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Traitement particulier des particules colocalisées

2.5 Traitement des données TIRFM et extraction de la cinétique de départ des jalons

2.5.3 Extraction de la cinétique de départ des marqueurs

2.5.3.4 Traitement particulier des particules colocalisées

Nous cherchons à déterminer le temps mis par le ribosome pour parcourir la distance entre nos deux jalons fluorescents. Pour effectuer cette mesure il nous faut déterminer les instants de départs individuels de chaque jalon, mais on doit aussi s’assurer qu’ils sont tous deux présents sur l’ARN messager. En pratique ce n’est pas le cas pour tous les systèmes mais seulement pour environ 50% d’entre eux. On va donc isoler cette sous-population au moment du traitement des données pour étudier leur cinétique à part.

La distance entre les deux fluorophores n’étant que de quelques nm, s’ils sont sur le même ARNm, alors ils sont colocalisés dans le rouge et dans le vert (situés à la même position spatiale sur l’image comme visible sur la figure 2.23). Pour s’assurer que des particules sont colocalisées, la technique la plus rigoureuse consisterait à faire de la super localisation. Un émetteur unique

Figure 2.23 – De gauche à droite : section d’une image TIRFM dans le rouge, dans le vert et superposée dans les deux couleurs. Les points jaunes sur l’image de droite marquent la présence de deux particules colocalisées.

est représenté sur nos images par une tache d’Airy. Pour localiser précisément la molécule, on peut modéliser la tache d’Airy par une gaussienne dont l’expression est :

G(x, y) = A × exp  −(x − x0) 2 2w2 0 −(y − y0) 2 2w2 0  (2.1)

avec A une constante, (x0, y0) les coordonnées spatiales du centre de la gaussienne et w0

sa largeur à mi-hauteur. La position du centre de la gaussienne nous donne alors la position de la molécule avec une précision spatiale largement en dessous de la limite de diffraction. Seulement pour super-localiser les molécules, deux conditions doivent être rassemblées. La tache de diffraction correspondant à une molécule doit être répartie sur un grand nombre de pixels (au moins une dizaine de pixels) et le rapport signal/bruit doit être excellent. Or pour avoir un très bon rapport Signal/Bruit, il faut éclairer avec une puissance d’excitation importante, ce que nous ne faisons pas pour limiter le photoblanchiment de nos fluorophores.

De plus, pour assurer un rapport signal/bruit suffisant pour nos expériences, nous limitons la tâche de diffraction sur 4 à 9 pixels (pour avoir une meilleure intensité par pixel). Nous ne travaillons pas dans des conditions de super-localisation car ce n’est pas notre objectif. Il est primordial pour notre approche de ne pas photoblanchir les fluorophores prématurément.

Nous détectons les colocalisations simplement par comparaison des images dans le rouge et dans le vert, en considérant les fluorophores dont les pixels se recouvrent. Nous acceptons une précision moindre qui implique que si un ARNm ne possédant qu’un jalon vert est fortuitement très proche d’un autre ARNm avec juste un jalon rouge, nous ne distinguerons pas ce cas d’un ARNm seul possédant les deux marqueurs.

La probabilité d’une telle colocalisation fortuite est néanmoins faible. Environ un pixel sur 500 est marqué, ce qui signifie que la probabilité que deux fluorophores de couleur différente se retrouvent colocalisés par hasard est de 1/500ème. Comme nous avons environ un millier de

fluorophores visibles sur la zone de la caméra, cela signifie moins d’une dizaine de faux positifs. Une fois qu’on a effectué cette opération, on détecte sur l’image les particules après une opération de seuillage et on retient leur localisation (barycentre de l’intensité des pixels au dessus du seuil). Pour chaque film (rouge et vert) indépendamment, on effectue ensuite le même traitement que celui présenté précédemment (sélection par la taille, identification des temps

de départ...) mais uniquement pour la sous-population identifiée des particules colocalisées. On extrait ainsi séparément la cinétique de départ des deux marqueurs.

Une ultime sélection est appliquée pour éliminer les cas où un seul des deux marqueurs cesse d’émettre de la fluorescence, pour ne garder qu’une sous population de systèmes qui remplit les deux critères suivants :

• les deux marqueurs sont présents initialement sur l’ARN messager,

• la trace temporelle des deux fluorophores présente une disparition du signal de fluorescence en une seule étape (traces canoniques).

En effet un évènement de traduction implique nécessairement le départ des deux marqueurs successivement, alors qu’un départ spontané de l’ARNm ou le photoblanchiment peut n’affecter que l’un des deux fluorophores. Dans la pratique cette sélection sévère présente un vrai enjeu si l’on souhaite accumuler une statistique suffisante. Le taux de colocalisations étant rarement supérieur à 70%, la sous-population des particules colocalisées est déjà réduite. Si en plus on ne considère que le cas où les deux marqueurs sont détachés ou photoblanchis, cette sous-population se réduit notablement. A cette étape, cette sous-population statistique sera d’autant plus im- portante que l’efficacité de traduction de notre système sera grande et le taux de colocalisation élevé. Ces deux paramètres auront une importance capitale pour la réalisation pratique de notre étude, et ont demandé un réel effort d’optimisation.

