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règles juridiques exorbitantes du droit commun. Nous verrons toutefois que cette spécificité persistante peut encore être réduite

82. L’objectif est de donner un aperçu précis de cette spécificité et de son impact

concurrentiel sans toutefois prétendre à l’exhaustivité. Afin de ne pas perdre le lecteur dans un

fourmillement de détails révélant la variété des divers régimes juridiques applicables aux

personnes publiques, nous nous concentrerons sur les règles juridiques communes à toutes les

personnes publiques, en mettant particulièrement en avant le statut des établissements publics

industriels et commerciaux et des groupements d’intérêt public dans la mesure où leurs statuts

ont été conçus pour déroger au droit public et que la concurrence institutionnelle entre ces deux

personnes publiques spécialisées illustre parfaitement le caractère réductible de l’exorbitance

des règles juridiques applicables aux prestataires publics de service marchand

122

. À cet égard,

nous analyserons chacun des éléments exorbitants de leurs régimes juridiques à travers l’unique

prisme de leur incidence concurrentielle. Classiquement, la doctrine démontre que le statut de

droit public a des spécificités qui peuvent tantôt constituer des handicaps pour les prestataires

publics (qui, assujettis à certaines règles plus contraignantes que celles des entreprises privées,

sont désavantagés sur le marché) tantôt des avantages (en ce sens que certains privilèges dont

ils bénéficient, peuvent être mis au service de leur action concurrentielle). La balance de ces

avantages et de ces inconvénients fait alors conclure au Conseil d’État que « le régime juridique

des personnes publiques ne leur confère pas, par lui-même, un avantage anticoncurrentiel »

123

.

83. Nous montrerons, que par-delà l’avantage ou l’inconvénient, ces éléments exorbitants

du régime des personnes publiques, sont les premiers marqueurs de leur inadaptation au marché,

dans la mesure où ils contribuent à rendre plus difficile l’égale concurrence des prestataires

publics de service marchand.

122 Nous rappelons au lecteur que dans cette étude nous n’envisagerons pas spécifiquement les institutions particulières que constituent notamment la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations et l’Institut de France. De la même manière, les « personnes publiques innommées », tels que les « agences » ou les « offices publics » ne feront pas l’objet de développements distinctifs (sur cette question, cf. L. Richer, « Les personnes publiques innommées », in AFDA, La personnalité publique, Litec, 2007). Ce choix est motivé par le souci d’établir une analyse générale des activités concurrentielles des personnes publiques. Toutefois, en dehors du cas très spécifique des autorités administratives ou publiques indépendantes, les conclusions de cette étude auront vocation à embrasser l’ensemble des personnes publiques. Dans un autre ordre d’idées, nous n’aborderons qu’incidemment le cas des autorités administratives ou publiques indépendantes dans la mesure où elles n’ont pas en principe vocation à intervenir sur le marché mais au contraire à le réguler. Cependant, nous nous interrogerons sur la question de savoir si ce modèle pourrait permettre d’adapter l’activité publique marchande au milieu concurrentiel : cf. infra n° 791 et s.

84. Pour mener à bien cette démonstration nous opérerons une distinction des plus

classiques entre les moyens (chapitre 1) et l’activité des prestataires publics de service

marchand (chapitre 2).

Chapitre 1 Le caractère exorbitant des règles relatives aux

moyens des prestataires publics de service marchand

85. Seront successivement envisagées les règles relatives aux trois principaux moyens dont

disposent les personnes publiques pour accomplir leurs activités publiques de service

marchand : les personnels (section 1), les biens (section 2) et les actes (section 3).

Section 1 L

ES PERSONNELS

86. L’incidence des personnels

124

sur les interventions concurrentielles des personnes

publiques pose assurément une des questions les plus épineuses et sensibles qui soit

125

.

87. Épineuse, car une lecture sommaire du droit positif pourrait laisser penser que la

question ne se pose pas. En effet, en vertu d’une jurisprudence classique la distinction est bien

établie entre les personnels des personnes publiques exerçant un service public administratif

qui relèvent du droit public, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels

126

, et les personnels des

personnes publiques exerçant un service public industriel et commercial qui relèvent du droit

privé, à l’exception notable du directeur

127

et du chef de la comptabilité

128

. L’attractivité du

124 Nous employons le terme de « personnels » et pas de « personnel » pour bien insister sur la disparité des règles applicables : en effet, il existe plusieurs catégories de personnel employé par les personnes publiques.

125 Sur ce sujet, cf. not., L. Lamblin, La fonction publique de l’État confrontée à la concurrence, Thèse, Paris II, 2007, p. 662 – J.-L. Duprilot, « les modifications de statut des établissements publics et leurs conséquences sur le régime juridique de leurs personnels », AJDA 1972, p. 603 – G. Dumont, Application du droit de la concurrence aux activités publiques, JCP A, Lexis-Nexis, fasc. 292, n° 23 et s. – M. Juan, Continuité de l’emploi et évolution des activités publiques, Thèse, Pau, 2012.

126 TC, 25 mars 1996, Préfet de la région Rhône-Alpes c. Conseil de prud'hommes de Lyon (dite jurisprudence Berkani) : Rec. 535 ; RFDA 1996.819, concl. Martin ; AJDA 1996. 355, chron. Stahl et Chauvaux ; D.1996.598, note Saint-Jours ; Dr. soc. 1996.735, obs. Prétot ; CJEG 1997.35, note Lachaume ; Gaz. Pal. 10-11 juillet 1996, note Petit ; JCP 1996.II.22664, note Moudoudou ; RJJ 1997.745, note Monjat. Selon le Tribunal des conflits : « les personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi ». Le juge précisera par la suite que cette jurisprudence s’applique aux « personnels non statutaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif géré par une personne publique » : TC, 9 décembre 1996, Mme Hamon c. Greta Sud Haute-Marne : AJFP 1996, p. 4, et, AJFP 1997, p. 15, obs. P. Boutelet – CE, 26 juin 1996, Commune de Cereste : AJDA 1996, p. 808.

127 Cf. CE, 26 janvier 1923, Robert de Lafrégeyre : Rec. 67 ; RDP 1923. 237, concl. Rivet ; GAJA 19ème éd. n° 38. Sur les difficultés d’appréciation de la notion de directeur, cf. not TC, 13 décembre 1976, Chambre de commerce et d’industrie de Marseille : Rec. 705 (qui fait référence au « plus haut emploi ») – TC 13 février 1984, Pomarédès : Rec. 523 (qui fait référence à « celui qui occupe le plus haut emploi »).

128 Cf. CE, 8 mars 1957, Jalenques de Labeau : Rec. 158 ; S. 1957.276, concl. Mosset ; D. 1957. 378, concl. et note de Laubadère ; JCP 1957.II.9987, note Dufau ; AJDA 1957.II.184, chron. Fournier et Braibant.

droit privé est d’ailleurs forte car la solution s’applique même si l’agent est soumis à un statut

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