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Perspective pour l’étude comparative des structures IRES

5.2 Etude comparative de différentes IRES virales

5.2.2 Mesures cinétiques comparatives en molécules uniques des IRES CrPV,

5.2.2.5 Perspective pour l’étude comparative des structures IRES

Évolution de la loi d’ajustement D(t) Bien que la loi d’ajustement D(t) ait été un outil utile pour extraire les paramètres cinétiques de nos acquisitions, des améliorations de cette loi s’avèrent nécessaires pour les expériences ultérieures.

D’abord nous nous interrogeons sur la prise en compte du photoblanchiment dans nos ex- périences. Actuellement, nous soustrayons le photoblanchiment en renormalisant les expériences de traduction par des expériences de contrôle sans IRES. Seulement dans le contrôle sans IRES, 100% des ARNm sont soumis au photoblanchiment (et aux départs instantanés dont la ciné- tique est inconnue), tandis que dans les expériences de traduction, seule une proportion des ARNm sont traduits, un certain nombre sont uniquement soumis au photoblanchiment. Nous considérons donc une seule population homogène tandis qu’il y en a en réalité deux : une popu- lation d’ARNm pour lesquels la traduction est en concurrence avec le photoblanchiment et une population d’ARNm qui ne sera de toute façon pas traduite, et qui n’est donc soumise qu’au photoblanchiment .

Pour mieux prendre en compte ces deux populations, nous avons commencé à réfléchir à un modèle qui inclurait un paramètre α correspondant à la part d’ARNm qui ne sont soumis qu’au photoblanchiment ((1−α)) correspond à la proportion du reste de la population d’ARNm), ainsi qu’un paramètre correspondant à la durée de vie avant photoblanchiment dans les conditions de l’expérience que nous évaluons à partir des expériences de contrôle. Nous sommes actuellement en train de tester ce modèle sur les résultats de nos expériences pour éprouver sa viabilité.

Identification des différentes étapes qui entourent l’initiation par le marquage du ribosome Pour définir plus spécifiquement quelle est l’étape cinétiquement limitante entre les trois étapes décrites dans le paragraphe 5.2.2.4, il nous serait particulièrement utile de pouvoir suivre directement le mouvement du ribosome. L’équipe de biologistes de l’I2BC vient de parvenir à produire et purifier des ribosomes eucaryotes marqués. Nous pouvons donc envisager des expériences où nous pourrons discriminer les étapes de diffusion et de recrutement des sous- unités par les IRES puisque le signal de fluorescence du ribosome n’apparaîtra que lorsque celui-ci sera recruté sur l’ARN messager.

Par colocalisation, nous pourrons également déterminer quels sont les ARNm qui sont effec- tivement traduits et quels sont ceux qui ne sont soumis qu’au photoblanchiment et à l’instabilité thermodynamique. C’est une seconde façon de répondre à la problématique des deux popula- tions d’ARNm exposée dans le paragraphe précédent. La proportion d’ARNm sur leur nombre

total qui seront colocalisés avec un ribosome nous donnera accès immédiatement à l’efficacité de recrutement de l’IRES considérée.

Bien sur, une telle innovation dans notre approche peut demander un important travail d’optimisation de notre protocole expérimental. Une première série d’expériences aura pour seul but de prouver notre capacité à observer le signal des ribosomes marqués en molécule unique, et de vérifier que ces ribosomes sont en mesure de s’initier et de traduire nos ARN messagers.

5.3 Conclusion

Nous avons exposé dans ce chapitre deux grandes étapes de ce projet de recherche qui ont récompensé l’ensemble des optimisations minutieuses apportées à notre approche expérimentale. D’abord, confrontés à la faible efficacité globale pour nos expériences avec les ribosomes du RRL, nous avons exposé dans ce chapitre les pistes explorées pour améliorer ce point essentiel pour la viabilité de nos mesures. Nous avons exploré deux pistes principales. Nous avons dans un premier temps essayé de modifier l’ARN messager avec IRES CrPV pour faciliter l’accès du ribosome au site d’initiation. Puis, cette stratégie n’ayant pas fonctionné, nous nous sommes tournés vers le site d’initiation lui-même et avons testé l’initiation par une IRES HCV. Cette seconde piste nous a effectivement permis d’augmenter l’efficacité d’initiation et de fait l’efficacité globale de traduction dans le RRL.