2.6 Conclusion

Ce chapitre décrit notre dispositif expérimental de TIRFM dans son ensemble, tel qu’il a été imaginé, développé et optimisé avant mon arrivée en thèse.

La technique de microscopie de fluorescence et les fluorophores ont été sélectionnés en fonc- tion des contraintes imposées par notre système biologique et par le principe de notre étude cinétique. Nous avons choisi le TIRFM puisqu’il s’agit d’une technique de microscopie plein champ qui permet d’imager des molécules uniques avec un faible bruit de fond. Les fluorophores utilisés sont des fluorophores organiques de petite taille (pour ne pas gêner l’activité du ribosome) présentant de très bonnes propriétés photophysiques.

Le dispositif de TIRFM ne se résume pas à un montage optique. Nous avons décrit dans ce chapitre l’ensemble des composantes optiques, mécaniques, électroniques, thermiques et flui- diques nécessaires pour mettre en œuvre nos expériences de mesure cinétique. Un des points caractéristiques de notre dispositif est la synchronisation complète des différents éléments, es- sentielle lorsque l’on veut suivre la dynamique d’un système biologique.

Après une phase d’acquisition, une phase de traitement des données est essentielle pour extraire l’information cinétique d’une série d’images TIRFM acquises dans le temps. Nous avons discuté ici des différentes étapes de ce traitement sur le logiciel IGOR Pro qui aboutissent à déterminer précisément les instants de départ de nos jalons fluorescents. Nous montrerons dans le chapitre 4 les conclusions biologiques apportées par le traitement statistique de cette donnée et son interprétation.

Mon travail de thèse s’est construit sur la base expérimentale solide décrite dans ce chapitre, fruit des travaux de plusieurs doctorats successifs. Tel quel le dispositif a permis de réaliser une preuve de principe de la mesure de la cinétique du ribosome mammifère en molécule unique. L’enjeu du début de mon doctorat était de partir de cet acquis pour aller explorer de nou- velles problématiques biologiques telles que les erreurs programmées de la traduction eucaryote. Chaque nouvelle question biologique implique alors de se confronter à de nouveaux enjeux ex- périmentaux, ce qui fera l’objet du chapitre 3.

Je présenterai dans ce chapitre des améliorations apportées aux éléments de montage TIRFM pour conforter nos acquis et élargir les possibilités de nos expériences.Je m’attacherai plus par- ticulièrement à décrire mon apport pour répondre à une problématique majeure de notre étude : comment réduire les départs non traductionels des jalons fluorescents (photoblanchiment et dé- parts spontanés), principale source de bruit de nos mesures ?

Mise en œuvre d’une expérience

d’étude de la cinétique en molécule

unique

Sommaire

3.1 Histoire de l’expérience de nos rêves . . . 84 3.1.1 De l’échantillon idéal... . . 84 3.1.2 ...A des conditions expérimentales optimisées . . . 84 3.2 Améliorations optiques . . . 85 3.2.1 Réduction du fond de fluorescence parasite . . . 86 3.2.2 Optimisation du système de maintien de la mise au point : utilisation d’une

barette CCD . . . 91 3.2.3 Tentative d’optimisation des propriétés photophysiques des marqueurs fluo-

rescents . . . 91 3.3 Stabilité thermodynamique des ARNm et des oligo-fluorophores . . . 97 3.3.1 Description du complexe thermodynamique étudié . . . 97 3.3.2 Protocole d’hybridation et formation du complexe ARN/oligos . . . 98 3.3.3 Rappels des lois thermodynamiques régissant la formation du complexe

ARNm-oligonucléotides . . . 99 3.3.4 Pistes d’amélioration de la stabilité thermodynamique . . . 102 3.4 Expérience réelle : bilan . . . 107 3.4.1 Amélioration de la stabilité et du rapport signal/bruit . . . 107 3.4.2 Caractéristiques de l’échantillon réel . . . 108 3.5 Conclusion . . . 111

L’objectif de ce chapitre est de présenter sous tous ses aspects ce que nous avons imaginé comme étant notre idéal expérimental, et de décrire les stratégies qui nous ont permis de nous rapprocher de cet idéal.

L’expérience de nos rêves intègre à la fois des aspects liés au dispositif optique, au contrôle des paramètres extérieurs et des aspects relatifs à l’échantillon biologique lui-même. Nous décrirons dans un premier temps l’ensemble de ces aspects, et les objectifs expérimentaux qui en découlent. Dans un second temps, nous décrirons les améliorations apportés à notre dispositif optique et à notre protocole expérimental pour atteindre les objectifs définis. Enfin, nous établirons un bilan de l’expérience réelle, et feront un point sur les optimisations qui ont pu être apportées.

3.1 Histoire de l’expérience de nos rêves