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Chapitre 1. Introduction

1.2. Problématique, question et objectif de recherche

1.4.4. Traitement des données

Durant la lecture des nombreux jugements à analyser, il est indispensable d’établir une stratégie liée au classement des données recueillies122. Une liste des jugements potentiellement pertinents sera donc produite précisant l’instance d’où proviennent les jugements (Ex. : Cour d’appel) ainsi que les mots-clés ayant permis de les détecter. Par la suite, de chacun de ces jugements, on s’attardera principalement aux éléments suivants :

119 Luc BOUCHARD et Mario PERONI, 1998, Recueil de jurisprudence sur le bornage et l’expertise foncière,

Sainte-Foy, Ordre des arpenteurs-géomètres du Québec.

120 Mots-clés permettant de cibler les catégories de jugements désirés, soit les jugements en attribution de

droit de propriété, les jugements en bornage ainsi que les jugements en réclamation de dommages pour empiètement.

121 Plus de 500 jugements des Cours d’appel, supérieures et du Québec ont été consultés dans le cadre de

cette recherche, et où plus de 300 se sont finalement avérés pertinents. Voir à ce sujet la bibliographie pour la liste détaillée des jugements pertinents.

122 Gordon MACE, François PETRY, Guide d’élaboration d’un projet de recherche, Les Presses de

l’Université Laval, Québec, 2000, p. 104 : « La classification de l’information consiste à classer les faits

recueillis à l’intérieur de catégories préalablement déterminées par les référents empiriques du cadre opératoire et la ou les techniques d’analyse retenues ».

 Quelles sont les marques matérielles auxquelles le jugement fait référence ?  Est-ce que ces marques matérielles furent un élément de preuve retenu ?

 Si discuté par le juge, en vertu de quels attributs, caractéristiques ou critères ces marques matérielles furent-elles retenues comme élément de preuve probant ? Ce sont les réponses à ces trois questions qui permettront ultimement d’élaborer une typologie indiquant et traitant des différentes marques de possession pertinentes en matière de délimitation foncière. En fait, toute l’information nécessaire permettant de répondre à la question de recherche se retrouvera invariablement dans les réponses à ces questions.

Le premier but visé est de définir et d’énumérer une multitude d’éléments matériels ayant été analysés par les tribunaux et c’est plutôt les circonstances et non la fréquence d’un élément qui permet de déterminer s’il s’agit d’une marque potentiellement valable et déterminante. Ainsi, feront partie de cette liste toute marque matérielle ayant été considérée comme un corpus et ayant contribuée à l’ensemble de la preuve. Puisque l’on retrouve plus souvent qu’autrement plusieurs marques d’occupation distinctes dans un secteur ou sur une même limite de propriété, la présente recherche ne peut se limiter à une simple énumération d’une liste d’éléments. En effet, ce répertoire énumérant les différentes marques physiques pouvant être rencontrées pour démarquer deux propriétés contiguës ne peut permettre a priori de donner préséance à certains éléments plutôt qu’à d’autres. C’est pourquoi, de cette liste d’éléments, une analyse qualitative 123 devra être effectuée dans le but de déterminer les attributs ou caractéristiques que doivent avoir un élément pour se voir attribuer une force probante. C’est l’analyse que fait le juge à propos de la marque qui permettra d’en faire ressortir les critères prédominants faisant en sorte que cette marque fut retenue comme représentant l’emprise matérielle de la possession. Il sera donc possible d’identifier les conditions qui influent sur la valeur probante attribuée aux différentes marques matérielles. Qui plus est,

123 Gordon MACE, François PETRY, Guide d’élaboration d’un projet de recherche, Les Presses de

l’Université Laval, Québec, 2000, p. 110 : « L’analyse qualitative est un exercice structuré de mise en

relation logique de variables et, par voie de conséquence, de catégories de données. C’est le type d’exercice par lequel on tente de reproduire logiquement un schéma mental de l’évolution d’un phénomène ou d’une interrelation entre phénomènes, en essayant à vérifier, par l’observation, le degré de correspondance entre cette construction de l’esprit et la situation réelle. ».

33 la meilleure façon de déterminer quel élément doit normalement primer sur un autre est de retrouver des jugements où l’on retrouve en concurrence au moins deux (2) marques de possession distinctes. Devant cette situation de fait, le juge aura à décider s’il accorde préséance à l’un d’eux ou s’il accorde le même poids à chacun d’eux.

