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Rappels des lois thermodynamiques régissant la formation du complexe

3.3 Stabilité thermodynamique des ARNm et des oligo-fluorophores

3.3.3 Rappels des lois thermodynamiques régissant la formation du complexe

3.3.3.1 Paramètres thermodynamiques

L’équilibre décrit dans l’équation 3.3 a été beaucoup étudié en biologie notamment pour déterminer la stabilité de structures secondaires doubles brins sur l’ARNm telles que celles impliquées dans le FS-1 présentées au chapitre 1. Deux grandeurs caractérisent particulièrement la thermodynamique de l’équilibre 3.3 : la température de fusion Tm et l’enthalpie libre ∆G0.

L’enthalpie libre exprimée par les biologistes en kcal/mol est l’énergie à fournir par unité de matière pour défaire la séquence double-brin considérée. Ces grandeurs sont reliées l’une à l’autre par le système d’équations suivant :

∆G0= ∆H0− T ∆S0 (3.4) T = ∆H0 ∆S0+ R ln( [ARN][Oligo] [Complexe] ) (3.5) ⇒ Tm= ∆H0 ∆S0+ R ln( [ARN]init 2 ) (3.6)

avec R la constante des gaz parfaits, et T la température. La température de fusion est par définition la température pour laquelle la moitié des oligos sont hybridés à leur complémentaire. Dans ce cas on peut écrire : [ARN] = [Oligo] = [Complexe] = [ARN]init

2 pour des concentrations initiales en ARNm et en oligos supposées égales. On a alors

L’enthalpie standard de formation ∆H0 et l’entropie standard de formation ∆S0 qui in-

terviennent dans ce sytème d’équation dépendent de la séquence nucléotidique choisie et des conditions de salinité. Plusieurs approches sont alors possibles. Il est possible de mesurer le Tm d’une séquence donnée en utilisant ses propriétés d’hyperchromicité. Lorsque les séquences

doubles-brins ARN-ARN sont soumises à une dénaturation (perte de leur structure double-brin) leur absorption dans l’UV augmente. On peut donc mesurer le taux d’absorption en fonction de la température imposée au système. Ces courbes appelées courbes de dénaturation donnent accès au Tm pour une séquence donnée dans des conditions de salinité données, ce qui permet de

remonter à l’entropie et l’enthalpie standard, puis par le biais de l’expression (3.4), à l’enthalpie libre du système pour une température T .

Une autre approche, théorique cette fois, se base sur un modèle dit du plus proche voisin qui part de l’idée que la stabilité d’une paire de base dépend de l’identité et de l’orientation spa- tiale des paires de bases voisines. Ce modèle s’appuie sur une bonne correspondance des valeurs calculées avec celles obtenues par la méthode précédente des courbes de fusion. A partir de ce modèle, des études [von Ahsen 2001, Chen 2012] parviennent à calculer les valeurs de ∆S0 et

∆H0 pour les différentes paires de bases dans des conditions de température et de salinité fixées.

Par exemple pour une des séquence utilisée pour nos travaux, AAA GAG UUC AGC AGU, on trouve ∆S0 = −1, 5kJ.mol−1 et ∆H0 = −579kJ.mol−1. En utilisant les valeurs théoriques

de (3.5), retracer l’évolution théorique du ratio d’oligos déshybridés en fonction de la tempé- rature pour différentes séquences d’oligos. Cette évolution est illustrée sur la figure 3.10 (les concentrations initiales en oligos et en ARNm sont toujours considérées comme identiques).

Figure 3.10 – Figure issue des travaux de thèse de Nicolas Fiszman [Fiszman 2013]. Courbes de déshybridation théoriques de différentes séquences d’oligonucléotides en fonction de la température.

3.3.3.2 Importance de la séquence choisie et dépendance en température

Comme le montrent les courbes théoriques réprésentées sur la figure 3.10, la stabilité des oligonucléotides dépend avant tout de deux paramètres : la température et la séquence des oligos (longueur et nature des nucléotides). Ces dépendances sont directement retranscrites dans les grandeurs principales qui caractérisent l’équilibre thermodynamique du système :

• la température de fusion Tm qui correspond à une température critique au dessous de

laquelle il faut se placer pour s’assurer de la stabilité de nos marqueurs,

• l’enthalpie standard de formation ∆H0 et l’entropie standard de formation ∆S0, qui dé-

pendent directement de la nature de la séquence étudiée.

Choisir judicieusement la séquence de nos oligonucléotides et contrôler précisément la température de nos échantillons est donc primordial pour limiter l’instabilité des marqueurs.

3.3.3.3 Dépendance de la concentration initiale en ARNm et marqueurs

En plus d’être dépendante de la séquence choisie, l’équation 3.6 montre bien que la valeur de Tm dépend de la concentration initiale en ARNm et en oligonucléotides.

Il est fréquent dans la littérature de considérer que cette dépendance inscrite dans le terme R ln [ARN ]init

2 

Figure 3.11 – Figure issue des travaux de thèse de Nicolas Fiszman [Fiszman 2013]. Évolution théo- rique de la température de fusion Tm en fonction de la concentration initiale en espèces (ARNm et

oligo-nucléotides).

∆S0. Effectivement pour la séquence décrite, diluer 10 fois ne fait varier le Tm que de 5˚C.

Seulement, nous travaillons à l’échelle de la molécule unique et sommes donc amenés à diluer un grand nombre de fois les solutions. Le rinçage dans la cellule micro-fluidique des particules non fixées contribue à diluer encore plus fortement le milieu dans lequel l’équilibre (3.3) est étudié. Aussi on ne peut négliger la dépendance en concentration du Tm. Cette dépendance est

représentée sur le graphique 3.11.

On constate une variation importante de Tm avec la concentration initiale en

oligos dans le milieu. Il est tout à fait différent de travailler avec des concentrations mM et les concentrations mises en jeu en molécule unique. C’est un effet qu’il nous faut prendre en compte pour évaluer la stabilité de nos marqueurs en conditions réelles d’expérience.

3.3.3.4 Autres facteurs et limitations du modèle proposé

Il est important de noter que les données quantitatives qui précèdent sont établies à partir d’un modèle théorique qui a ses limites. Les valeurs calculées de ∆H0 et ∆S0 le sont pour des

liaisons ADN-ADN et sans prendre en compte certains paramètres physicochimiques tel que la concentration en ions Na+ ou Mg2+.On peut comparer les résultats de plusieurs études qui

réalisent des hypothèses de départ différentes.

Comme le montre la figure 3.12 qui récapitule les conclusions de ces études, un écart de notable de plusieurs degrés sur la température de fusion est observable selon les

Figure 3.12 – Figure issue des travaux de thèse de Nicolas Fiszman [Fiszman 2013]. Courbes de déshybridation théoriques pour différents types d’hybridations en fonction de la température. Ces courbes théoriques sont issues des travaux de [SantaLucia 1996, Breslauer 1986, Chen 2012].

hypothèses du modèle et sa mise en oeuvre. La courbe en tirets bleus (1) correspond à des liaisons ADN-ADN selon [SantaLucia 1996], celle en pointillés bleue ciel (2) à des liaisons ADN-ADN selon [Breslauer 1986], celle en noir à des ARN-ARN selon [Chen 2012] , et ce pour des conditions expérimentales comparables. Il est donc nécessaire de garder un œil critique sur les valeurs théoriques du Tm qui nous donne une indication sur la stabilité potentielle de nos

marqueurs fluorescents mais ne ne nous garantit pas d’être totalement prémunis des départs spontanés.