Encouragés par ce résultat, nous avons identifié dans la littérature une troisième IRES, l’IRES EMCV, choisie pour son efficacité d’initiation optimale dans l’extrait cellulaire RRL lors de mesures biochimiques. Cette IRES présente également l’avantage d’être d’un type différent des IRES HCV et CrPV étudiées précédemment. En produisant un ARNm initié par l’IRES EMCV, nous avons donc décidé de réaliser une étude comparative en molécule unique, tant de l’efficacité d’initiation des systèmes IRES que de la cinétique associée à l’initiation par ces structures.

Cette étude a amené à la conclusion que la cinétique d’initiation des IRES CrPV, HCV et EMCV est associée à l’existence d’un temps long de plusieurs dizaines de secondes qui traduit des interactions fortes entre le ribosome et la séquence IRES très structurée. Nous avons également établi que nous étions en mesure de transposer le principe de notre expérience dans le cadre de différentes problématiques biologiques. En effet, nous parvenons à mesurer pour des systèmes rapporteurs divers, des vitesses d’élongation cohérentes entre elles et avec la littérature.

Malgré tout, à la suite de cette étude, des interrogations demeurent, en particulier sur les mécanismes exacts qui permettent de justifier la présence d’un temps long lors de l’initiation IRES dépendante. Pour répondre à ces problématiques, nous comptons en particulier sur l’uti- lisation dans le court terme de ribosomes eucaryotes marqués, pour mettre en perspective les résultats de notre étude comparative.

Nous avons exposé au cours de ce travail de thèse, les réalisations associées à une approche d’étude de la traduction eucaryote à l’échelle de la molécule unique, développée dans l’équipe molécule unique au sein du Laboratoire Charles Fabry. Notre approche pour étudier la traduc- tion eucaryote consiste à hybrider deux oligos marqués sur l’ARNm de sorte que le départ de ces oligos témoigne du passage du ribosome à des endroits précis de l’ARNm et permette de calculer la vitesse moyenne d’élongation entre deux points. Pour observer les oligos marqués et détecter leurs départs de l’ARNm, nous avons utilisé un montage de microscopie de fluorescence par réfexion totale (TIRFM).

Sur la base de ce dispositif et d’un protocole expérimental développés et validés lors de pré- cédents travaux de thèse, nous avons étendu les possibilités de la technique pour aller explorer différentes pistes biologiques et en particulier l’étude des évènements non canoniques de la tra- duction eucaryote comme l’initiation par une structure virale IRES ou encore le décalage de la phase de lecture en -1.

C’est la problématique particulière des évènements non canoniques qui a motivé l’ensemble des modifications et des améliorations apportées à l’approche expérimentale initiale, pensée dans l’idée de fournir une première preuve de principe. Le premier enjeu en ce sens était de pouvoir éloigner les jalons fluorescents l’un de l’autre sur l’ARN messager. Cette modification impliquait nécessairement une augmentation des sources de bruit de la mesure : le photoblanchiment et les départs spontanés. Partant de ce constat, nous avons travaillé sur le dispositif expérimental tant dans sa composante optique que sur ses autres aspects (thermique, fluidique, électronique...) pour minimiser l’impact de ces phénomènes. Dans le même temps, les optimisations apportées avaient un second objectif tout aussi essentiel : apporter à notre système un maximum de stabilité et de confort expérimental lors des prises d’acquisition. Loin d’être un aspect périphérique, il s’agit d’un élément central puisque nous étudions un système biologique complexe qui implique un grand nombre de paramètres expérimentaux. Assurer la reproductibilité de nos mesures est absolument nécessaire et passe par l’optimisation fine de tous les éléments de l’expérience pour assurer une stabilité de nos paramètres expérimentaux au cours du temps.

Au terme de ce processus d’optimisation, nous sommes effectivement parvenus à un dispo- sitif de TIRFM stable au point que nous pouvons interrompre nos expériences et les reprendre plusieurs mois après, en ayant seulement quelques réglages mineurs à apporter. Du point du vue de l’expérience elle-même, nous nous sommes approchés de ce que l’on peut considérer comme l’expérience idéale. Nous avons assuré une bonne stabilité des paramètres extérieurs à l’échan- tillon biologique, et avons optimisé cet échantillon lui-même de manière à assurer l’acquisition d’une statistique de mesure conséquente lors d’une expérience. Les sources de bruit principales de notre mesure ont été minimisées par différentes stratégies, conduisant à des acquisitions dont on extrait plus facilement la cinétique de traduction.

