

lequel il expose les conditions de détermination de son prix ; il en ressort que la nature de la

prestation objet du marché justifiait l'affectation d'un ingénieur des travaux géographiques ; le

coût d'un ingénieur des travaux géographiques, dont le taux horaire catégoriel était

statutairement fixé pour l'année 1998 à 195 francs, s'élevait pour une journée à 1 560 francs

hors taxes ; l'IGN a évalué à 74 le nombre de journées de travail nécessaire pour exécuter la

241 Com. eur., communiqué IP/11/1577 du 20 décembre 2011.

242 ENA, Opérateurs publics et concurrence, Direction des études, février 2008, annexes, p. 16 et 17.

243 C. Bergeal, « La candidature d’une personne publique à un contrat public », Conclusions sur Conseil d’État, 16 octobre 2000, Compagnie méditérranéenne d’exploitation des services d’eau, RFDA 2001, p. 106.

244 B. Heckel, « Les conditions permettant à une personne publique de se voir attribuer un marché », concl. sur TA Dijon 29 février 2003, n° 99245, Société Jean-Louis Bernard Consultants : AJDA 2003, p. 790.

245 TA Dijon 29 février 2003, n° 99245, Société Jean-Louis Bernard Consultants : AJDA 2003, p. 790, concl. Heckel et note Dreyfus ; DA 2003, comm. 102, note M. Bazex et S. Blazy.

mission ; ainsi, les frais de personnel induits par la prestation s'élevaient, au total, à 115 440

francs hors taxes ; l'IGN a, par ailleurs, estimé à 26 600 francs hors taxes les frais divers

occasionnés par les déplacements au siège du district à Dijon et à 9 800 francs hors taxes les

frais exposés pour soumissionner ; une part des frais généraux, calculée par référence au

montant total des frais de structure et des recettes d'activité de l'IGN pour l'année 1998 et fixée

à 52 870 francs hors taxes a été prise en compte dans l'offre de prix remise au district ; enfin

la marge bénéficiaire s'établit à 12 500 francs hors taxes environ »

246

.

147. Cet exemple illustre bien le contrôle discret de l’imputation du personnel public dans le

prix du service marchand qu’exerce le juge administratif. Pour autant l’analyse de la

jurisprudence relative aux contentieux des offres anormalement basses ne permet pas de

conclure qu’un personnel de droit public aurait automatiquement pour effet d’avantager le

prestataire public.

148. Pour conclure, on ne peut déduire des développements précédents que les régimes des

personnels des prestataires publics seraient, à eux seuls, facteur d’inadaptation de l’action

concurrentielle des personnes publiques, bien qu’ils se distinguent, sur de nombreux aspects du

droit commun.

Section 2 L

ES BIENS

149. L’incidence du régime des biens publics – immobiliers et mobiliers – sur les

interventions concurrentielles des prestataires publics se décline en deux principales

branches

247

qui puisent leur racine commune dans le souci de protection du patrimoine public.

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