Il est important de bien cerner l’essence du jugement et surtout les propos du juge lorsque celui-ci analyse les différentes marques matérielles. Si l’énumération des différentes marques retrouvées dans les jugements pourrait s’avérer un simple travail de compilation sur la base d’observations, l’analyse de la force probante de ces marques n’est pas aussi simple. Notons que l’analyse qualitative « exige du chercheur une attitude d’extrême prudence étant donné les éléments de subjectivité pouvant intervenir au moment de l’interprétation »124. C’est ainsi que, dans un souci d’intégrité, la reproduction intégrale des propos du juge sera fréquemment utilisée afin d’éviter toute interprétation erronée, au surplus s’il s’agit de citations tirées de jugements d’instance supérieure. Cette façon de procéder est également une sorte de validation qui « évite au chercheur de mal interpréter le sens que donnent les acteurs sociaux étudiés à leurs actions ou à leurs situations sociales » 125. Cette validation est indispensable pour éviter une analyse subjective de la problématique126. Finalement, la validation des résultats de cet ouvrage se fera également par la multiplicité de sources crédibles consultées (jugements issus des Tribunaux).

Une autre procédure à respecter lors d’une analyse qualitative, dans le but de rendre la recherche la plus objective possible, est la saturation de données. Le chercheur atteint la saturation lorsque « la recherche empirique ne relève rien de nouveau »127 et c’est à ce moment qu’il peut mettre fin à sa collecte de données. Concrètement, dans le cadre de ce projet de recherche, pour deux situations ayant plusieurs similitudes, nous ne

124 Gordon MACE, François PETRY, Guide d’élaboration d’un projet de recherche, Les Presses de

l’Université Laval, Québec, 2000, p. 110.

125 François DÉPELTEAU, 2003, La démarche d’une recherche en sciences humaines, De la question de

départ à la communication des résultats, 2e édition, Les Presses de l’Université Laval, Québec, p. 376. 126 François DEPELTEAU, 2003, La démarche d’une recherche en sciences humaines, De la question de

départ à la communication des résultats, 2e édition, Les Presses de l’Université Laval, Québec, p. 375-376.

127 François DÉPELTEAU, 2003, La démarche d’une recherche en sciences humaines, De la question de

sommes pas à l’abri de décisions divergentes ou contradictoires. C’est ainsi que l’on s’attardera à la jurisprudence majoritaire, en mettant en garde le lecteur des cas où l’on retrouve certains jugements qui ne suivent pas cette tendance majoritaire 128 . Similairement, l’utilisation du plus grand nombre de jugements possibles accroît également la possibilité d’atteindre cette saturation.

Toujours en ce qui a trait à l’analyse des données recueillies, des différents commentaires pertinents émis par les juges, trois tactiques d’interprétation distinctes seront utilisées afin d’en faire ressortir certains concepts principaux. L’analyse qualitative, basée sur des observations documentaires, réalisée dans le but d’en arriver à répondre à la question de recherche, pourrait donc se résumer par le schéma suivant :

Lecture de l’information recueillie (jurisprudence)

Recherche de ―patterns‖, de thèmes récurrents ou de critères

―qui sautent aux yeux‖ Recherche d’appuis juridiques à

certains critères dont on croyait la validité avant la recherche

Regroupement de citations traitant de diverses situations

dans le but de généraliser Elaboration de la grille d’analyse sur la base des critères

préalablement définis

Figure n°2 - Analyse qualitative basée sur des observations documentaires

128 Gordon MACE, François PETRY, Guide d’élaboration d’un projet de recherche, Les Presses de

l’Université Laval, Québec, 2000, p. 112-113 : c’est stratégie d’analyse est également un autre mode de validation basé sur la signification des cas atypiques, visant à « repérer les exceptions que l’on retrouve

35 Tout d’abord, par le repérage de « patrons » ou de thèmes, on pourra rapidement faire ressortir certains critères primordiaux qui « sautent aux yeux » et qui vont de soi, mais qui devront néanmoins être prouvés et appuyés129. Deuxièmement, par la recherche basée sur le principe de la plausibilité, on sera en mesure de justifier un nombre de critères que l’on croyait au départ être importants130. Il s’agit en fait de retrouver, dans l’information recueillie, des appuis juridiques à un concept que l’on croyait a priori logique et valable. Finalement, par le regroupement, il sera possible de faire ressortir des critères plus généraux à partir de citations traitant de cas bien précis131. Cette dernière tactique devrait permettre de réduire le nombre d’attributs ou de critères à évaluer lorsque vient le temps de déterminer la force probante d’une marque de possession.