Grâce à l’ensemble des améliorations apportées, nous sommes parvenues à obtenir une ci- nétique de traduction pour un système rapporteur dont les jalons fluorescents ont été écartés. Bien sûr entre l’acquisition et l’interprétation des cinétiques, un important travail de traitement

des données brutes et d’ajustement des cinétiques extraites doit être réalisé. Ce processus de traitement des données a majoritairement été développé lors de la thèse de Nicolas Fiszman, et a montré sa robustesse tout au long de ma thèse. Je n’ai eu à y apporter que des modifications mineures.

Les premières conclusions biologiques de notre étude ont concerné l’initiation par l’IRES virale du Cricket Paralysis Virus utilisée pour initier notre système biologique. Les ribosomes sont initialement pré-attachés sur l’IRES. Les mesures cinétiques ont mis en lumière une cinétique d’intiation et d’élongation gouvernées par deux temps caractéristiques : un temps court et un temps long. Nous assimilons le temps court au temps caractéristique d’élongation du ribosome et le temps long au temps nécessaire pour que le ribosome puisse s’extraire de la structure IRES avec laquelle il interagit et aborder une phase d’élongation canonique. Cette conclusion va dans le sens des observations de la littérature, qui laissent penser que les interactions entre l’IRES CrPV et le ribosome eucaryote sont des interactions complexes qui justifient l’existence d’une étape cinétique lente lors de ces interactions.

En plus d’écarter la distance entre les deux jalons pour aller vers l’étude des erreurs program- mées, nous avons initié une expérience de contrôle consistant à ne pas pré-attacher les ribosomes eucaryotes sur l’IRES, mais à étudier la population concurrente des ribosomes endogènes du RRL, qui sont en mesure de s’initier seuls sur l’IRES CrPV. Nous avons constaté que cette po- pulation jouait un rôle minoritaire lorsqu’ils sont en concurrence avec les ribosomes pré-incubés car leur efficacité d’initiation sur l’IRES CrPV est faible. Si on ne les pré-attache pas, seuls 10% des ribosomes présents dans le RRL parviennent à s’initier sur l’IRES. Cette expérience a ou- vert pour nous une voie intéressante. Souhaitant travailler avec le système le plus physiologique possible, nous nous sommes demandés comment nous pouvions améliorer l’efficacité d’initiation des ribosomes du RRL sur l’IRES.

Cette problématique nous a amenés à une seconde problématique biologique. Nous avons montré que l’utilisation de l’IRES HCV nous permettait d’augmenter grandement l’efficacité d’initiation des ribosomes du RRL, et donc de réaliser des mesures cinétiques fiables, avec une bonne statistique sur cette IRES. Nous avons décidé de poursuivre dans cette voie en compa- rant les cinétiques d’initiation et d’élongation pour des ARNm initiés par trois IRES de types différentes : CrPV, HCV et EMCV, EMCV étant identifiée par des études biochimiques comme ayant une très bonne efficacité d’initiation dans le RRL. L’étude cinétique bien qu’encore à un stade préliminaire nous a permis dans un premier temps de mettre à jour l’existante d’une étape cinétiquement lente commune à l’ensemble des IRES étudiées, qui se traduit par l’existence d’une cinétique à deux temps caractéristiques long et court. Mais surtout cette étude nous a permis de confirmer que notre approche était valide dans différentes conditions biologiques et constituait en cela un outil modulable et parfaitement adapté pour aborder des problématiques telles que les erreurs programmées de la traduction eucaryote.

L’étude des erreurs programmées en particulier celle du décalage de la phase de lecture en -1 constitue naturellement la principale perspective sur le long terme de ce travail de thèse. Elle est restée dans notre esprit pendant ces trois années et nous a guidés dans l’établissement de nos objectifs. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’étudier des systèmes rapporteurs pour lesquels on avait insérés des éléments inductifs de FS-1 entre les deux jalons fluorescents comme illustré

sur la figure 5.15.

Figure 5.15 – Illustration de l’expérience envisagée pour étudier la cinétique du FS-1 avec les éléments inducteurs de la séquence du gène eucaryote IBV. Sur un premier ARNm (en haut), on insère entre les deux jalons fluorescents les éléments inducteurs du FS-1 : la séquence glissante et le pseudonœud. Un codon stop est inséré dans la phase 0, si bien que les ribosomes non affectés par le FS-1 vont s’arrêter de traduire et n’auront détaché que le premier jalon fluorescent tandis que ceux qui sont affectés par le FS-1 ne s’arrêteront pas et vont détacher le second jalon. On distingue de ce fait les deux populations de ribosomes. Un ARNm de contrôle (en bas) est utilisé en parallèle. Dans ce cas, un codon stop est simplement inséré entre les deux jalons, si bien que l’on peut acquérir la cinétique des départs non dus à la traduction pour le second jalon. On pourra renormaliser la cinétique de départ du second jalon pour l’expérience de traduction par celle pour l’expérience de contrôle pour obtenir la cinétique de départ propre aux ribosomes qui se décalent DF S

trad(t).

Seulement, du fait de la faible efficacité globale sur ces ARNm (l’initiation se faisait avec l’IRES CrPV), nous n’avons pas réussi à mesurer des cinétiques exploitables. Désormais, nous savons faire des systèmes rapporteurs pour lesquels nous avons une bonne efficacité globale, et nous avons confirmé que nous sommes en mesure de mesurer une cinétique pour des ARNm avec un grand espacement entre le deux jalons fluorescents. Nous pouvons donc à nouveau aborder cette problématique biologique. Le temps de pause du ribosome au niveau des éléments stimu- lateur de FS-1 a été évalué dans la littérature à plusieurs dizaines de secondes et est de fait mesurable par notre approche expérimentale. Nous pouvons ainsi espérer observer au niveau de l’histogramme un décalage du temps caractéristique d’élongation par rapport à un ARNm qui ne possède pas les séquences stimulatrices. On peut aussi réaliser des expériences à une seule couleur comme décrit dans la légende de la figure 5.15, pour évaluer la valeur du temps de pause au niveau de la séquence glissante.

Du point du vue du dispositif expérimental, on peut également identifier des perspectives à plus ou moins long terme qui permettraient d’améliorer encore les conditions expérimentales

de notre étude. Dans une perspective de moyen terme on peut citer par exemple l’amélioration de notre système microfluidique qui aujourd’hui est un système maison plutôt artisanal. Nous pourrions imaginer un système plus automatisé, qui permettrait d’injecter instantanément les différentes solutions au niveau de la zone observée. Ce serait en particulier une avancée im- portante pour estimer avec une meilleure précision le temps initial d’acquisition de nos films. Aujourd’hui il correspond à l’arrivée du RRL sur la zone d’analyse, mais nous savons que nous avons une erreur systématique sur l’évaluation de cet instant initial, en partie due à une injection pas parfaitement instantanée. De façon plus générale, nous allons vers une automatisation de plus en plus importante de l’ensemble du dispositif expérimental pour limiter les biais de me- sure liées simplement au facteur humain, et aux différentes manipulations répétitives que nous multiplions. L’objectif n’est pas de réaliser un prototype commercial et compact mais plutôt d’assurer un confort d’utilisation pour l’expérimentateur. Cette dimension est particulièrement importante dans la mesure où cette technique expérimentale pourrait être à terme transférée totalement dans le laboratoire de biologie moléculaire. Elle devra alors être accessible dans son utilisation à un public de non spécialistes.

Pour ce qui concerne les perspectives techniques sur le long terme, nécessitant un investis- sement expérimental nettement plus conséquent, nous pourrions nous tourner vers la technique du Zero Mode Waveguide, qui nous permettrait de travailler dans des conditions beaucoup plus physiologiques, n’étant plus limités par la concentration en molécules marquées. Passer à cette technique de molécule unique constituerait un projet de thèse en soi, mais pourrait apporter de grands bénéfices sur le plan expérimental.

Quelles que soient les perspectives de ce travail de thèse, il constitue la démonstration des potentialités qui naissent de l’interaction interdisciplinaire. En mutualisant tout à la fois des connaissances, des techniques, mais aussi et surtout une approche scientifique propre à nos disciplines d’origines, nous sommes parvenus à développer une approche expérimentale originale et particulièrement adaptée pour aborder une problématique biologique complexe et riche comme la traduction eucaryote. Nous avons su retirer des interactions et des réflexions partagées entre nos deux équipes des solutions au quotidien face à toutes les difficultés qui se sont présentées, et ce projet ne cesse encore et encore de progresser dans la vision d’un objectif commun.

Protocoles de préparation des

échantillons pour une expérience en

molécule unique

A.1 Protocoles de nettoyage des échantillons en amont

Entre chaque journée d’expérience, nous devons démonter l’échantillon et nettoyer les élé- ments qui constituent la cellule microfluidique en vue d’une nouvelle utilisation. Nous nettoyons ces éléments grâce à deux protocoles distincts.